DEMANDE DE BOURSES DE THESE 2014 TITRE : Mécanismes biologiques de la déformation de cellules cancéreuses sur surfaces micro-structurées Ce projet fait suite à deux thèses financées par la Région Alsace qui ont permis la publication de plusieurs articles dans des journaux de haut facteur d’impact et qui ont fait l’objet de communications au niveau national par le CNRS. COLLABORATIONS MISES EN PLACE POUR LE PROJET : Une collaboration existe au sein de l’Université de Haute-Alsace avec le laboratoire MIPS pour le développement de méthodes d’analyse d’images de cellules déformées entre des micro-piliers. Cette collaboration indispensable au projet sera prolongée dans le cadre de cette thèse. Ce projet pourra également bénéficier des collaborations internationales du Dr Karine ANSELME en Allemagne et au Brésil. DIRECTEUR DE THESE ET CO-ENCADRANTS Directrice : Karine ANSELME (IS2M, UHA, Mulhouse) OBJECTIFS DU PROJET Les objectifs de ce projet sont de : Ø déterminer les mécanismes biologiques mis en jeu dans la déformation de noyaux de cellules cancéreuses sur des surfaces micro-structurées. Ø déterminer les conséquences cellulaires de la déformation Ø étudier la déformation nucléaire grâce à de nouvelles surfaces microstructurées 3D SITUATION DU SUJET DANS LE CONTEXTE NATIONAL ET INTERNATIONAL La gravité du cancer résulte essentiellement de la capacité des cellules tumorales à développer des résistances contre les traitements chimiothérapeutiques et à former des métastases. Au cours de la dissémination métastatique, les cellules subissent des déformations considérables de leur corps cellulaire mais surtout de leur noyau qui devraient conduire à leur apoptose (mort cellulaire). Un défi actuel est de comprendre quels sont les mécanismes intracellulaires impliqués dans cette résistance des cellules cancéreuses à la déformation nucléaire et les conséquences de cette déformation sur leurs propriétés. Nous avons récemment démontré que des cellules cancéreuses avaient la capacité de déformer leur noyau de façon considérable (noyaux en forme de croix) lorsqu’elles étaient cultivées sur des surfaces polymères présentant des piliers carrés de 7µm de côté et 6µm de profondeur et espacés de 7µm [1] (Figure 1). La déformation nucléaire observée n’est pas liée à une force externe mais correspond à une propriété intrinsèque des cellules et rappelle le type de déformation qu’une cellule métastatique cancéreuse peut adopter lorsqu’elle migre dans les tissus ou passe à travers les membranes des tests classiques d’invasivité cellulaire. En dépit de la déformation du noyau, les cellules continuent de se diviser et de se différencier. Cette déformation nucléaire initialement observée avec des cellules cancéreuses d’origine mésenchymateuses (ostéosarcomes) a été confirmée sur des cellules d’origine épithéliale transformées. Par contre, les cellules saines ne se déforment pas [2]. La modification de l’espacement entre les piliers a permis de discriminer des lignées d’ostéosarcome humain en fonction de leur capacité à déformer leur noyau. Ces déformations sont directement liées à la composition et l’organisation du cytosquelette des cellules [3]. Plus récemment, nous avons pu montrer que des cellules cancéreuses de colon caractérisées par leur potentiel de polarisation étaient également capables de se déformer sur les surfaces avec piliers alors qu’elles ne sont pas capables de traverser des membranes poreuses dans les tests d’invasion classiques (thèse F. Badiqué). Cette déformation in vitro entre des piliers (structures 2.5D) est à rapprocher des déformations observées quand des cellules cancéreuses sont confinées dans des tubes [4,5] ou entre deux plaques dans des systèmes microfluidiques [6-9]. Cette déformation peut être aussi mise en relation avec les déformations observées in vitro dans des matrices extracellulaires 3D [10] ou dans les tissus [11]. Elle fait donc partie des outils disponibles actuellement pour l’analyse biophysique de la déformation nucléaire et cellulaires des cellules cancéreuses et pourrait servir de base à des outils de diagnostic du cancer. a b Figure 1 : (a) piliers de polymères d’acide poly-lactique de 7µm de côté et 6µm de hauteur, espacés de 7µm (b) cellules cancéreuses SaOs-2 déformées sur les piliers (noyau cellulaire : bleu, corps cellulaire : vert). Barre : 20µm. References [1] Davidson P, Özçelik H, Hasirci V, Reiter G, Anselme K. Micro-structured surfaces cause severe but non-detrimental deformation of the cell nucleus. Adv Mater 2009; 21: 3586-3590. [2] P. M. Davidson, T. Haraguchi, T. Koujin, T. Steinberg, P. Tomakidi, Y. Hiraoka, K. Anselme, G. Reiter, Severe deformations of malignant bone and skin cells, as well as aged cells, on micropatterned surfaces. Biomaterials Surface Science, Chapter 16, Wiley, 2013; 469-489. [3] F. Badique, D. R. Stamov, P. Davidson, M. Veuillet, G. Reiter, J.N. Freund, C. M. Franz, K. Anselme, Directing nuclear deformation on micropillared surfaces by substrate geometry and cytoskeleton organization. Biomaterials 2013; 34: 2991-3001. [4] Tong ZQ et al. Chemotaxis of Cell Populations through Confined Spaces at Single-Cell Resolution. Plos One 2012; 7: e29211[5] Balzer EM et al. Physical confinement alters tumor cell adhesion and migration phenotypes. FASEB J 2012; 26: 4045-4056. [6] Desprat N, Guiroy A, Asnacios A. Microplates-based rheometer for a single living cell. Review of Scientific Instruments 2006; 77: [7] Velve-Casquillas G, Le Berre M, Piel M, Tran PT. Microfluidic tools for cell biological research. Nano Today 2010; 5: 28-47. [8] Huang Y, Agrawal B, Sun DD, Kuo JS, Williams JC. Microfluidics-based devices: New tools for studying cancer and cancer stem cell migration. Biomicrofluidics 2011; 5: [9] Le Berre M, Aubertin J, Piel M. Fine control of nuclear confinement identifies a threshold deformation leading to lamina rupture and induction of specific genes. Integrative Biology 2012; 4: 1406-1414. [10] Koch TM, Munster S, Bonakdar N, Butler JP, Fabry B. 3D Traction Forces in Cancer Cell Invasion. Plos One 2012; 7: [11] Wolf K et al. Physical limits of cell migration: Control by ECM space and nuclear deformation and tuning by proteolysis and traction force. J Cell Biol 2013; 201: 1069-1084. PROGRAMME DE RECHERCHE POUR LES 3 ANNEES 1. Détermination des mécanismes cellulaires mis en jeu dans la déformation a. Etude de la dynamique du cytosquelette au cours de la déformation Ceci sera possible par l’imagerie de cellules vivantes en microscopie confocale après leur transfection pour leur faire synthétiser des protéines intra-cellulaires fluorescentes. Cette technique de transfection transitoire mise au point dans l’équipe par Florent Badiqué sera complétée par le développement de lignées de cellules transfectées de manière stable afin que les cellules maintiennent leur expression de protéines fluorescentes sur des temps longs et même lorsqu’elles se divisent. Ces lignées présenteront l’avantage d’exprimer de manière permanente et à un niveau élevé et homogène la protéine d’intérêt. Les protéines pertinentes pourront être choisies dans un premier temps parmi les protéines du cytoquelette (actine, tubuline, vimentine, kératine) ou des adhésions focales (taline, vinculine, paxilline, zyxin). L’analyse des films acquis au cours de la déformation de cellules transfectées sera faite en collaboration avec le laboratoire MIPS de l’UHA. L’objectif sera de développer plusieurs paramètres quantitatifs pertinents pour la comparaison de la déformation de cellules tumorales, à différents stades de cancérisation ou saines. On cherchera à mesurer et comparer le volume nucléaire entre les cellules déformées ou pas. Des paramètres descriptifs de la déformation des noyaux pourront aussi être calculés (degré de courbures, centre de gravité du noyau, solidité etc…). Grace à notre collaboration avec l’Institut de Sciences Médicales et l’Institut National de Métrologie, Qualité et Technologie (InMetro) de Rio de Janeiro, il sera possible également de réaliser des images en microscopie électronique de cellules déformées entre les piliers. Les coupes seront faites par Focused Ion Beam (FIB) après fixation et inclusion des cellules. Les images permettront de visualiser l’interface entre les cellules et les micro-piliers et notamment les points d’adhésions focales des cellules à la surface du substrat. L’ultrastructure du noyau et en particulier la densité et l’organisation de la chromatine dans le noyau pourra être visualisée et quantifiée. Cette ultrastructure étant corrélée à l’expression des gènes, cette observation nous permettra de vérifier l’influence de la déformation sur cette expression qui sera étudiée en parallèle par analyse transcriptomique (collaboration InMetro). b. Utilisation d’inhibiteurs contre les éléments cellulaires impliqués dans la mécanotransduction (cytosquelette, molécules signal, intégrines, …) Les lignées de cellules transfectées stables seront utilisées pour visualiser les effets d’inhibiteurs spécifiques des différentes molécules impliquées dans la déformation et dans la transmission du signal intracellulaire. Des travaux précédents avec des inhibiteurs du cytosquelette (chimiques ou siRNA) ont démontré le rôle essentiel du cytosquelette dans la déformation. Il faut maintenant déterminer l’influence de ces inhibiteurs sur la cinétique de déformation et sur l’éventuelle coopération/compensation entre les différents éléments du cytosquelette. La déformation du noyau cellulaire par contraction du cytosquelette induit directement ou indirectement la transduction d’un signal de la membrane cellulaire externe (au niveau des adhésions focales) vers la membrane nucléaire et même l’ADN qui se trouve dans le noyau. Deux voies de signalisation sont possibles. Soit le signal passe par différentes molécules qui s’activent successivement et migrent dans le noyau pour induire l’expression de certains gènes, soit c’est la contraction mécanique du cytosquelette qui applique une force directement sur la membrane nucléaire et sur l’ADN. Dans les deux cas l’expression des gènes de la cellule est modifiée. Des inhibiteurs des molécules signal seront aussi utilisés. Il existe des techniques de visualisation par fluorescence de la signalisation intracellulaire qui pourront être appliquées dans les cellules au cours de la déformation. Ces techniques seront développées en collaboration avec un chercheur post-doc qui doit les mettre au point au sein de l’équipe. Des approches d’analyse massive de la phosphorylation des protéines (analyses kinomiques) dans les cellules déformées pourront être tentées en collaboration avec l’InMetro. Les effets des différents inhibiteurs sur la rigidité cellulaire mesurée par pinces optiques seront analysés en collaboration avec l’Institut de Sciences Médicales de Rio de Janeiro. c. Comparaison de cellules à différents stades de cancérisation Nous avons déjà montré que des cellules saines ne se déformaient pas entre les piliers alors que les cellules cancéreuses restaient déformées [2]. De plus nous avons observé que des cellules immortalisées c'est-à-dire présentant des états de cancérisation intermédiaires se déformaient ou ne se déformaient pas suivant les cas [2]. Nous proposons donc d’étudier des lignées de cellules, toutes issues de la même cellule mais à différents stades de cancérisation, afin de déterminer si la déformation nucléaire est associée à un stade précis qui peut être défini par des mutations particulières de certains gènes. Ces cellules pourront être obtenues auprès de collègues spécialistes du cancer. Cette comparaison sera associée à des analyses des gènes exprimées par les cellules (collaboration InMetro) et à des mesures physiques de rigidité cellulaire (collaboration Inst. de Sciences Biomédicales). 2. Détermination des conséquences cellulaires de la déformation a. Sur la migration Nous avons observé la capacité des cellules déformées de migrer entre les piliers. Il sera intéressant de quantifier cette vitesse de migration par rapport à la vitesse de migration des cellules non déformées. Des comparaisons de migration de cellules déformées entre des piliers plus ou moins espacés ou plus ou moins hauts seront également réalisées en collaboration avec l’IMTEK de Freiburg. b. Sur la mitose Pour se diviser une cellule doit s’arrondir. Ceci n’est pas possible entre les piliers. Nous avons déjà montré que les cellules déformées remontent au-dessus des piliers pour se diviser. Nous essaierons de quantifier ce comportement grâce à l’imagerie en vivant sur des cellules transfectées pour exprimer une tubuline fluorescente et grâce à l’utilisation de divers inhibiteurs des microtubules. c. Sur la différenciation Comme déjà décrit, la déformation du noyau cellulaire devrait avoir une influence sur l’expression des gènes. Nous nous intéresserons dans cette partie aux effets de la déformation sur la capacité des cellules à exprimer des gènes spécifiques de cellules issues de différents tissus. Nous quantifierons et comparerons par analyse PCR quantitative les gènes exprimés par les cellules déformées et non déformées. Nous disposons désormais au laboratoire des outils nécessaires à cette étude. 3. Etudier la déformation nucléaire grâce à de nouvelles surfaces microstructurées 3D Des possibilités existent au sein de l’IS2M pour fabriquer des micro-structures 3D par lithographie 2 photons (collaboration A. Spangenberg) ou des microtubes par auto-enroulement (collaboration V. Luchnikov). Ces possibilités seront exploitées pour la réalisation de nouvelles microstructures 3D pour l’étude de la déformation cellulaire dans des conditions plus proches des conditions de déformation existant in vivo. Nos collaborations avec l’IMTEK (Freiburg) et le Centre Brésilien de Recherche en Physique (CBPF) (Rio de Janeiro) nous permettront d’élargir ces possibilités à la photolithographie puisque les deux instituts disposent de salles blanches dédiées à la microfabrication. RETOMBEES ATTENDUES Différentes retombées de ce projet sont attendues qu’elles soient fondamentales ou appliquées. Nous pourrons grâce à cette étude définir les acteurs majeurs de la déformation nucléaire parmi les éléments du cytosquelette ou des membranes cellulaires et nucléaires et les molécules de signalisation intracellulaires. La dynamique de la déformation sera déterminée grâce à l’acquisition de films de déformation de cellules vivantes transfectées. Des cellules soit d’origine tumorales soit saines, soit transformées à différents stades pourront être choisies pour mettre en relation la déformation de leur noyau avec leur degré de cancérisation. Enfin les effets de la déformation nucléaire sur les différentes fonctions cellulaires seront analysés grâce à des techniques d’analyse biologique massives (transcriptomiques, protéomiques, métabolomiques, kinomiques…) disponibles grâce à notre collaboration avec l’Inmetro de Rio de janeiro. L’élucidation des mécanismes biologiques mis en jeu dans la déformation cellulaire et nucléaire de cellules avec différents degrés de cancérisation permettra de développer des outils de diagnostic du cancer basés sur l’analyse de la déformation nucléaire. En effet, s’il apparait que la déformation du noyau cellulaire est liée au degré de cancérisation de la cellule, l’analyse d’images du noyau de cellules cultivées sur des surfaces à micro-piliers permettra de déterminer un taux de déformation qui pourra être un marqueur du degré de cancérisation et de capacité à faire des métastases. Les surfaces microstructurées pourront être intégrées dans un circuit microfluidique afin de développer un Laboratoire sur Puce pour le diagnostic du cancer.