Nouvelle réaction d`homologation des alco

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Synthèse et électrosynthèse organiques
UMR 6510
Campus de Beaulieu
Avenue du Général Leclerc
35042 – RENNES CEDEX . FRANCE
DIPLOME D’ETUDES APPROFONDIES
Rapport de stage
Réarrangement d'organoborates (IV-) acétyléniques:
Nouvelle réaction d'homologation des alcools propargyliques en alcools
homopropargyliques.
D. CARRIE
Groupe de physicochimie Structurale
U.A C.N.R.S 704
Université de RENNES I
Juin 1987
I .INTRODUCTION
I1 y a maintenant près de 30 ans, H.C. BROWN et S. RAO(1) découvraient la réaction
d'hydroboration et l'oxydation des trialkylboranes ainsi obtenus en alcools. Depuis, la chimie des
organoboranes a connu un énorme développement aussi bien du point de vue de leur préparation que
de leur utilisation en synthèse organique (2).Ils ont permis de réaliser des progrès importants dans le
domaine de la sélectivité (chimio, stéréo et énantiosélectivité) ainsi que de mettre au point de
nouvelles méthodologies pour la création de liaisons carbone-carbone et carbone-hétéroatome
(oxygène et azote).
La plupart des réactions ioniques des organoboranes mettent en jeu un organoborate 1
(dérivé du bore IV () ) dans lequel l'atome X (C, O, N) est lié à un groupe partant Y. Dans ces
conditions, 1 n'est pas stable et se réarrange, très souvent à basse température, pour conduire à un
nouveau borane 2 selon le Schéma ci-dessous.
R
B
B X R
+
Y
X Y
1
2
La migration 1,2 du groupement R a lieu avec élimination de Y(-) (3)
Notons que le groupe partant peut être une molécule neutre telle que l'azote.
Les réactions d'oxydation (4), d'amination (5) et d'homologation des esters boroniques (6) illustrent le
schéma précédent.
N
R3B
N
O
ou
OH + H2O2
-
R2B OR +
R2B O N
R
(OH)
R’
R’
R3B
R’N3
R2B
N
O
O
+
N
N2
R
O
LiCHCl2
-100°C
R B
R2B
N2
R
(OH-)
R
O
CHCl
O
B CH(Cl)R + Cl
B
O
Cl
Ces réarrangements ont été étendus aux organoborates α,β insaturés. Deux cas sont à
distinguer :
a) L'alcényle ou l'alcynyle borate intermédiaire est thermiquement stable.
L'addition d'un électrophile dans le milieu provoque simultanément la migration 1,2 d'un des
groupements portés par le bore sur l'atome X et l'alkylation de l'atome Y pour conduire à un
nouveau borane saturé ou insaturé (7) :
R
R3B +
X Y
R2B X Y
E
R
R2B X Y E
E
R
R2B X Y E
E
R
R3B +
X Y
X Y
=
R2B X Y
E
E = HCl , Bu3SnCl, BrCH2COR etc...
X Y
=
C C
C N
b) L'alcényle ou l'alcynyle borate possède un groupe partant en position allylique ou
propargylique.
I1 évolue alors spontanément suivant un mécanisme identique à celui décrit précédemment avec
formation respectivement d'un allylborane ou d'un allénylborane.
R
B C C C
R
B C C C
X
R
+ X
R
B C C C
C C C
X
+ X
B
X = OAc (8) ; Cl (9)
Ceux-ci peuvent réagir avec un aldéhyde pour conduire,après hydrolyse soit à un alcool
homoallylique (10) ou homopropargylique (11).
R
+ R’CHO
C C C
après hydrolyse
C C C R
R'
B
OH
R
+ R'CHO
B
après hydrolyse
R
R'
OH
Par ailleurs, il est connu que le traitement d'un acétal par un dérivé halogéné du bore conduit
transitoirement à un α halogénoéther (12) selon le schéma ci-dessous :
R
Me2BBr
O
O
ROCH2Br + MeBMe2
Me
Les données de la littérature précédemment évoquées nous a conduit à étudier la réaction des
borates acétyléniques portant une fonction acétal en position propargylique avec les dérivés halogénés du
bore, l'hypothèse de travail étant schématisée ci-dessous :
R1
R1
Li,
BR3
X
3
4
R1
R
OH 7
O
X= F,Cl
O
MeO
R
B R
R
BX3
+ LIX +
O
6
R1
R
H
BR2
5
Ainsi, le traitement de 3 par BX3 conduirait à un intermédiaire 4 qui devrait se réarranger pour
donner l'allénylborane 5et le dérivé carbonylé 6. 5 réagirait avec 6 pour donner l'alcool
homopropargylique 7
Nous allons maintenant décrire les résultats du travail entrepris pour essayer d'illustrer cette
séquence.
,Li
II .SYNTHESE DES PRODUITS DE DEPART.
Les acétals propargyliques 8 sont obtenus à partir des alcools propargyliques commerciaux selon
deux méthodes :
Méthode A : réaction de l'alcool (ou de l'alcoolate) avec un α halogénoéther (13):
Cl
OMe
R1
H
R2O
EtN(iPr)2, THF
R1
8 : R2= CH2OMe
H
HO
Cl
R1
SMe
H
R2O
NaH, THF
8 : R2= CH2SMe
Méthode B : addition de l'alcool sur un éther d'énol (14):
O
R1
1
R
H
HO
H
R2O
+
εH
8 : R2 =
O
Les résultats obtenus sont rassemblés dans le tableau I. Les acétals 8 sont purifiés
par distillation ou par chromatographie sur colonne de silice. Les rendements obtenus n'ont pas,
pour l'instant, été optimisés.
TABLEAU I.
R1
H
2
R O
Préparation des acétals 8 :
Composés
8a
8b
8c
Méthode
A
B
B
R1
Ph
Ph
Ph
8d
B
Ph
R2
Rdt (%)
CH2OCH3
89
CH(CH3)OC2H5 50(1)
C(CH3)2OCH3
38
Eb/mm Hg (°C)
85-90/0.01
68-70/0.01
70-75/0.01
55(1)
95-100/0.01
30
51
(2)
50-60/0.01
77(1)
65-75/0.01
O
8e
8f
A
A
Ph
Me
8g
B
Me
CH2SCH3
CH2OCH3
O
(1): mélange de diastéréoisomères % relatifs; 8b: 60/40; 8d: 60/40; 8g: 80/20.
(2): purifié par chromatographie sur colonne de silice, éluant : éther/éther de pétrole: 2/98
Les trialkylboranes 9 ont été obtenus selon la méthode décrite par H.C. BROWN
et coll. . L'addition de trois équivalents d'organomagnésien à un équivalent d'éthérate de
trifluorure de bore conduit avec de bons rendements aux composés 9 recherchés.
(15)
RBr
éther
9A: R = nPr , Rdt = 74% ; Eb15 = 58-59°C
9B: R = nBu , Rdt = 65% ; Eb15 = 86°C
RMgBr
BF3:OEt2
R3B
9
Les borates 10 sont obtenus quantitativement "in situ" à basse température dans le THF par
traitement successif des acétals 8 avec un équivalent de BuLi, puis de trialkylborane 9 selon le schéma cidessous(16):
R1
1) BULi
R1
2) BR3
R2O
H
2
R O
8
BR3
10
Li
III .ETUDE DU REARRANGEMENl’ DE 10 EN PRESENCE DE BCl3:
OBTENTION D’ALCOOLS HOMOPROPARGYLIQUES 11.
On additionne lentement sous agitation une solution de BCl3 dans l'hexane à une solution dans le
THF des borates 10 maintenue à -78°C.Après avoir laissé la température revenir à 18°C, le mélange réactionnel
est traité successivement par une solution de soude 6N, puis d'eau oxygénée à 30%. Dans ces conditions, l’acide
borinique R2BOH libéré lors de l'hydrolyse est oxydé pour donner l'alcool ROH et l'acide borique.
R1
BR3
O
R3
Li
R1
1) BCl3
2) NaOH
R
R3
R4
H2O2
+ R2BOH
2 ROH + B(OH)3
OH
R4 OR5
10
11
Les alcools 11 sont purifiés par distillation au four rotatif. Les résultats obtenus figurent dans le tableau II.
TABLEAU II.
R1
Obtention des alcools homopropargyliques 11
N°
11Aa
11Ab
11Ac
11Af
11Ag
11Bd
R1
Ph
Ph
Ph
Me
Me
Ph
R
Bu
Bu
Bu
Bu
Bu
Pr
R3
R4
R
OH
R3
H
Me
Me
H
O-(CH2)4OH
O-(CH2)4OH
R4
H
H
Me
H
H
H
Rdt % (1)
89
60(2)
62
45
68(3)
49(4)
(1) Rendement en produit isolé pur, calculé par rapport aux acétals 10
(2) Mélange 60/40 de deux diastéréoisomères séparables par chromatographie sur colonne de silice (éluant : éther/éther de pétrole 10/90) :
11’Ab : Rf = 0,44; 11"Ab : Rf = 0,56
(3) Mélange 80/20 de deux diastéréoisomères non séparés pour l'instant.
(4) Mélange 60/40 de deux diastéréoisomères non séparés pour l'instant
L’examen de ce tableau appelle les commentaires suivants :
* Les rendements en produits isolés purs sont bons si l'on considère qu'ils sont le résultat de
quatre étapes successives.
* On peut générer "in situ" de cette façon des aldéhydes ou des cétones
qui peuvent éventuellement être très sensibles à la trimérisation en présence d'acides de Lewis (cas
du formaldéhyde et de l'acétaldéhyde).
* Les cas de 11Ag et 11Bd montrent que l'on peut également générer des
aldéhydes ω fonctionnalisés.
* On remarque enfin que les proportions de diastéréoisomères observées
dans les cas de 11Ab, 11Ag et 11Bd sont identiques aux proportions des diastéréoisomères des
acétals de départ. Ceci semblerait indiquer que ces réactions sont stéréosélectives. I1 sera
intéressant de vérifier ce point en utilisant des acétals 10 stéréochimiquement purs.
Les données spectroscopiques des alcools homopropargyliques 11 sont en accord
avec les structures proposées. A titre d'exemple, nous rapportons celles de 11Aa.
Ph
(CH2)3CH3
11Aa :
OH
R.M.N. 1H, CDC13, : 0,82 - 1,75 (m, 7H); 1,98 (s large, 1H échangeable avec D2O); 2,12 - 2,50
(m, 2H); 3,37 - 4,00 (m, 3H); 7,12 - 7,50 (m, 5H).
R.M.N. 13C, CDC13: 13,6; 18,6; 22,0; 31,1; 41,6; 68,0; 78,7; 85,5;127,3;128,0; 128,7; 139,0.
.
Spectrométrie de masse: masse calculée pour C14H18O, M + : 202,137; trouvée: 202,136.
Remarques :
Plusieurs solvants ont été utilisés,CH2Cl2,éther,THF. Ce dernier donnant les meilleurs
résultats, il a donc été retenu, quoique la présence de BCl3 dans le milieu provoque la formation de
chlorobutanol par ouverture du THF. I1 est facilement éliminé par distillation (Eb0.01 = amb).
BCl3
O
OH
Cl
Les essais réalisés initialement avec l'éthérate de trifluorure de bore ont montré qu'il
restait toujours une faible proportion (10 à 15%) de l'acétal de départ 10 à l'issu de la réaction.
L'utilisation de trichlorure de bore élimine cette difficulté.
Cas du composé soufré 8e
Un seul essai a été réalisé avec l'acétal mixte 8e.
Ph
H
3) BCl3 4) NaOH , H2O2
O
Me2S
1) BuLi 2) BBu3
8e
Ph
Bu
+
H2
Ph C C C Bu
OH
11Aa
12
Dans ce cas deux produits sont isolés : l'alcool homopropargylique 11Aa attendu et le
composé 12 (caractérisé par comparaison avec un échantillon authentique).
L'origine de 12 sera discutée plus loin.
IV . ESSAI D’INTERPRETATION DES RESULTATS.
Le mécanisme exact de la réaction n'a pas été actuellement totalement élucidé. Par
analogie avec les travaux cités, nous pouvons proposer le schéma suivant, par exemple pour la
formation de 11Aa
Ph
Ph
H
O
1) BuLi
2) BBu3
MeO
8a
BBu3 Li
Ph
BCl3
O
O
MeO
Cl
Bu
B Bu
Bu
Li
+ MeOBCl2
10Aa
Ph
Bu
B(OH)3 + BuOH +
NaOH
Ph
Ph
C C C
Bu
H
H2O2
OH
11Aa
OBBu2
Bu
5Aa
BBu2
+ MeOBCl3 , Li
O
Ce mécanisme semble raisonnable compte tenu de ce que nous avons dit dans
l'introduction. Cependant, la formation de 13 n'est pas démontrée.
Nous pouvons envisager une autre possibilité pour la génération de l'allénylborane 5Aa. Elle est
représentée ci-dessous.
Ph
10Aa
BCl3
O
Cl B
Cl
Cl MeO
Ph
Bu
B Bu
Bu
C C C
H
Bu
BBu2
Cl3B O
OMe
5Aa
O
+ Li , MeOBCl3
16
BCl3 peut se complexer avec l'oxygène en position propargylique et transformer ainsi le groupement
acétal en nucléofuge. 14 se réarrangerait alors pour conduire à 5Aa et à 15,ce dernier donnant le
formaldéhyde et le sel de lithium 16.
La réaction de 8e avec BC13 conduit à un mélange de l'alcool propargylique attendu 11Aa et
à l'acétylénique 12. Celui-ci provient très vraisemblablement de l'hydrolyse de l'allénylborane 5Aa . Cette
réaction a déjà été décrite dans la littérature (8).Le fait que la réaction ne soit pas quantitative peut
éventuellement être due à une stabilité de l'intermédiaire 17 plus grande que celle de 15.
Cl3B O
Li
15
SMe
17
Li
CONCLUSION ET PERSPECTIVES .
La réaction que nous venons de décrire constitue une méthode originale d'homologation des alcools
propargyliques en alcools homopropargyliques qui sont obtenus avec de bons rendements. Cette
séquence ouvre des perspectives considérables du point de vue synthétique. Nos objectifs seront de
deux ordres :
* Mécanistique : l'élucidation du mécanisme de la réaction sera nécessaire d'une part pour
l'étendre à des modèles plus complexes et pour comprendre la diastéréosélection, non confirmée pour
l'instant éventuellement observée.
• Synthétique : L'idée de la transformation par complexation d'un substituant
hétéroatomique en position propargylique (ou allylique si l'on part d'un borate
éthylénique) va être étendue aux dérivés azotés (génération in situ d'imines ou de sels
d'iminium) et soufrés (génération in situ de thioaldéhydes ou de thiocétones). D'autre
part, ce concept devrait pouvoir s'étendre à des réactions intramoléculaires.
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