Titre de la contribution
Circuits de proximité du bois : analyses de cas dans 3 PNR de montagne.
Coordonnées précises du ou des auteurs
Antoine Tabourdeau
a
, Véronique Peyrache-Gadeau
a
, Marc Fuhr
b
, Christophe Chauvin
b
a
Laboratoire EDYTEM, Université de Savoie Mont-Blanc, UMR5204 Bâtiment « Pôle
Montagne » Campus scientifique Savoie Technolac F-73376 Le Bourget du Lac cedex
b
EMGR Irstea Grenoble, 2, rue de la papeterie BP76 38402 Saint-Martin-d’Hères cedex
Résumé de la contribution
Les territoires souhaitent une relocalisation de l’économie forestière, s’appuyant sur le bois-
énergie et le développement de nouvelles techniques de construction-bois. Cependant la
valorisation locale du bois, dans le respect des autres services offerts par la forêt, se heurte au
cloisonnement des chaînes d’exploitation, de transformation et de commercialisation du bois.
Une enquête a donc été menée sur des chaînes utilisant du bois local existant dans trois PNR
de montagne (Bauges, Chartreuse, Pilat) afin d’en comprendre le fonctionnement et d’en
évaluer la durabilité, la capacité à répondre à des demandes en services non-bois (qualité
écologique et paysagère), et de la transposabilité sur d’autres territoires. La contribution
détaille la méthodologie et les résultats de cette approche de la filière-bois, menée sous l’angle
d’une approche combinant étude des processus de valuation et des modalités de proximités.
Objectif de la contribution
Afin de saisir la valorisation du bois local sur un marché domipar les bois dits du Nord,
cette contribution compare différentes expérimentations, référant soit aux modèles de qualité
territorialisée (AOC, marque commerciale, labels…) comparables au domaine forestier
(Peyrache-Gadeau, Perron, et Janin 2016)
, soit à des formes organisationnelles ad hoc (autour
d’une chaufferie ou d’un acteur nodal : scierie, lieu de stockage, etc.). Ces organisations ou
chaînes permettent de suivre une diversité de dispositifs de valorisation du bois. La
contribution vise à éclairer les processus par lesquels la valeur ajoutée du bois se construit sur
la notion de local face aux logiques sectorielles privilégiées par certains acteurs.
Notre proposition envisage de combiner dimensions spatiale et institutionnelle avec les
processus, jusqu’ici peu pris en compte, de valuation de la ressource. La valuation concerne
l’articulation des moyens et des fins comme un « processus temporel continu d’organisation
des activités en une unité coordonnée (co-ordinated) et coordinatrice (co-ordinating) »
(Dewey 2008). Récemment, la sociologie économique s’est saisie avec faconde de cette
notion (Muniesa 2011), en s’appuyant sur deux articles de Çalışkan et Callon sur l’idée
d’economization(Çalışkan et Callon 2009; Çalışkan et Callon 2010). Ces études montrent
comment certaines caractéristiques d’un objet deviennent économiques : cette mise en
économie construit le périmètre d’action par un agencement d’artefacts et d’acteurs humains
(Muniesa, Millo, et Callon 2007). C’est ce périmètre que nous souhaitons investiguer.
Pour appuyer notre proposition, nous analyserons différentes expérimentations de valuation
au sein des circuits de transformation du bois. Nous examinerons comment les acteurs, qui
décrivent la ressource comme insuffisamment valorisée, lui insufflent une valeur en créant des
dispositifs originaux comme des labels ou des agencements spécifiques. L’entrée en scène de
ces dispositifs aligne la notion de valeur sur celle du périmètre d’action et sur la territorialité
de la ressource.
Originalité du sujet au regard de la question du développement régional et territorial.
La filière-bois représente un enjeu de développement territorial jusqu’ici peu abordé sous
l’angle des sciences sociales, compte tenu précisément du caractère cloisonné et confidentiel
de cette filière souvent décrite comme « désorganisée », largement « mise en tension »
(Sergent 2010) et dont les orientations politiques sont inadaptées en termes d’échelle (Degron
2009). La forêt française est actuellement écartelée entre deux impératifs d’exploitation
divergents : d’un côté elle fait face un regain de pression pour la production d’énergie, après
un siècle et demi de relative tranquillité à l’avènement des énergies fossiles (Tabourdeau
2014), de l’autre le bois d’œuvre (c’est-à-dire de construction) est qualifié de sous-exploité et
appelé à faire l’objet d’une mise en marché plus importante.
À la fragilisation de la hiérarchie des usages entre bois d’œuvre et bois-énergie vient
s’ajouter une demande accrue en services non marchands
(Chauvin et Landmann 2009)
comme
le stockage de carbone, la protection de la biodiversité ou la protection contre les risques
naturels (chutes de pierre, avalanches, incendies, etc.). Ces services non pris en compte dans
la vente de bois dépendent de la sylviculture pratiquée. Leur internalisation dans les pratiques
forestières passe principalement par les efforts des collectivités et les financements des
politiques territoriales. De ce fait, ces services sont associés à une valorisation territoriale et
publique de la ressource, déconnectée des logiques de marché et de mise en valeur
économique classique des acteurs privés.
L’analyse de la filière-bois représente donc un travail de long terme, pour un suivi efficace
dans l’objectif d’une meilleure intégration à bénéfice réciproque dans les territoires, au sens
des services rendus comme des appuis reçus.
De plus l’assise théorique de l’économie territoriale repose largement sur l’examen de cas
issus de l’agriculture ou du tourisme mais très peu sur la forêt qui constitue pourtant un objet
d’étude riche. Une contribution forestière ouvrirait la porte à un renforcement de la prise en
compte des territoires forestiers et aux collaborations acteurs-chercheurs.
Méthode
L’organisation des circuits de transformation et de commercialisation a été abordée selon des
approches issues du développement territorial..
Une enquête socio-économique qualitative a été réalisée auprès des professionnels et
institutions forestières en région Rhône-Alpes et sur les trois PNR d’études. Cette enquête
vise à identifier les chaînes d’utilisation d’une ressource bois locale. Les entretiens ont été
conduits en suivant la méthode « boule de neige », c’est-à-dire en identifiant les acteurs en
fonction de leurs relations entre eux, au fur et à mesure des entretiens. L’avantage de cette
méthode est son évolutivité, qui permet d’adapter le corpus aux progrès de l’enquête et
d’intégrer des chaînes au fur et à mesure de l’enquête.
Les catégories d’acteurs rencontrés sont les suivantes :
- Animateurs territoriaux (PNR, CFT, associations, interprofessions)
- Acteurs de la première transformation (scieurs)
- Acteurs de la seconde transformation (charpentiers, menuisiers, etc.)
- Élus
- Architectes
- Gestionnaires et sylviculteurs (ONF, coopérative, expert)
- Gestionnaires de plateforme bois-énergie
Les entretiens sont analysés par une approche qualitative qui croisera les dimensions
spatiales, temporelles et institutionnelles des périmètres de valuation identifiés. L’analyse se
fera par un codage théorique des entretiens, tel qu’il a été développé par la grounded theory
(Point et Voynnet-Fourboul 2006). Ce codage, réalisé avec le logiciel RQDA permet
d’analyser le corpus pour en faire ressortir les thématiques d’analyse, chaîne par chaîne et cas
d’étude par cas d’étude. Chaque chaîne a été ainsi analysée et décrite. .
– Diagnostic et évaluation des faiblesses et limites rencontrées dans l’organisation des circuits
et propositions à destination des professionnels et des collectivités territoriales.
Résultats attendus
Les résultats présenteront les principales chaînes de bois local dans les trois territoires étudiés,
leur fonctionnement et leurs perspectives de développement. La trentaine d’entretiens
conduits ont permis de suivre 8 chaînes ou dispositifs de valorisation du bois local. Leur
analyse éclaire le rôle de proximités et la valeur apportée par un ancrage dit local : notamment
la baisse des coûts de transaction et l’ouverture à de nouveaux marchés grâce à des
rapprochements et mutualisations entre acteurs. La création ou formalisation de valeurs
partagées (notamment dans le cas de processus de labellisation), et l’intégration de services
non marchands sont aussi considérés.
Enfin, la communication soulignera le rôle des innovations organisationnelles, notamment en
ce qui concerne l’appropriation de marchés par les acteurs et les enjeux en termes de
patrimonialisation et création de bien commun.
Dimension partenariale et/ou l’intérêt potentiel pour l’action et la décision des acteurs
du développement rural
Cette recherche prend place dans le projet partenarial OUI-GEF qui vise à donner des outils
communs de pilotage de la gestion forestière au niveau des territoires, et se veut la première
étape d’une approche de plus long terme vers un outil de suivi de l’économie forestière à
l'’échelle des territoires. Elle associe les acteurs de la filière et des territoires sur les 3 PNR
concernés, ainsi que les interprofessions et structures forestières aux échelles départementales
et régionale.
Bibliographie (10 références maximum)
Çalışkan, Koray, et Michel Callon. 2009. « Economization, part 1: shifting attention from the
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Chauvin, Christophe, et Guy Landmann. 2009. « Augmentation de la récolte forestière et
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territoriale ». In Bio2 biomasse et biodiversité forestières: augmentation de
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ECOFOR. https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-00493146.
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Muniesa, Fabian, Yuval Millo, et Michel Callon. 2007. « An Introduction to Market
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Peyrache-Gadeau, Véronique, Loïc Perron, et Claude Janin. 2016. « La spécificité territoriale
comme alternative à la généricité des produits-ressources ». In . Glon et Pecqueur.
Sergent, Arnaud. 2010. « Régulation politique du secteur forestier en France et changement
d’échelle de l’action publique ». Economie rurale 318319: 96110.
Tabourdeau, Antoine. 2014. « Entre forêt et énergie: composer la transition: le cas du bois-
énergie en Auvergne et Rhône-Alpes ». Grenoble.
http://www.theses.fr/2014GRENH005.
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