cognitifs, discursifs ou, plus généralement, des entités « non humaines » qui entrent
dans la composition des collectifs.
Ces relations s’établissent par une opération de « traduction » ou des chaînes de
traductions (transformations successives) par lesquels les acteurs (individuels ou
collectifs) se posent en porte-parole et traduisent la volonté de collectifs, tentant
également d’enrôler de nouveaux acteurs. De même, un fait scientifique résulte
d’une série de traductions (instruments nécessaires à sa réalisation, articles
scientifiques, matériel de laboratoire, subventions, etc.) qui font également
apparaître le réseau dans lequel il fait sens et se stabilise.
Le concept de réseau est central dans cette théorie. Il est défini comme une « méta-
organisation » rassemblant des humains et des « non-humains » lesquels agissent
soit comme médiateurs ou intermédiaires les uns avec les autres. Cette notion
permet de fédérer des catégories comme celles de sphères d’activité, d’institution et
d’organisation. Pour reconstituer le réseau à partir d’éléments parcellaires qui sont
déduits de l’observation, il faut éviter de découper les problèmes qui le concernent
en tranches. Au contraire, il s’agit de mettre en relations toutes les entités qui y
participent. Par exemple, lorsque nous achetons un produit au supermarché, la prise
en compte de cette hétérogénéité implique que l’on s’intéresse tant à l’acheteur
qu’au vendeur, ainsi qu’à la caisse enregistreuse, la monnaie et le produit lui-même.
Cela peut même aller plus loin, des objets aussi banals que les vêtements que
l’acheteur porte sont pris en compte par la théorie car, sans ces derniers, le client
n’aurait peut-être pas été servi.
Outre sa fonction heuristique, cette sociologie de la traduction a pu être comprise
comme permettant de développer de nouveaux modes de direction et d’action en
entreprise, spécialement sur la question de l’innovation.
Michel Callon ne s’est pourtant pas cantonné à ces travaux théoriques. En
observateur attentif des mutations sociales contemporaines, il s’est intéressé à
l’étude des nouvelles formes démocratiques – on parle de « démocratie technique »
ou de « démocratie participative » – et notamment des forums hybrides, inspirés des
expériences scandinaves et anglo-saxonnes, au sein desquels des savants, experts,
professionnels de la politique, citoyens débattent sur les grandes controverses
associant les sciences et les techniques (OGM, effet de serre, déchets nucléaires,
SIDA…) Il préconise ainsi de passer de la notion de public à celle de « groupes
concernés émergents », ces chercheurs de plein air qui savent parfois, à l’instar de
certaines associations de malades auxquelles il a également consacré un livre,
s’organiser et faire avancer les choses. Conscient toutefois que ces nouvelles formes
démocratiques nécessitent des réformes institutionnelles, il réfléchit, avec des
collègues juristes et des associations, à des évolutions constitutionnelles possibles,
travail certes difficile, alors que la constitution de la Vème République vient juste de
faire l’objet d’une réforme d’ampleur, sans que ces nouvelles techniques
démocratiques ne soient évoquées par le constituant.
Tout dernièrement, il a consacré ses recherches à un nouveau chantier : la sociologie
des marchés économiques, notamment en menant, au sein du Centre de sociologie
de l’innovation, une nouvelle étude empirique sur les pratiques de calcul dans les
salles de marché des établissements financiers professionnels. À l’heure de l’affaire