Des actes de désobéissance, des colères ne sont pas des compor-
tements rares chez les enfants et adolescents. Pour certains
experts, qu’ils soient psychiatres, sociologues ou magistrats, ces com-
portements, selon leurs degrés de gravité et leurs fréquences, manifes-
tent des affirmations de l’identité ou résultent de difficultés familiales,
sociales ou environnementales.
Pour d’autres, leur origine est plutôt à rechercher dans un dysfonc-
tionnement organique, physiologique. Ces derniers préconisent donc
une médicalisation des comportements souvent qualifiés de
“ déviants ”, une option qui soulève de nombreuses questions : la
bonne ou la mauvaise conduite des enfants peut-elle ou doit-elle
être médicalement définie ? Le médecin ne risque-t-il pas dès lors
de devenir un instrument de contrôle social au service du poli-
tique ? S’agit-il de “ remettre dans le droit chemin ” ou de soigner ?
Des questions qui se posent avec d’autant plus d’acuité que la perte des
repères, le chômage endémique et la précarité de l’emploi que connaît
actuellement l’Europe semblent aller de pair avec une augmentation de
la délinquance. Il est donc légitime, dans ces conditions, de se deman-
der si la tentation n’est pas grande pour des gouvernements de médi-
caliser certaines conduites apparentées à la délinquance, ce qui,
sous couvert d’un alibi scientifique, leur permet de négliger la création
des conditions favorables à l’ordre public. Une démarche commode,
dans la mesure où l’Histoire montre que des médecins, notables et
simplement détenteurs d’un pouvoir sur autrui, se sont parfois prêtés
sans rechigner à ce type de pratiques. Mais aussi une démarche effica-
ce puisque l’avis et l’autorité du médecin sont généralement respectés.
La notion du «trouble des conduites »
Cette problématique des rapports qu’entretiennent à certaines époques
la médecine, et surtout la psychiatrie, avec le pouvoir politique vient
d’être ravivée en France à l’occasion de la publication par l’Institut
national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), à la veille de
la “ crise des banlieues ” de l’automne 2005, d’une expertise collec-
tive sur le “ trouble des conduites ” chez l’enfant et l’adoles-
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