Réflexions sur les relations science/économie, à propos de « l

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Réflexions sur les relations science/économie, à propos de « l ‘affaire » Metagenex
J-P Liautard (élu SNCS au Conseil d’administration de l’Inserm), Françoise Cavaillé
À la suite des années Reagan et Thatcher, la recherche anglo-saxonne a profondément
modifié son rapport à la société, d’une science essentiellement tournée vers la connaissance,
rendant compte principalement à la représentation nationale (rapport W. Bush), elle s’est
engouffrée dans une marche forcée vers le financement privé et la rentabilité économique.
Les résultats dans le domaine économique, principalement celui des start-up ont été décrits
et analysés, puis vantés et montés en exemple, mais les conséquences sur le développement
de la science sont été plus rarement prises en considération. Pourtant, des rétractations et des
« fraudes » apparaissent maintenant au grand jour. On peut attribuer ces dérives à des
comportements individuels, mais il est incontestable que la pression ne peut que les
accentuer voire les susciter. La pression à la valorisation rapide a d’autres effets pervers,
comme la publication prématurée de résultats, mal ou pas validés, mais qu’il faut breveter
immédiatement, compétition oblige.
Les politiques français, aux prises avec les difficultés économiques, ont été éblouis par
l’efficacité de l’innovation à l’anglo-saxonne et ont décidé d’appliquer les mêmes recettes à la
recherche française. À l’Inserm, la direction générale a accompagné et même souvent
devancé cette volonté politique de faire de la recherche scientifique française un outil de
l’innovation économique. Les rapports d’activité de l’Inserm affichent maintenant
essentiellement les résultats « valorisables » des laboratoires, comme s’il était devenu
marginal d’y développer des recherches cognitives. Et ceci malgré un discours qui reconnaît
le bien-fondé du fameux « continuum de la recherche fondamentale à l’appliqué ». Pour les
chercheurs, la pression vers l’application et la valorisation économique est devenue la
compagne de tous les jours. Le « publish or perish » se change inexorablement en « valorise
ou disparaît ».
Aujourd’hui, les conséquences de cette marche forcée vers la valorisation
commencent à être observées. De plus en plus d’équipes abandonnent la recherche cognitive
afin d’obtenir des financements, et, malgré les discours rassurants, on constate une tendance
à l’écrasement de la recherche fondamentale.
Autre effet pervers : une fois protégé par un brevet, le développement de la
« découverte » passe plus ou moins rapidement dans les mains des financiers dont les
motivations ne ressemblent pas celles des chercheurs.
L’affaire Metagenex et la démission du directeur général de l’Inserm découlent de la
contradiction entre la nécessité éthique de valider un résultat par des recherches sur le long
terme et la logique de la rentabilisation rapide des financeurs privés.
Nos tutelles doivent être particulièrement vigilantes sur les conditions dans lesquelles
les chercheurs des organismes publics sont amenés à contracter des accords de valorisation
avec des partenaires privés. Le service rendu à la société par la mise sur le marché des
résultats de nos recherches doit pouvoir primer le profit qu’ils peuvent générer.
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