autochtones convertis à l’islam, citoyens naturalisés, demandeurs d’asile, étudiants étrangers,
immigrés clandestins, immigrés par regroupement familial, réfugiés politiques reconnus,
résidents étrangers. Ils présentent certes un grand nombre de rapports différents à la religion
islamique, mais un trait unit la grande majorité d’entre eux. Comme il a été signalé plus haut,
cette population a pour point d’origine principal une migration de paysans sans qualification
professionnelle et souvent (quasi) analphabètes. Une partie très importante des résidents ou
des citoyens musulmans est issue de la dernière vague d’immigration ouvrière organisée sur le
continent, qui s’est déroulée entre les années 1960 et 1974. Cette arrivée sur le sol européen
coïncide avec la fin d’une période de croissance économique et de plein emploi.
L’établissement des musulmans se déroule durant une période marquée par l’incertitude
économique et la montée du chômage.
Près d’un demi-siècle après l’arrivée des premiers d’entre eux, la majeure partie des
musulmans d’Europe appartient toujours à la classe ouvrière. Il n’est pas faux de dire que de
nos jours une partie non négligeable du prolétariat européen est de confession islamique ou de
culture musulmane. Cette situation présente son lot de désavantages bien connus : persistance
de basses qualifications, précarité socio-économique, bas revenus, chômage massif,
décrochage et échec scolaires chez les jeunes … Ces faits favorisent d’autres problèmes
d’ordre psychosociologiques : problèmes identitaires de personnes écartelées entre deux
mondes, frustrations socio-économiques, complexe d’infériorité, repli communautaire comme
réponse aux discriminations à l’école, au travail, sur le marché du logement, dans les
administrations. L’exclusion sociale peut aussi nourrir une haine de l’Occident ou de la
société européenne. Elle peut rendre (et rend de fait) certains d’entre eux plus réceptifs à
toutes sortes de manipulations, à des discours politiques ou religieux radicaux ; engendrer des
comportements violents, inciviques, délictueux, machistes ; pousser des jeunes vers toutes les
dérives et assuétudes possibles.
Le dénombrement des musulmans d’Amérique du Nord est peut-être plus aisé, puisqu’il y est
de coutume de décliner publiquement son appartenance confessionnelle. Etant moins
sécularisée que l’Europe, l’expression d’identités religieuses y semble alors plus naturelle et
ne soulève en tout cas pas autant les passions. Dans l’ensemble nord-américain composé par
les Etats-Unis et le Canada, il est possible de parler d’une présence musulmane qui se chiffre
à environ 5,6 millions d’individus (soit 1,7 % de la population totale), dont
approximativement 5 millions aux Etats-Unis. Une moitié de ces musulmans nord-américains
sont des Noirs convertis. L’autre moitié provient d’une immigration de travailleurs et de
réfugiés d’origines très diverses, mais qui, pour sa majeure partie, a la particularité d’être
composée par des personnes professionnellement qualifiées. Bien que les populations
musulmanes aient commencé à se former de manière simultanée des deux côtés de
l’Atlantique, au contraire de l’Europe, la population musulmane nord-américaine est donc
d’origine autochtone pour une partie non négligeable de ses membres. Elle est aussi nettement
plus scolarisée et proportionnellement mieux insérée dans la vie socio-économique. Enfin, la
grande majorité de ses membres est de nationalité américaine ou canadienne, et elle semble
être mieux organisée en termes d’institutions représentatives.
Les difficultés de dénombrement de musulmans ne s’arrêtent pas à des querelles de
comptabilisation. Une délicate question d’ordre qualitatif se pose tant en Europe occidentale
qu’en Amérique du Nord. Comment définir la catégorie « musulmane » ? Par la pratique
cultuelle plus ou moins régulière ? A ce qu’une femme se couvre la tête ou pas ? A ce qu’une
personne refuse de consommer de l’alcool ou de la viande de porc ? Ou bien doit-on se baser
sur une ascendance culturelle musulmane ? En effet, qui est musulman ? En vertu de quoi