mouvement3, mais encore parce que Maritain lui-même le revendique : dans Du régime
temporel et de la liberté et dans Humanisme intégral, il insiste sur le caractère
personnaliste du modèle de société qu’il propose et il use dans d’autres ouvrages du mot
« personnalisme » pour qualifier sa vision de voir4. Mieux encore, Maritain explique ce
qu’est ce mouvement philosophique, qui n’est pas une école ou une doctrine unique, et
s’y inscrit de lui-même5. Cependant, il prend bien garde de rappeler que c’est le
personnalisme thomiste qu’il revendique et non un autre6. En effet, c’est sur la base de
principes tirés de la Somme de Théologie qu’il construit une anthropologie
politique dont le cœur est la distinction entre personne et individu (1), qui lui permet de
définir les rapports de la personne et de la communauté (2).
1. L’individu et la personne : une distinction essentielle
C’est sans doute l’un des apports majeurs de Maritain à la question du
fondement rationnel des droits de l’homme7 : avoir tenté de déterminer précisément le
sujet de droit en cause, l’homme. Sa théorie en la matière va profondément influencer
les futurs travaux d’Emmanuel Mounier8. Elle repose sur le rappel d’une distinction
3 Pour les liens avec Emmanuel Mounier, cf. LUROL, Gérard, Maritain et Mounier in BRESSOLETTE et
MOUGEL (dir.), Jacques Maritain face à la modernité, pp. 245-269
4 cf. par exemple Conception chrétienne de la cité, OC VI, p. 959 et L’Homme et l’Etat, OC IX, p. 604
(notamment la note 18)
5 La personne et le bien commun, OC IX, pp. 170-171
6 La personne et le bien commun, OC IX, p. 170 : « C’est ce personnalisme-là qui nous intéresse, le
personnalisme fondé sur la doctrine de saint Thomas d’Aquin » ; cf. aussi Du régime temporel et de la
liberté, OC V, p. 363. Pour un exposé sur ce sujet, cf. WOJTYLA, Karol, En Esprit et en vérité, Le
Centurion, Paris, 1980, pp. 88-101
7 Sur la distinction individu / personne, lire : LUROL, Gérard, Maritain et Mounier in BRESSOLETTE et
MOUGEL (dir.), Jacques Maritain face à la modernité, pp. 252-256 ; LACOMBE, Les droits de l’homme
dans la pensée de Jacques Maritain, Cahiers Jacques Maritain, 37 (1998), p. 5 ; FLOUCAT, Jacques
Maritain ou la fidélité à l’Eternel, pp. 110-115 ; BARS, La politique selon Jacques Maritain, pp. 25-33 ;
OLIVA, I diritti umani in Jacques Maritain, pp. 106-108 ; Quant aux nombreux textes de Maritain lui-
même, cf. Réflexions sur l’intelligence et sur sa vie propre (1924), OC III, p. 188 ; Trois réformateurs
(1925), OC III, pp. 451-456 ; Du régime temporel et de la liberté (1933), OC V, pp. 356-369 ; Réflexions
sur la personne humaine et la philosophie de la culture (1934), OC VI, pp. 897-921 ; Conception
chrétienne de la cité (1937), OC VI, pp. 952-956 ; Les droits de l’homme, pp. 19-22 ; Sort de l’homme, p.
61 ; Principes d’une politique humaniste (1944), OC VIII, pp. 183-199 ; Pour la justice (1946), OC VIII,
p. 517 ; La personne et le bien commun (1947), OC IX, pp. 185-195
8 LUROL, Gérard, Maritain et Mounier in BRESSOLETTE et MOUGEL (dir.), Jacques Maritain face à
la modernité, p. 266 et 269