Chapitre 1: Les processus de socialisation et la construction des

COURS PREMIERE ES LVH STRATAKIS 2011/2012 Partie 2 Sociologie CHAPITRE 1 Les processus de socialisation et la construction des
identités sociales
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Chapitre 1: Les processus de socialisation et la construction des identités sociales
Plan du cours :
I Comment la socialisation de l’enfant s’effectue-t-elle ?
II De la socialisation de l’enfant à la socialisation de l’adulte : continuité ou rupture ?
Questions centrales de chapitre
Comment les individus apprennent-ils à vivre en société ? Comment se transmettent les normes et les
valeurs dans la société ? Comment les identités individuelles se construisent elles ? Y a-t-il une rupture
ou une continuité entre la socialisation de l’enfant et la socialisation à l’âge adulte ?
Objectifs de ce chapitre
Notions à connaître :
- normes, valeurs, rôles, socialisation différentielle
- socialisation primaire/secondaire, socialisation anticipatrice
Il faut savoir :
-expliquer comment l’individu construit sa personnalité
-énumérer les différences instances de socialisation et mettre en évidence les effets parfois
contradictoires de ces instances
-mettre en évidence les variations des processus de socialisation en fonction des milieux sociaux mais
aussi en fonction du genre des individus
-mettre en évidence les effets de la socialisation primaire sur la socialisation secondaire
-mettre en évidence le processus de la socialisation tout au long de la vie, avec des phases de
restructuration de l’identité sociale à différents âges.
Nous entrerons dans le débat sur l’ « inné » et l’ « acquis » (héritage biologique/héritage social), à
travers un film : l’Enfant sauvage de Truffaut (1969). Nous verrons ensuite comment les individus
apprennent et intériorisent les valeurs et les règles de la vie en collectivité, apprentissage qui diffère
sensiblement selon le sexe, l’âge, l’origine sociale de l’individu.
Nous verrons dans une deuxième partie que le processus de socialisation a lieu tout au long de la vie,
dans les différents milieux dans lequel évoluent les individus (vie professionnelle, vie conjugale,
troisième âge etc..) et comment la socialisation primaire influe sur la socialisation secondaire.
Introduction : Pourquoi les filles ne jouent-elles pas souvent aux mes
jeux que les garçons ?
Certains diront que « naturellement », le choix des filles se porte sur les
poupées et celui des garçons sur les voitures. Mais qu’est-ce qui est naturel
chez les êtres humains ? Nos goûts, nos gestes, nos comportements, nos
capacités intellectuelles sont-ils un héritage biologique ou sont-ils le fruit
d’un apprentissage social ?
A propos des différences observées entre les filles et les garçons, Simone de
Beauvoir (écrivain philosophe français 1908-1986), répondait « On ne naît
pas femme on le devient » dans son livre Deuxième sexe, en 1948. Dans ce
chapitre, nous étudierons justement comment « on devient », par les
différents mécanismes de la socialisation, ce qu’on est.
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I Comment la socialisation de l’enfant s’effectue-t-elle ?
Activité de sensibilisation
L’enfant sauvage : extraits du film de François Truffaut 1969 et cf Belin doc 1 p 242
Le film a été réalisé à partir des écrits du docteur Itard qui, à la fin du XVIIIème siècle, avait recueilli
un enfant retrouvé dans une forêt de l’Aveyron et tenu un journal quotidien des découvertes et
apprentissages de cet enfant (Les mémoires de Victor de l’Aveyron, Jean Itard).
Q 1. Quel est le comportement de Victor au moment où il est découvert ? (comment se tient-il ?
Comment se nourrit-il ? Qu’entend-il ? Que ressent-il ? …)
Q2. Quel est le diagnostic des premiers médecins qui recueillent l’enfant ?
Q3. Que cherche à prouver le docteur Itard en recueillant l’enfant chez lui ?
Q4. A travers quels processus Victor apprend-il la vie en société ?
Q4. A partir de ce film, que peut-on dire sur l’être humain ?
A/ L’ apprentissage de la vie en société
1. Des comportements naturels ou culturels ?
Document 1 L’homme n’a point de natureI … Il a une histoire
Il est une idée désormais conquise que l’homme n’a point de nature, mais qu’il a – ou plutôt qu’il est-
une histoire. Un comportement animal renvoie à quelque chose comme une nature. Les enfants
« sauvages » demeurent démunis dans leur solitude au point d’apparaître comme des animaux (…)
Le comportement chez l’homme ne doit pas à l’hérédité ce qu’il lui doit chez l’animal. Le système des
besoins et des fonctions biologiques, légué par le notype* à la naissance, apparente l’homme à
tout être animé, sans le désigner comme « membre de l’espèce humaine ». En revanche, cette
absence de déterminations particulières est parfaitement synonyme d’une présence de possibles
indéfinis. A la vie close, dominée et réglée par une nature donnée comme chez les animaux, se
substitue ici l’existence ouverte, créatrice et ordonnatrice d’une nature acquise. Ainsi, sous l’action
des circonstance culturelles, une pluralité de types sociaux et non un seul type spécifique pourra-t-il
apparaître, diversifiant l’humanité selon le temps et l’espace.
A partir de . Malson Les enfants sauvages (1964) * ensemble des facteurs génétiques propres à un individu
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Q1. Les comportements humains sont-ils naturels ou culturels selon l’auteur ? Répondez en utilisant
les arguments développés dans le texte.
2. Comment fonctionne la socialisation ?
Document 2 : Le processus de socialisation selon Emile Durkheim
On peut confirmer par une expérience caractéristique cette définition du fait social, il suffit
d’observer la manière dont sont élevés les enfants. Quand on regarde les faits tels qu’ils ont toujours
été, il saute aux yeux que toute éducation consiste en un effort continu pour imposer à l’enfant des
manières de voir, de sentir, et d’agir auxquelles il ne serait pas spontanément arrivé. Dès les
premiers temps de sa vie, nous le contraignons à manger, à boire, à dormir à des heures régulières,
nous le contraignons à la propreté, au calme, à l’obéissance ; plus tard nous le contraignons pour
qu’il apprenne à tenir compte d’autrui, à respecter les usages, les convenances, nous le contraignons
au travail etc… Si, avec le temps, cette contrainte cesse d’être sentie, c’est qu’elle donne peu à peu
naissance à des habitudes, à des tendances internes qui la rendent inutile, mais qui ne la remplacent
que parce qu’elles en dérivent (…). Cette pression de tous les instants que subit l’enfant, c’est la
pression du milieu social qui tend à le façonner à son image et dont les parents et les maîtres ne sont
que les représentants et les intermédiaires.
Emile Durkheim Les règles de la méthode sociologique 1894
Q1. Comment l’enfant devient-il un être social selon Durkheim ?
Q2. Expliquez la phrase soulignée :
Q3. Pourquoi la première socialisation (celle des premières années) est-elle si forte sur l’individu ?
Document 3 : Les modalités de la socialisation :
Trois grandes modalités de la socialisation peuvent être distinguées
- La socialisation peut s’effectuer par entraînement ou pratique directe : dans la famille, à
l’école, entre pairs ou sur le lieu de travail. Les individus se socialisant en participant à des
activités récurrentes.
- La socialisation peut être le résultat d’un effet plus diffus de l’organisation d’une
« situation ». On peut parler alors de « socialisation silencieuse », parce qu’elle n’est pas le
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fait d’une inculcation morale, idéologique ou pédagogique. Par exemple, les dispositifs de
ségrégation selon le sexe des écoles ( à lépoque pas si reculée de la non mixité), les toilettes
publiques ou les vestiaires et les douches des salles de sport ont , par leur seule, existence,
pour effet de réaffirmer de façon continue dans l’espace les différences sociales entre les
sexes.
- La socialisation peut prendre, enfin, la forme d’une inculcation* idéologique-symbolique de
croyances (valeurs, normes). Il s’agit ici de normes culturelles diffusées par toutes sortes
d’institutions (la famille, l’école, mais aussi la radio, la télévision).
A partir de B. Lahire, Portraits sociologiques, Armand Colin, 2005
*Inculcation : méthode par laquelle des individus imposent à d’autres des valeurs, des normes.
Q1. Donnez des exemples de « socialisation silencieuse » ayant trait à l’organisation de l’espace ou
du temps dans une société.
Q2. Comment peut-on transmettre des manières de penser ou d’agir ?
La socialisation : désigne le processus par lequel l’individu apprend et intériorise les normes et
les valeurs d’une société ou d’un groupe social, ce qui lui permet de former sa propre personnalité
sociale et de s’adapter au groupe dans lequel il vit. Grâce à ce processus, certains traits sont
incorporés à la personnalité des membres d’une société, si bien que la conformité au milieu social se
produit de façon naturelle et inconsciente.
La socialisation peut passer par inculcation (lorsque l’agent de socialisation cherche volontairement à
transmettre des normes et des valeurs en usant des sanctions positives (récompenses…) ou
négatives (punitions …) ou par imprégnation (l’agent socialisé imite le comportement des agents
socialisateurs- transmission le plus souvent inconsciente par les agents socialisateurs).
Valeurs : Principes qui déterminent l’orientation de l’action individuelle ou sociale. Elles forment des
systèmes qui guident les manières de penser et d’agir.
Normes : Règles ou modèles de conduite propres à un groupe ou à une société donnée, appris et
partagés, légitimés par des valeurs, et dont la transgression entraîne des sanctions.
On distingue les normes formelles (lois, règlements) des normes informelles (politesse,
comportement attendu dans un groupe mais jamais explicité etc…).
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3. Les différents acteurs de la socialisation
Document 4 : Les différentes instances intégratrices des jeunes cf Belin doc 3 p 245
Q1. Selon l’auteure, quelles instances de socialisation interviennent dans la socialisation des jeunes ?
Q2. A quoi pouvez-vous voir que la socialisation scolaire est concurrencée par la socialisation de la
« société des pairs » ?
Vocabulaire : les pairs sont les individus de même rang dans une hiérarchie. Pour les enfants, il s’agit
des autres enfants (à l’école, dans leur quartier, les activités extra-scolaires…).
Document 5 : Quand la socialisation familiale entre en conflit avec la socialisation des « pairs »
Julien, 10 ans , joue du violon. Chaque soir, il y consacre deux heures. Pascale, sa musicienne de
mère, est ravie. « Il aime tellement cela que je n’ai pas besoin de lui rappeler ses exercices. Mais l’an
dernier il m’a fait jurer de ne pas en parler devant ses copains. En discutant, je me suis rendu compte
qu’il leur cachait son activité préférée. Lorsque je lui ai demandé pourquoi, il m’a répondu que ça
n’avait rien avoir avec leur monde. » La dissimulation devient alors une stratégie pour l’enfant, lui
évitant d’être rejeté. (…) « Depuis une vingtaine d’années, les 8-12 ans sont des cibles captives pour
l’économie. A un âge où ils ont besoin d’appartenir à un groupe pour se démarquer peu à peu de leur
famille, la société les coince en leur renvoyant des messages redoutables : s’ils n’ont pas tel look, s’ils
n’écoutent pas telle musique, ils seront exclus du groupe. » Explique Alain Héril, psychothérapeute.
Isabelle Yhuel « Les grands complexes des petits » Psychologie magazine nov. 2004
Q1. Par quels moyens les enfants apprennent-ils les normes de la société dans laquelle ils évoluent ?
Document 6 : le socialisation est le fruit d’une histoire et d’un parcours individuel
Deux individus de la même classe sociale, du même sous-groupe social, ou même appartenant à la
même famille ont toutes les chances d’avoir une partie de leurs pratiques et de leurs goûts culturels
qui diffère, pour n’avoir pas été strictement soumis aux mêmes cadres socialisateurs (participations à
des groupes de pairs différents, activités extra familiales et extrascolaires différentes, parcours
scolaires différents _ pour des raisons liées au sexe, à la place dans la fratrie etc… - au sein d’une
famille qui n’est jamais une entité invariable etc…).
Cette plurisocialisation des individus est aussi au principe de leur possible sentiment d’être uniques,
originaux, et de ne pas fondamentalement dépendre du monde social dans leurs manières
(personnelles, intimes, singulières, propres etc…) de voir, de sentir, de penser, et d’agir La
multiplicité des déterminismes et la pluridépendance contribuent ainsi à l’effacement relatif du
sentiment d’être le produit d’un milieu, d’un groupe, d’une classe.
B. Lahire La culture des individus , La découverte 2004
Q1. Pourquoi deux individus proches n’ont-ils pas la même socialisation ?
Q2. Quelle est alors la conséquence sur la représentation de la construction de soi ?
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