Méthode des variations 13 février 2014 Introduction La recherche de l'état fondamental de systèmes conservatifs est une problématique importante dans de nombreux domaines de la physique (physique du solide, physique moléculaire, chimie quantique, ...). Malheureusement la résolution de l'équation de Schrödinger est souvent malaisée ou impossible. Les méthodes d'approximation, telles que les perturbations stationnaires, constituent un palliatif qui permettent dans certains cas, de résoudre l'équation aux valeurs propres. Toutefois, lorsque des corrections au second ordre sont exigées, la méthode des perturbations devient très couteuse en calculs. Dans ce chapitre nous présentons une méthode dite des variations, alternative aux perturbations stationnaires, qui possède l'avantage de ne pas exiger une connaissance préalable des solutions exactes des systèmes étudiés. Méthode variationnelle pour le fondamental La méthode des variations (ou méthode variationnelle de Rayleigh-Ritz) est une méthode d'approximation utilisée le plus souvent pour calculer de façon approchée, l'énergie du niveau fondamental d'un système stationnaire. Considérons un système décrit par un hamiltonien 1 H indépendant du temps dont le solutions ne sont pas connues a priori . Nous savons toutefois que cet hamiltonien possède des vecteurs propres qui forment une base complète de l'espace des états. Pour simplier l'écriture nous admettrons que le spectre de H est discret et non entièrement dégénéré. Il vient avec n = 0, 1, 2, ... H |un i = En |un i (1) E0 ≤ E1 ≤ E2 ... (2) et |ψi de l'espace des états peut être développé sur la base des vecteurs H X |ψi = cn |un i (3) Tout vecteur propres de n 1. On entend par là que l'équation de Schrodinger n'est pas ou dicilement solvable. 1 où les cn = hun |ψi sont les coecients, complexes, du développement. La valeur |ψi est moyenne de l'énergie du système dans l'état hψ| H |ψi hψ |ψi P P ( m c∗m hum |) H ( n cn |un i) P P ( hum | c∗m ) ( n cn |un i) P m ∗ cm cn En hum |un i Pm,n ∗ m,n cm cn En hum |un i hEi = = = Sachant que hum |un i = δm,n P 2 n |cn | En hEi = P n |cn | ² (4) En vertu de l'hypothèse (2) nous pouvons déduire que hEi = hψ| H |ψi ≥ E0 hψ |ψi (5) La formule (5) est l'équation maitresse de la théorie des variations. Elle stipule que la valeur moyenne de H pour tout état |ψi constitue une valeur approchée par excès de l'énergie du niveau fondamental. Il y a égalité stricte lorsque l'état |ψi est vecteur propre de H associé à l'énergie E0 . Explicitons la méthode. Choisissons une fonction d'essai de l'état fondamental qui dépend de un ou plusieurs paramètres variationnels αi (non explicités pour l'instant) ψt = ψt (α1 , α2 , ..., αs ) (6) Commençons par calculer E (α1 , ..., αs ) = hψt | H |ψt i hψt |ψt i Cherchons ensuite les valeurs des paramètres variationnels (7) αi qui minimisent l'énergie (7) en résolvant le système d'équations ∂E (α1 , ..., αs ) = 0 , i = 1, ..., s ∂αi La valeur minimale de E (α1 , ..., αs ) (8) ainsi obtenue représente la meilleure esti- mation, par excès, de l'énergie de l'état fondamental telle qu'obtenue avec la fonction d'essai (6). L'équation (5) apparait comme un principe d'extremisation. De plusieurs estimations obtenues avec des fonctions d'essai diérentes, la meilleure est la plus basse. Le succès de la méthode doit beaucoup au choix de la fonction d'essai. Il est donc important qu'elle reproduise, au moins qualitativement, le comportement attendu de la véritable fonction d'onde du fondamental (a priori inconnue). La méthode s'adapte facilement au calcul sur des machines. 2 On implémente aujourd'hui sur des ordinateurs, des fonctions d'essais complexes mais exibles qui permettent d'obtenir des résultats très précis. Pour fnir, il est important de noter que si la méthode des variations optimise l'énergie à partir de fonctions d'essais, ces dernières ne constituent pas pour autant de bonnes approximations des fonctions d'ondes vraies. Souvent elles donnent des résultats médiocres quand elles sont utilisées pour calculer d'autres grandeurs que l'énergie. Un exemple simple Nous allons illustrer la méthode en l'appliquant à l'atome d'hydrogène. Il s'agit bien sûr d'un problème académique puisque nous connaissons la solution exacte. État fondamental de l'atome d'hydrogène La fonction d'onde (électronique) de l'état fondamental de l'atome d'hydro- l = 0 (il n'existe pas pour cet état de s. La fonction d'onde de cet état dépend de la coordonnée radiale r avec ψ (r = 0) 6= 0. Elle doit également s'annuler gène possède un moment angulaire nul, barrière centrifuge). On parle alors d'état à l'inni. Ces deux comportements, à l'origine et loin de celle-ci, sont rendues 2 par ψt (r) = Ce−αr où α est un paramètre variationnel et C ˆ ∞ 2 (9) la constante de normalisation e−2αr 4πr2 dr = 1 hψt |ψt i = |C| 0 d'où r |C| = α3 π Le hamiltonien de l'atome d'hydrogène est H =T +V =− ~2 2 e2 ∇ − 2m 4πε0 r Pour utiliser la relation (5) nous devons calculer hψt | T |ψt i et hψt | V |ψt i. valeur moyenne de l'énergie potentielle est aisément calculable hψt | −e2 1 4πε0 r e2 |ψt i = − 4πε0 e2 α = − 4πε0 2. Au moins du point de vue qualitatif. 3 ˆ 0 ∞ 1 ψt∗ (r) ψt (r) 4πr2 dr r La Le calcul de la valeur moyenne de l'énergie cinétique peut-être simplié en utilisant les règles de dérivation de l'algèbre vectorielle ∇. (U ∇V ) = U ∇2 V + ∇U.∇V En identiant les champs de scalaires U et ∗ 2 V avec ψ∗ et ψ et en intégrant sur tout l'espace il vient ˆ ˆ ∗ 3 ∇. (ψ ∇ψ) d r = ˆ 3 ψ ∇ ψd r + ∇ψ ∗ .∇ψd3 r Convertissons le membre de gauche en intégrale de surface à l'aide du théorème de la divergence. Si A est un champ de vecteurs ˆ ˆ ∇.Adτ = A · dS S τ ˆ Soit ˆ ∗ (ψ ∗ ∇ψ) dS ∇. (ψ ∇ψ) dτ = S Cette intégrale est nulle si on choisit la surface qui entoure le volume très loin de l'origine et une fonction d'onde qui tend susamment vite vers zéro quand r → 0. ˆ Finalement ˆ ψ ∗ ∇2 ψd3 r = 2 |∇ψ| d3 r (10) L'équation (10) est utile dans le sens où il est généralement plus facile d'évaluer |∇ψ| 2 ∇2 ψ . La valeur moyenne de l'énergie cinétique est donc 2 ˆ ˆ ~2 h2 −~ 2 2 ∇ |ψt i = − ψt∗ ∇2 ψt d3 r = |∇ψt | d3 r hψt | 2m 2m 2m que Pour la fonction d'essai (9) ∂ψt 2 2 = α2 |ψt |2 |∇ψt | = ∂r d'où hψt | −~2 2 ~2 α2 ∇ |ψt i = 2m 2m En combinant tous ces résultats on aboutit à E (α) = hψt | H |ψt i = Le minimum de E (α) ~2 α 2 e2 α − 2m 4πε0 est obtenu pour ∂E (α) =0 ∂α α0 4 α0 = α0 on constate que E (α0 ) calculant me2 4πε0 ~2 est l'inverse du rayon de Bohr. On pose α0 = 1/a0 . En on obtient la meilleure estimation de l'énergie du fondamental pour la fonction d'essai choisie, soit E (α0 ) = En remarquant que e2 ~2 − 2ma20 4πε0 a0 ~2 /ma0 = e2 /4πε0 On obtient nalement 1 1 e2 E == − = −13.6 eV a0 2 4πε0 a0 qui est l'énergie exacte de l'état fondamental. Ce résultat n'est pas étonnant puisque la fonction d'essai est la fonction d'onde exacte de cet état. Exercices 1. Estimer l'énergie du niveau fondamental de l'oscillateur harmonique à une dimension pour la fonction d'essai 2 ψt (x) = Ce−αx 2. Même question pour une particule dans le puits delta V (x) = −βδ (x) β > 0. où Considérer la même fonction d'essai qu'en 1. Deux intégrales utiles Pour a>0 et n = 0, 1, 2,... ˆ ∞ dx xn e−ax ˆ 0 ∞ = 2 dx xn e−ax = Γ 1 2 = √ π, Γ 3 2 √ = Γ 2a 0 avec n! an+1 π 2 , Γ 5 2 = n+1 2 (n+1) 2 √ 3 π 4 , ... Extension aux états excités La démarche adoptée pour l'état fondamental peut-être étendue aux états excités bien qu'elle soit plus contraignante. Considérons de nouveau un système 5 décrit par les équations (1) et (2) et un vecteur d'état fondamental |ψi orthogonal à l'état |u0 i hu0 |ψi = 0 Le développement de au ket |u0 i |ψi sur la base et |ψi = |un i ∞ X (11) ne contient donc pas le terme relatif cn |un i (12) n=1 En utilisant les équations (2) et (12), il est facile de montrer que hψ|H|ψi ≥ E1 hψ|ψi (13) L'équation parait analogue à (5), elle en dière toutefois par le fait que le vecteur |ψi est orthogonal au vecteur propre de H associé à E0 (Eq. (19)). A cette contrainte près, la méthode des variations peut-être appliquée comme pour l'état fondamental. Pour une fonction d'essai ψt (α1 , ..., αs ), E (α1 , ..., αs ) = le minimum de hψt |H|ψt i hψt |ψt i (14) constitue une valeur approchée par excès, de l'énergie du premier état excité E1 . Il est facile d'étendre la méthode aux états excités supérieurs. On voit tout de suite en quoi la démarche est contraignante. Pour pouvoir l'appliquer il faut connaitre la fonction d'onde exacte du fondamental et ensuite fabriquer des fonctions d'essai qui lui soient orthogonales. Généralement on ne connait pas les caractéristiques des états propres étudiés et l'on ne peut se sure d'une 3 fonction d'essai, même si elle a donné de bons résultats . Il existe toutefois le cas des potentiels symétriques où la méthode peut s'appliquer rigoureusement (au moins pour le premier niveau excité). Il sut de prendre une fonction d'essai impaire pour qu'elle soit automatiquement orthogonale à la fonction propre du fondamental (qui est nécessairement paire). Dans le cas d'un potentiel central, la fonction d'onde d'un état (m = −1, 0, 1) p (l = 1 ) comporte un terme angulaire Y1m (θ, φ) i.e ψ (r) = f (r; α1 , ..., αs ) Y1m (θ, φ) Elle est orthogonale 4 à tout état de moment angulaire donnera une estimation par excès de l'énergie de l'état l 6= 1. Son utilisation p. La qualité des résul- tats dépend également d'un bon choix de la fonction d'essai qui doit vérier a minima, les propriétés générales comme la symétrie, le bon nombre de n÷uds et le comportement correct à l'origine et à l'inni. 3. Les énergies obtenues avec des fonctions d'essai orthogonales à une fonction du fondamental approximative ne vérient plus le théorème des variations (i.e l'énergie la plus basse ne constitue pas nécessairement la meilleure estimation). ´ ∗ 0 4. Rappel dΩYlm (θ, φ) Ylm (θ, φ) = δll0 δmm0 0 6 Application : la méthode LCAO La méthode des variations est utilisée avec succès dans l'étude de la structure des molécules. On décrit l'état fondamental d'une molécule par une combinaison linéaire de fonctions d'onde connues, ce qui se traduit dans l'espace des états par |ψi = X cn |un i (15) n où hψ|ψi = 1 (les kets |un i ne sont pas nécessairement normés). L'équation (15) est à la base de la méthode LCAO (acronymes de combinaison linéaire d'orbitales atomiques ). Examinons en quoi la méthode est liée au calcul variationnel. Faisons subir à |ψiune δhψ|ψi = |δψi, petite variation nous obtenons (hψ| + hδψ|) (|ψi + |δψi) − hψ|ψi = hψ|ψi + hδψ|ψi + hψ|δψi + hδψ|δψi − hψ|ψi = hδψ|ψi + hδψ|ψi∗ + o δψ 2 {z } | 2<[hδψ|ψi] Négligeons le terme du second ordre < [hδψ|ψi] = 0 où < [...] signie partie réelle de [...]. (16) En utilisant le développement (15), l'équa- tion (16) s'écrit ˆ < ∗ "ˆ dx(δψ (x)) ψ (x) = # < dx X m = <[ X δc∗m cn δc∗m u∗m (x) X cn un (x) n ˆ dxu∗m (x) un (x) m,n " # X =< δc∗m cn hum |un i =0 (17) m,n De la même manière, en faisant varier |ψi au premier ordre, calculons δhψ|H|ψi = (hψ| + hδψ|) H (|ψi + |δψi) − hψ|H|ψi Les mêmes étapes que précédemment donnent δhψ|H|ψi = < " X # δc∗m cn hum |H|un i m,n Si δhψ|H|ψi = 0 alors hψ|H|ψiest un extremum. Dans " # X ∗ < δcm cn hum |H|un i = 0 m,n 7 ce cas (18) Lemme. Soit deux formes linéaires A= A n X et B de n ai zi , B = i=1 {zi } S'il existe un jeu de tel que variables complexes n X zi bi zi i=1 < [A] = < [B] = 0 alors B = λA où λ est un réel. Le lemme appliqué aux équations (17) et (18) (les riables zi ) δc∗m sont identiés aux va- permet d'écrire X cn hum |H|un i = λ X cn hum |un i (19) n En multipliant (19) par c∗m et en sommant sur tous les m, on obtient hψ|H|ψi = λ ≡ E Ce qui identie λ à l'énergie moyenne du système dans l'état |ψi. Il représente une valeur approchée de l'énergie du niveau fondamental. Les équations (19) qui s'écrient alternativement X cn hum |H − E|un i = 0 n ne possèdent de solutions, autres que triviales, que si h1|H|1i − Eh1|1i h2|H|1i − Eh2|1i ... . . . où |ii ≡ |ui i. annule le déterminant h1|H|2i − Eh1|2i h2|H|2i − Eh2|1i ... ... ... ... . . . . . . =0 Le problème a ainsi été ramené à la résolution d'un système d si d est le nombre de fonctions un mises en jeu. En physique ψ (x)=hx|ψi est appelée orbitale système et les fonctions un (x)=hx|un i souvent des orbitales algébrique d'ordre moléculaire ou en chimie quantique, la fonction moléculaire du E atomiques. 8