Actes du Colloque international francophone « Complexité 2010 »
La pensée complexe : défis et opportunités pour l’éducation, la recherche et les
organisations – Lille (France) mercredi 31 mars et jeudi 1er avril 2010
choix radical du démembrement du processus d’autopoïèse théâtrale, qui est, rappelons-
le, la seule vérité de l’acte spectaculaire au moment même où il se produit, il est aisé de
procéder à l’enregistrement « sensible », différé, précis, comme « mécanisable », de la
seule fiction scénique. Ce type d’enregistrement « réduit » et non contextualisé qui
compose le socle de la recréation ou du « film de théâtre » est bien sûr un outil
particulièrement efficace de transposition de la seule représentation scénique, de par sa
capacité de focalisation dramatique et sa souplesse d'adaptation. Les caméras et micros
peuvent « sauter la rampe » et pénétrer la scène de mille et une manières différentes, avec
une puissance inductive extraordinaire. Dans le prolongement du mouvement naturel de
la pensée, comme le notait déjà Edgar Morin il y a plus d'un demi-siècle (Morin, 1956,
p. 70), « !
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». D’authentiques et multiples chef-d’œuvres audiovisuels sont le
fruit de cette démarche analytique (Picon-Vallin, 1997), comme en « sur-mesure » en lieu
et place du « prêt-à porter » courant...
Cela étant, la recréation ne peut fonder une mémoire documentaire du
« continent-vie/théâtre » porté par toute représentation, du seul fait de la suppression de
la dialogique et des interactions coopératives, antagonistes et créatives incessantes entre
une scène et une salle qui sont UNE. Sans public, point de théâtre : étymologiquement,
le mot théâtre n'est-il pas issu du grec $ qui souligne les gradins, l'endroit où l'on
voit, donc le public, principal acteur de la représentation ? Du point de vue du seul
théâtre, non « contaminé » par le paradigme des médiations industrielles, les
enregistrements d’une représentation hors public ne devraient-ils donc pas avoir
guère de sens ? Certes historiquement les lois de la perspective élaborées à la
Renaissance dans le champ pictural occidental contribuèrent à rendre possible tant la
création du « théâtre à l'italienne » que quelques siècles plus tard l'invention du cinéma,
certes on ne peut jamais filmer du théâtre sans faire tout autre chose, certes la perte est
inhérente à toute traduction et la recherche d'une « fidélité à la lettre » est illusoire et
stérile sous bien des angles, mais ces raisons sont-elles suffisantes pour justifier
l'élimination de l'un des deux pôles opposés du « courant porteur » de la
communication théâtrale ?
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