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veau. Sans être en soi un objectif, la manière d’être prêtre des
jésuites est un aspect central de leur identité. Enracinée dans
la Contemplation pour obtenir l’amour qui conclut les
Exercices spirituels, elle est un don de Dieu en vue d’une mis-
sion universelle. En se mettant au service du pape quant aux
missions, les jésuites disent leur disponibilité pour aller aux
frontières de l’Église et du monde, espérant y « aider les
âmes » pour une gloire de Dieu plus grande4.
Pierre de Bérulle forme avec ses disciples français –
J.-J. Olier, J. Eudes, V. de Paul – le troisième pôle de la réforme
tridentine. À la suite de Bernard, François, Ignace et érèse,
le futur cardinal donne à sa spiritualité un tour christocen-
trique et découvre que le prêtre doit être conforme à l’image
de Jésus-Christ, le médiateur entre Dieu et les hommes et le
« fondateur de l’ordre sacerdotal ». Commentant la Bulle de
Paul IV qui approuvait l’Oratoire en 1613, Condren, qui suc-
céda à Bérulle, précise : « [Cette] congrégation de prêtres qui,
non seulement font profession de tendre à la perfection sacer-
dotale, mais qui se séparent de tout ce qui peut les en détour-
ner … pour être, à l’égard des autres ecclésiastiques ce que
les religieux sont à l’égard des laïques. Vivant en Jésus-Christ
et selon lui, nous serons véritablement ses religieux. Et sans
être liés par aucun vœu solennel ou particulier, nous vivrons
religieusement5. » Venons-en donc au clergé paroissial.
À l’aube du e siècle, alors que certains religieux se
réforment, le clergé soure des limites du système bénécial et
des lacunes de sa formation. Luther se fait critique : « L’Église
du Christ ignore le sacrement de l’ordre ; il a été inventé par
l’Église du pape6 » et propose sa doctrine du sacerdoce univer-
sel : « Par le baptême, nous recevons tous le sacerdoce7. » Après
1540, quand le protestantisme s’est répandu, on mesura la dif-
férence entre le prêtre marqué d’un caractère indélébile qui en
fait un sacricateur et le pasteur désigné par le peuple chrétien
pour prêcher la parole et administrer les sacrements. Le
Collège cardinalice, épuré par Paul III, rédige un texte sur la
rénovation du clergé repris durant les sessions du concile de
Trente de 1562 et 1563. Se détournant des conceptions protes-
tantes, on désire renouveler le clergé par l’exaltation de sa mis-
sion, la revalorisation de ses fonctions, le renforcement de la
discipline et une meilleure formation. « Rien, écrivent les
Pères, n’instruit davantage et ne porte plus continuellement les
hommes à la piété et aux saints exercices que la vie et l’exemple
de ceux qui se sont consacrés au saint ministère.8 »
4. Décrets de la 34e
Congrégation générale de
la Compagnie de Jésus,
Rome, 1995. p. 105-127.
5. Cité par R. Deville,
L’école française de spiri-
tualité, Paris, DDB, 2008,
p. 76.
6. «De la captivité babylo-
nienne de l’Église »,
Œuvres, Labor et fides,
1966, T. 2, p. 244.
7. « À la noblesse de la
nation allemande sur
l’amendement de l’État
chrétien», op. cit. p. 84.
8. G. Alberigo, op. cit. T. 2,
p. 1499.