M I S E A U P O I N T Immunopathologie de la polyarthrite rhumatoïde Pathogeny of rheumatoid art h r i t i s ● P o i n t s J. Morel*, B. Combe* f o r t s La physiopathologie de la polyarthrite rhumatoïde (PR) a connu ces vingt dernières années des progrès considérables marqués, entre autres, par : ■ La découverte des cytokines, en particulier de l’IL-1 et du TNFα, qui a permis une meilleure compréhension de l’inflammation et le développement de traitements ciblés très efficaces. ■ Une prédisposition génétique à la PR, en particulier avec les gènes HLA DRB1*04. La présence de ces allèles est associée à la PR et représente un facteur de mauvais pronostic de la maladie. ■ La présence dans le sérum des patients du facteur rhumatoïde et d’anticorps très spécifiques de la maladie, dirigés contre les peptides citrullinés (antiCCP). La spécificité des anti-CCP suggère que l’on s’approche de l’antigène responsable de la PR. ■ Le démembrement des mécanismes impliqués dans la transduction du signal soulignant l’importance des molécules lymphocytaires de costimulation et des voies intracellulaires de signalisation dans le contrôle de l’inflammation et l’avènement de nouveaux traitements (CTLA4-Ig). ■ Les théories actuelles sur la pathogénie de la PR font intervenir l’immunité innée indépendante des lymphocytes T, mais responsable de la libération d’une cascade de cytokines pro-inflammatoires, l’immunité acquise antigène spécifique médiée par les lymphocytes T ou encore le comportement pseudotumoral des synoviocytes rhumatoïdes. M o t s - c l é s : Physiopathologie - PR - Immunité innée - Immunité acquise - Cytokines - Voies de signalisation - HLA D R B 1 * . K e y w o rd s : Pathogeny - RA - Innate immunity A c q u i red immunity - Cytokines - Signaling pathways - HLA D R B 1 * . * Service d’immunorhumatologie, CHU Lapeyronie, Montpellier et unité Inserm U454. La Lettre du Rhumatologue - n° 306 - novembre 2004 L a polya rt h rite rhumatoïde est un rhumatisme infl a m m at o i re responsable d’une destruction de l’art i c u l ation qui contribue à une impotence fonctionnelle parfois majeure. Même si des progrès considérables ont été faits dans la compréhension physiopathologique de cette maladie, son origine reste t o u j o u rs inconnu e. Plusieurs fa c t e u rs interviennent dans le Figure 1. Le déclenchement de la PR pourrait faire intervenir l’immunité innée et/ou l’immunité acquise. L’activation des récepteurs Toll like stimule les cellules dendritiques, les synoviocytes, les macrophages. L’activation des lymphocytes T dépendrait de la reconnaissance d’un antigène présenté par les CPA. Dans les deux cas, cela aboutirait à l’activation des lymphocytes T en lymphocytes Th1. Ces lymphocytes stimuleraient, par l’interm é d i a i rede cytokines, les synov i o cytes et les macro p h ages. Les molécules (cytokines, enzymes) produites par ces cellules active raient les ostéoclastes. Ces ostéoclastes, sous l’effet de RANKL, seraient activés et interviendraient dans la destruction ostéoarticulaire. HEV: high endothelial veinule, veinule postcapillaire. Syno. F: synoviocytes fibroblastiques. λ : lymphocyte. 19 M I S E A U P O I N T d é cl e n chement de la maladie : des fa c t e u rs hormonaux, le terrain génétique prédisposé et des facteurs environnementaux (1). Lorsque tous ces fa c t e u rs sont réunis, ils activent une réponse immunitaire innée et acquise incontrôlée qui se traduit par une réaction infl a m m atoire ex ag é r é e, en particulier de la membrane synoviale (2) (figure 1, voir p. 19). Cette synoviale est une struct u re habituellement paucicellulaire avec une couche bord a n t e, c ’ e s t - à - d i repro che de la cavité art i c u l a i requi est mince. La synoviale rhumatoïde est, en revanche, infiltrée par des cellules comprenant principalement des lymphocytes T CD4+, des lymphocytes B et des macrophages qui s’organisent en agr é gats lymphoïdes, avec parfois des centres germinaux dont la structure rappelle celle d’un ganglion. Elle se caractérise également par une pro l i f é ration de la couche bordante qui est composée de synov i o cytes et de macro p h ages mais aussi par une pro l i f é ration importante de néovaissaux. La PR est classée parmi les maladies auto-immunes en raison de nombreux signes d’autoréactivité avec la présence d’auto-anticorps, comme les facteurs rhumatoïdes, mais aussi les anticorps antifillagrine. La physiopathologie de la PR pourrait être comparée à un puzzle dont certaines pièces sont a u j o u rd’hui identifiées mais dont l’agencement final reste encore mal connu. Nous aborderons successivement la participation de l ’ i m munité innée, des cytokines et de l’immunité acquise, les synoviocytes et, enfin, les voies intracellulaires de signalisation impliquées dans la PR. L’IMMUNITÉ INNÉE L’immunité innée est une réponse immunitaire non spécifique en réaction à un élément étra n ger. Les cellules dendritiques, les monocytes/macrophages, les poly nu cl é a i res neutrophiles (PNN) mais aussi les mastocytes, interviennent dans l’activation de la réponse innée. Lee et al. suggèrent que les mastocytes seraient le chaînon entre les autoanticorps, le système du complément et les médiat e u rs de l’infl a m m ation (3). En effe t , les souris déficientes en mastocytes ne développent pas d’arthrite après injection de sérum arthritogénique tandis que la greffe de mastocytes les rend à nouveau suscep t i bles à une art h ri t e. Les diff é rentes cellules impliquées dans l’immunité innée sont attirées dans la membrane synoviale par des chimiokines. Les chimiokines MCP-1, MIP-1 et RANTES attirent les cellules dendritiques tandis que l’IL-8 attire surtout les PNN. Des agents infectieux viraux (Epstein-Barr), bactériens (Escherichia coli) et mycobactériens ont été incriminés dans le déclenchement de la PR par activation de l’immunité innée. Les agents infectieux peuvent en effe t induire une réponse immunitaire innée par activation des récepteurs Toll like (TLR) (4). Ces TLR reconnaissent des molécules exprimées par les micro-organismes : TLR4 est activée par les composants lipopolysaccharidiques de la membrane bactérienne et TLR9 interagit avec les oligonucléotides CpG présents dans l’ADN bactérien. Ces dérivés bactériens pourraient déclencher une réaction inflammatoire mais aussi faciliter la pérennisation de l’infl a m m ation en favo risant une stimu l ation récurrente de l’immunité innée. Cette réponse immunitaire innée déclenche la libération en cascade de nombreuses cytokines et, en particulier, d’IL-1 et de TNFα. 20 LES CYTOKINES (figure 2) Leur découve rte a été d’une importance pri m o rdiale dans la compréhension de la physiopathologie de la PR et de l’inflammation en général. Les cytokines sont des messagers intercellulaires qui permettent aux cellules de communiquer entre elles sans qu’il y ait un contact cellulaire. Il existe quat re grandes familles de cytokines : les interleukines, les interférons, les fa c t e u rsde cro i ssance et les chimiokines. Dans la PR, il existe un déséquilibre e n t re les cytokines pro - i n fl a m m at o i res et les cytokines antiinflammat o i res. Les cytokines pro-inflammatoires, comme le T N Fα, l’IL-1, l’IL-15, l’IL-17, l’IL-18, l’IL-6, mais aussi les fa ct e u rsde croissance et les chimiokines sont présents à des concent rations élevées dans le liquide synovial et dans le sérum des p atients atteints de PR (5). Les monocy t e s , les lymphocytes T activés, les macrophages et les synoviocytes sont les principaux p ro d u c t e u rs de ces cytokines. L’IL-1ß et le T N Fα sont deux cytokines clés de l’inflammation articulaire (6). Ils contrôlent la production de nombreuses autres cytokines comme le fibroblast growth factor, le vascular endothelial growth factor et les chimiokines, mais aussi des molécules d’adhésion qui interviennent également dans la réaction inflammatoire en favorisant l’angiogenèse et le recrutement des cellules dans la synoviale. Les cellules endothéliales stimulées avec du TNFα, de l’IL-1 ou de l’IL-18 ex p riment des molécules d’adhésion, d’ab o rd des sélectines (E-sélectine, L-sélectine) puis des intégrines (αEβ7, α4β7, α4β1) qui interagissent entre elles. L’ i n t e raction des cellules circulantes avec les cellules endothéliales permet la diapédèse de ces cellules qui passent alors dans la membrane synoviale. Les cellules circulantes migrent ensuite dans la synoviale en exprimant à leur surface membranaire des récepteurs aux chimiokines, comme CCR5, qui reconnaissent des chimiokines telles Figure 2. Les lymphocytes T activent les cellules synoviales résidentes par les cytokines IFNγ et IL-17. Les synoviocytes, les macrophages et les cellules dendritiques produisent des cytokines capables de stimuler ou d’inhiber les cellules résidentes présentes dans la synoviale. Les cytokines proet anti-inflammatoires sont respectivement indiquées par les signes + et –. IL = interleukine ; GM-CSF = granulocyte-macrophage colony-stimulating factor ; IL-1Ra = antagoniste du récepteur de l’IL-1, S TNFR = récepteur soluble du TNFα ; Mø : macro phage ; Syno. F : synoviocytes fibroblastiques. λ :lymphocyte. La Lettre du Rhumatologue - n° 306 - novembre 2004 M que RANTES, produites dans la synoviale (7). Le rôle central du TNFα et de l’IL-1β dans la pathogénie de la PR a été confirmé ces dernières années avec l’utilisation des traitements capables de les neutraliser (8). Les agents modulant le TNFα ont montré une efficacité anti-inflammatoire remarquable en réduisant l’angiogenèse et l’infiltrat inflammatoire dans la synoviale (9). Ces traitements ont également montré l’importance de ces deux cy t okines dans la destruction ostéoarticulaire observée dans la PR. Des données récentes sugg è rent l’implication de la cy t o k i n e RANKL dans la résorption osseuse sous-chondrale des patients atteints de PR. Le Receptor Activator of NFκB ligand (RANKL) est exprimé à la surface des cellules de la lignée ostéoblastique, mais aussi des lymphocytes activés et des cellules endothéliales (10). La production de RANKL est régulée par les cytokines pro inflammatoires telles que IL-1, T N Fα et IL-17. RANK est le r é c epteur membra n a i re de RANKL et l’ostéoprotégérine (OPG) est la forme soluble du récepteur. La liaison de RANKL à son récepteur membranaire RANK, présent sur les préostéoclastes, favo rise la différe n c i ation et l’activation des ostéoclastes. RANKL est trouvé à des concentrations élevées dans le sérum et le liquide synovial des patients atteints de PR. Le rôle de RANKL dans la destruction articulaire est fortement suggéré par l’effet antirésorptif de l’OPG dans différents modèles d’arthrites expérimentales. D’autres cytokines, comme l’IL-15, l’IL-17, l’IL-18 et l’IL-6, participent également à la physiopathologie de la PR. L’IL-18 et l’IL-15 sont produites par les monocytes/macrophages et favorisent l’ex p ression de T N Fα (11). L’IL-6 est une cytokine qui cumule à la fois des propriétés pro- et anti-inflammatoires (12). En effet, l’IL-6 induit, d’une part, les protéines de la phase aiguë de l’inflammation et, d’autre part, elle est capable de freiner la production de l’IL-1, du TNFα et des chimiokines. Son rôle dans la pathogénie de la PR est encore mal connu mais indiscutable. La neutralisation de l’IL-6 par un anticorps monoclonal dirigé contre le récepteur de l’IL-6 (MRA) donne, en effet, des résultats très encourageants dans le traitement de la PR. L’IMMUNITÉ ACQUISE L’ i m munité acquise est une réponse immu n i t a i re spécifique contre un antigène. Les cellules présentant l’antigène, les lymphocytes T et les lymphocytes B en sont les principaux acteurs cellulaires. Cellules présentant l’antigène et HLA de classe II Les macrophages, les lymphocytes B et les cellules dendritiques sont capables de présenter un antigène aux lymphocytes T. Les cellules dendritiques (CD) sont les cellules présentatrices professionnelles du système immu n i t a i re et elles sont supposées être les cellules présentant initialement l’antigène aux lymphocytes T dans la PR (13). Dans la synoviale rhumatoïde, les CD sont trouvées principalement au niveau des agrégats lymphocytaires et en péri p h é rie des vaisseaux, s u gg é rant qu’elles proviennent du sang périphérique. Les cellules présentant l’antigène expriment à la surface de leur membrane des molécules HLA de classe II qui sont indispensables au déclenchement d’une réponse immuLa Lettre du Rhumatologue - n° 306 - novembre 2004 I S E A U P O I N T n i t a i re médiée par les ly m p h o cytes T. Ces molécules ont une stru c t u redimérique composée de chaînes peptidiques α et β, ave c un site de liaison pour les peptides antigéniques. Dans nos popul at i o n s , la PR est associée aux allèles HLA DRB1*0401, DRB1*0404, DRB1*0101. Les molécules HLA codées par ces allèles se caractérisent par une séquence commune d’acides aminés (QKRAA) située entre les positions 70 et 74 de la chaîne β et qui correspond également au site impliqué dans la reconnaissance antigénique (14). Cette séquence commu n e, également appelée “épitope partagé”, pourrait être au cœur de la réaction auto-immune médiée par les lymphocytes T. L’implication des allèles HLA DRB1*04 et DRB1*01 dans la PR est éga l e m e n t soulignée par l’association étroite entre ces allèles et la sévérité de la maladie. L’allèle HLA DRB1*04 est pratiquement constamment re t rouvé dans les PR agressives, avec des dégra d ations ostéo-art i c u l a i res plus précoces et plus importantes (15). Le nombre d’allèles à risque dans le génotype du patient est corrélé avec la sévérité de la PR (16). Lymphocytes B Le rôle des lymphocytes B dans la PR est à nouveau envisagé depuis les résultats des essais cliniques montrant l’efficacité du ri t u x i m ab, un anticorps dirigé contre le marqueur CD20 des ly mphocytes B, responsable de la déplétion des lymphocytes B chez les patients atteints de PR (17). Les lymphocytes B extraits de la synoviale rhumatoïde expriment les marqueurs CD20, mais pas CD38 (18). Ces lymphocytes B synoviaux ont conservé leur c apacité à pro d u i re des immunoglobulines mais ils ont, en reva n ch e, p e rdu leur capacité de pro l i f é ration. Leur contri bution dans la pat h ogénie de la PR se situe à plusieurs niveaux. Les lymphocytes B peuvent se comporter comme de véritables cellules présentatrices de l’antigène (CPA) car ils sont capables de présenter des antigènes aux lymphocytes TCD4+ par l’intermédiaire des molécules HLA de classe II ou des immu n og l o bulines qu’ils expriment à leur membrane. Les lymphocytes B produisent également des cytokines comme le TNFα ou encore l’IL10 (19). Les lymphocytes B produisent aussi certains autoanticorps détectés dans la PR tels que les facteurs rhumatoïdes et les anticorps antiprotéines citrullinées. La production de facteur rhumatoïde par les lymphocytes B peut être induite par la liaison entre le TLR9 et l’ADN bactérien (20). Les anticorp s dirigés contre des protéines citrullinées, produites par déimination de résidu arginine par une peptidylarginine déiminase, sont très spécifiques de la PR (21).Les anticorps anti-CCP (citrullinated cyclic peptide) reconnaissent également les résidus citrullinés de protéines comme la filagrine, le collagène ou la fibrine. Le rôle physiopat h o l ogique de ces peptides citrullinés reste maintenant à démontrer. Le rôle des ly m p h o cytes B a également été souligné par le modèle K / B x N. Ces souris générées fo rtuitement développent spontanément une art h rite directement liée à des anticorps dirigés contre un antigène ubiquitaire : la glucose-6 phospho-isomérase (GPI). Le transfert du sérum de ces souris induit en effet une arthrite (22). Dans ce modèle expérimental d’arthrite, les mastocytes semblent jouer un rôle essentiel. Si l’effet pathogène des anticorps anti-GPI est démontré dans ce modèle animal, ces anticorps ne sont que rarement retrouvés dans la PR et ne sont pas spécifiques 21 M I S E A U P O I N T de cette maladie. Ces anticorps anti-GPI sont plutôt observés dans les PR associées à des signes extra-articulaires (23). Lymphocytes T Le rôle des lymphocytes T dans la PR est fortement suggéré par l’abondance des lymphocytes Th1 dans la synoviale rhumatoïde (24). Les ly m p h o cytes naïfs, après reconnaissance d’un antigène, se différencient en lymphocytes T producteurs d’interféron γ (IFNγ), d’interleukine 2 (IL-2), ou encore d’IL-17. Cette réponse est dite de type Th1, par opposition à une réponse “de type Th2”, qui se traduit plutôt par une production d’IL-4. Ces lymphocytes T sont re c rutés à partir du sang péri p h é rique et s’organisent en agrégats qui ressemblent, par leur morphologie, à l’architecture folliculaire des ganglions lymphoïdes. La plupart des lymphocytes T synoviaux expriment à la fois les marqueurs CD4 et CD45RO et sont donc des lymphocytes T auxiliaires mémoires. Ces lymphocytes T peuvent être à nouveau activés par les CPA par engagement des molécules du TCR (T cell re c ept o r ),des molécules HLA DR, mais aussi des molécules de costimulation comme CD28 et B7. L’activation des lymphocytes T est sous le contrôle des lymphocytes T régulateurs CD4+ et CD25+. Ces ly m p h o cytes T régulat e u rs (T reg) sont cap abl e s d’inhiber l’expansion clonale des ly m p h o cytes T CD4+. La molécule CTLA4, ex p rimée sur les T reg 1 , i n t e ragit avec la protéine CD28, exprimée sur les lymphocytes T CD4+, et induit un message inhibiteur. Ces T reg pourraient intervenir dans la physiopathologie de la PR (25). Une anomalie de la régulation des lymphocytes T est démontrée dans un nouveau modèle murin de PR. Des souris possédant une mutation du gène codant pour la molécule de signalisation ZAP 70 développent spontanément une art h rite qui ressembl e, par plusieurs aspects, à la PR humaine (26). Cette mu t ation favo ri s e rait anormalement une sélection positive des lymphocytes T auto-immuns, qui ne devraient pas survivre lors de son passage dans le thymus. Les lymphocytes T sont capables d’interagir ensuite avec les cellules résidentes comme les synoviocytes. RÔLE DES SYNOVIOCYTES DANS LA PR Les synoviocytes constituent le principal composant cellulaire de la couche bordante de la membrane synoviale et sont de deux types : les macrophages et les synoviocytes fibroblastiques. Les pre m i e rs ap p a rtiennent, comme les cellules dendritiques, à la lignée monocytaire, tandis que les seconds ont plutôt une origine mésenchymateuse. Les macrophages se distinguent des synoviocytes fibroblastiques par l’expression de marqueurs de différe n c i ation tels que CD68 et CD14, des molécules HLA de classe II et des récepteurs Fc des immunoglubulines. Les synoviocytes macrophagi q u e s activés seraient les véri t ables moteurs de la réaction inflammatoire en produisant deux types de médiateurs : des médiateurs “primaires” ne nécessitant pas de synthèse protéique tels que les prostaglandines, les leucotriènes, les radicaux libres et les enzymes contenus dans les granules et qui participent de façon importante à la destruction tissulaire ; des médiateurs “secondaires” requérant une synthèse protéique constituée p rincipalement par les cytokines pro - i n fl a m m at o i res IL-1 et TNFα qui induisent la synthèse de médiat e u rs “primaires” de l’inflammation (PGE2, NO, radicaux libres) par une action autoc rine et para c rine sur les cellules avoisinantes comme les chondrocytes, les cellules endothéliales et les synov i o cytes fibroblastiques. Ces dern i e rsproduisent de nombreuses cytokines pro inflammatoires, parmi lesquelles l’IL-6, l’IL-8, l’IL-16, l’IL-18, mais aussi des métalloprotéinases (27). Les synov i o cytes ont une capacité de pro l i f é ration qui ressemble par certains aspects à celle des cellules cancéreuses. Ils possèdent des caractéristiques qui se rapprochent des cellules tumorales par leur morphologie, la perte d’inhibition de contact, avec une capacité à adhérer, à envahir et à détruire le cartilage, mais aussi par l’activation de plusieurs oncogènes (27). La pro l i f é ration anormale des synov i ocytes de PR pourrait s’ex p l i q u e r, comme pour les tumeurs cancéreuses, par un d é faut d’apoptose (28). Les phénomènes d ’ apoptose sont en effet ra res dans la synoviale et pourra i e n t résulter d’une surexpression de fa c t e u rs antiapoptotiques. L’ ap o ptose induite par le système Fas/FasL ne concerne qu’un pourcentage limité de synoviocytes (20 %) et la majorité des cellules sont résistantes à l’apoptose. Cette résistance des synoviocytes pourrait donc résulter d’une surexpression de facteurs antiapoptotiques, qui restent à identifier. Dans les synoviocytes de PR comme dans les cellules tumorales il existe une augmentation de plusieurs pro t o - o n c ogènes tels que Bcl 2 , M y c, Ras, fos ou encore phospho-inositide 3 kinase (PI-3 kinase). L’intérêt s’est donc naturellement porté sur certains gènes suppresseurs des tumeurs (tumor suppressor genes), comme le gène codant pour la protéine p53. Une mu t ation dans la séquence amino-acide de la protéine p53, qui est observée dans certaines tumeurs, est également trouvée dans les synoviocytes de PR. Cette mutation de la protéine p53 contribuerait au prolongement de la durée de vie des cellules. VOIES INTRACELLULAIRES DE SIGNALISATION IMPLIQUÉES DANS LA PR Les connaissances physiopathologiques deviennent plus précises avec le démembrement des mécanismes intracellulaires aboutissant à l’activation des gènes (29). Lorsqu’un ligand se fixe sur son récepteur membranaire, il provoque une modification de conformation du récepteur qui aboutit à la phosphorylation du récepteur lui-même ou d’une enzyme associée à ce récep t e u r. Cette première phosphorylation entraîne l’activation en cascade d’autres enzymes appelées les protéines kinases, qui activent à leur tour les facteurs de transcription (figure 3, voir p. 25). Ces facteurs de transcription régulent la synthèse de protéines en agissant dire ctement sur le promoteur des gènes. L’activation des facteurs de transcription est induite par des protéines kinases qui ont une activité phosphorylante. Cette phosphorylation du facteur de transcription permet sa translocation du cytoplasme vers le noyau ou, encore, augmente son affinité pour l’ADN par changement confo rmationnel. Les principales voies de signalisation impliquées dans l’inflammation sont TRAF/IκBK/ NFκB, la voie des mitogen activated protein kinases (MAPK)/AP-1, la voie de la phospho-inositide PI-3 kinase et la voie JAK/STAT. NFκB est activé lorsqu’il est dissocié de IκB. La dissociation de ces deux molécules est .../... 22 La Lettre du Rhumatologue - n° 306 - novembre 2004 M I S E A U P O I N T .../... Figure 3. Lorsqu’une cytokine se fixe sur un récepteur membranaire, elle provoque une modification de conformation du récepteur qui aboutit à la p h o s p h o ry l ation du récepteur lui-même ou d’une enzyme associée à ce récepteur. Cette pre m i è re phosphory l ation entraîne l’activation en cascade d’autres enzymes appelées les protéines kinases, qui activent à leur tour les facteurs de transcription. MAPK = mitogen activated protein kinase ; PI 3K = phospho-inositide 3 kinase ; IKK = I kappa B kinase ; NFκB = nuclear factor kappa B ; AP-1 = activating protein 1 ; STAT = signal transducer and activator of transcription ; RTK = récepteur des protéines tyrosines kinases ; PK = protéine kinase ; ATP = adénosine triphosphate ; ADP = adénosine diphos phate ; P = phosphore ; FT = facteur de transcription. favorisée par la phosphorylation de IκB par la kinase IκB (IKK). Pour les MAP kinases, il existe trois familles : p38, Erk1/2 et JNK. Toutes les trois sont exprimées dans le tissu synovial des patients atteints de PR. L’activation de p38 induit la synthèse des cy t okines pro-inflammatoires comme le TNFα, l’IL-1, l’IL-6 et l’IL-8 soit par activation directe de la transcription des gènes, soit par stabilisation de l’ARNm. La p38 MAP kinase contrôle également la synthèse d’autres molécules impliquées dans l’inflammation, comme les chimiokines et les molécules d’adhésion, mais aussi dans la synthèse des métalloprotéinases responsables de la destruction cartilagineuse ou de la synthèse des prostaglandines. La PI 3 kinase est une enzyme induisant la phosphory l ation de lipides membranaires, phospho-inositides (PI). La PI 3 kinase est impliquée dans la prolifération et l’adhésion cellulaire, mais aussi dans l’apoptose et l’angiogenèse. Les facteurs de transcription, AP-1 et NFκB, semblent particulièrement impliqués pour deux raisons. Premièrement, ils sont surexprimés dans les synoviocytes extraits d’une synoviale rhumatoïde par rapport à ceux de la synoviale d’arthrose et cette expression est corrélée à l’activité de la maladie. Deuxièmement, AP-1 et NFκB interviennent dans des voies de signalisation qui contrôlent la synthèse de protéines part i c ipant à l’inflammation de la synoviale et à la destruction articulaire. NFκB et AP-1 régulent l’activation des gènes codant pour les métalloprotéinases (MMP), mais aussi pour les cytokines pro inflammatoires, comme l’IL-6 et le TNFα, ou des médiateurs de l’inflammation (prostaglandines), de l’angi ogenèse (VEGF, FGF, chimiokines), et du re c rutement cellulaire dans la synov i a l e (molécules d’adhésion et chimiokines). Ces molécules de signalisation représentent de nouvelles cibles thérapeutiques dans le traitement de la PR. Des inhibiteurs de p38 MAPK sont actuellement en essai thérapeutique chez l’homme. Figure 4. Immunopathologie de la PR. La PR serait décl e n chée au début par une activation de l’immunité innée par les cellules présentant l’antigène (cellules dendritiques, macro p h ages) qui favori s e raient le recrutement des cellules impliquées dans l’infl a m m ation de la synov i a l e. Une réponse immunitaire plus élaborée impliquant un antigène présent dans l’art i c u l ation (peptides citrullinés?) et un terrain génétique part i c ulier (HLA DRB*04) induirait une réponse immunitaire adaptée (Th1) avec une production d’autoanticorps (anticorps anti-CCP, fa cteur rhumatoïde). Cette réponse immunitaire se tra d u i rait par une réaction inflammatoire avec libération de cytokines telles que le T N Fα ou l’IL-1. Ces cytokines favoriseraient la production d’autres cytokines impliquées dans la destruction osseuse et cartilagineuse, mais aussi la pro l i f é ration des synoviocytes fi b roblastiques. Ce pannus envahit et détruit le cartilage et l’os. Au cours de la PR, il existe des possibilités d’intera c t ivation (soulignées par les flèches bidirectionnelles) entre la réponse immunitaire innée et adaptée qui favoriserait la pérennisation de la maladie. La Lettre du Rhumatologue - n° 306 - novembre 2004 25 M I S E A U P O I N T CONCLUSION 3. Lee DM, Friend DS, D’importants progrès ont été réalisés dans la compréhension de la physiopathologie de la PR, même si celle-ci reste complexe. Les macrophages et les cytokines pro-inflammatoires (TNFα et IL-1β) qu’ils produisent jouent un rôle essentiel dans l’inflammation et la destruction articulaire résultant de la maladie. Les lymphocytes T et B participent à l’induction et à la ch ro n i c i s ation de la réaction i n fl a m m at o i re tandis que les synov i o cytes fi b ro blastiques interviennent dans la destruction ostéocart i l agineuse en pro l i f é rant de m a n i è re incontrôlée et en libérant des cytokines et des métalloprotéinases. Les voies intracellulaires de signalisation qui contrôlent la synthèse des cytokines impliquées dans l’inflammation et la destruction articulaire sont mieux connues et représentent de nouvelles cibles thérapeutiques. Cette meilleure compréhension de la physiopathologie de la PR (figure 4, voir p. 25) est directement à l ’ o ri gine des traitements récemment développés dans la PR, comme les anti-TNFα, les anti-IL-1, le CTLA4-Ig ou l’ostéopro t é g é ri n e (figure 5), mais elle permet aussi d’env i s ager, dans un avenir pro ch e, ■ une large gamme de nouvelles thérapeutiques ciblées. Fi g u re5. Les diff é rents traitements ciblés actuellement utilisés ou en cours de développement dans la PR. * MMP : métalloprotéinases. Bibliographie 1. Sany J. La polyarthrite rhumatoïde de l’adulte: conception actuelle. Paris : J. Libbey EUROTEXT, 2003: 298 p. 2. Firestein GS. Evolving concepts of rheumatoid arthritis. Nature 2003;423: 356-61. 26 Gurish MF et al. 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