La Lettre du Rhumatologue - n° 306 - novembre 2004
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M
I S E A U P O I N T
de cette maladie. Ces anticorps anti-GPI sont plutôt observés dans
les PR associées à des signes extra-articulaires (23).
Lymphocytes T
Le rôle des lymphocytes T dans la PR est fortement suggéré par
l’abondance des lymphocytes Th1 dans la synoviale rhumatoïde
( 2 4 ) . Les ly m p h o cytes naïfs, après reconnaissance d’un anti-
gène, se différencient en lymphocytes T producteurs d’interfé-
ron γ(IFNγ), d’interleukine 2 (IL-2), ou encore d’IL-17. Cette
réponse est dite de type Th1, par opposition à une réponse “de
type Th2”, qui se traduit plutôt par une production d’IL-4. Ces
ly m p h o cytes T sont re c rutés à partir du sang péri p h é rique et s’or-
ganisent en agrégats qui ressemblent, par leur morphologie, à
l’architecture folliculaire des ganglions lymphoïdes. La plupart
des lymphocytes T synoviaux expriment à la fois les marqueurs
CD4 et CD45RO et sont donc des ly m p h o cytes T auxiliaire s
mémoires. Ces lymphocytes T peuvent être à nouveau activés
par les CPA par engagement des molécules du TCR (T cell re c ep-
t o r ),des molécules HLA D R , mais aussi des molécules de costi-
mulation comme CD28 et B7. L’activation des lymphocytes T
est sous le contrôle des lymphocytes T régulateursCD4+ et
CD25+. Ces ly m p h o cytes T régulat e u rs (T reg) sont cap abl e s
d’inhiber l’expansion clonale des ly m p h o cytes T CD4+. La
molécule C T L A 4 , ex p rimée sur les T reg 1 , i n t e ragit avec la pro-
téine CD28, exprimée sur les lymphocytes T CD4+, et induit un
message inhibiteur. Ces T reg pourraient intervenir dans la phy-
siopathologie de la PR (25). Une anomalie de la régulation des
lymphocytes T est démontrée dans un nouveau modèle murin
de PR. Des souris possédant une mutation du gène codant pour
la molécule de signalisation ZAP 70 développent spontanément
une art h rite qui re s s e m bl e,par plusieurs aspects,à la PR humaine
(26). Cette mu t ation favo ri s e rait anormalement une sélection
positive des lymphocytes T auto-immuns, qui ne devraient pas
survivre lors de son passage dans le thymus. Les lymphocytes
T sont capables d’interagir ensuite avec les cellules résidentes
comme les synoviocytes.
RÔLE DES SYNOVIOCYTES DANS LA PR
Les synoviocytes constituent le principal composant cellulaire
de la couche bordante de la membrane synoviale et sont de deux
types : les macrophages et les synoviocytes fibroblastiques. Les
p r e m i e rs ap p a r t i e n n e n t , comme les cellules dendri t i q u e s , à la
lignée monocytaire, tandis que les seconds ont plutôt une origine
mésenchymateuse. Les macrophages se distinguent des syno-
viocytes fibroblastiques par l’expression de marqueurs de diffé-
re n c i a tion tels que CD68 et CD14, des molécules HLA de
classe II et des récepteurs Fc des immunoglubulines. Les syno-
v i o c ytes m a c ro p h agi q u e s a c t i vés seraient les véri t ables moteurs
de la réaction inflammatoire en produisant deux types de média-
teurs : des médiateurs “primaires” ne nécessitant pas de synthèse
protéique tels que les prostaglandines, les leucotriènes, les radi-
caux libres et les enzymes contenus dans les granules et qui par-
ticipent de façon importante à la destruction tissulaire ; des média-
teurs “secondaires” requérant une synthèse protéique constituée
p rincipalement par les cytokines pro - i n fl a m m at o i res IL-1 et
T N F αqui induisent la synthèse de médiat e u rs “ p r i m a i re s ” d e
l’inflammation (PGE2, NO, radicaux libres) par une action auto-
c rine et para c r ine sur les cellules avoisinantes comme les
ch o n d ro cy t e s , les cellules endothéliales et les synov i o cyt es fi b r o-
blastiques. Ces dern i e rs produisent de nombreuses cytokines pro -
inflammatoires, parmi lesquelles l’IL-6, l’IL-8, l’IL-16, l’IL-18,
mais aussi des métalloprotéinases ( 2 7 ) . Les synov i o cytes ont une
c a pacité de pro l i f é rat ion qui re s s e m b le par certains aspects à celle
des cellules cancéreuses. Ils possèdent des caractéristiques qui
se rapprochent des cellules tumorales par leur morphologie, la
perte d’inhibition de contact, avec une capacité à adhérer,à enva-
hir et à détruire le cartilage, mais aussi par l’activation de plu-
s i e u r s oncogènes (27). La pro l i f é ration anormale des synov i o-
cytes de PR pourrait s’ex p l i q u e r, comme pour les tumeurs
c a n c é re u s e s , par un d é faut d’ap o p t o s e ( 2 8 ) . Les phénomènes
d ’ apo ptose sont en effet ra res dans la synoviale et pourra i e n t
résulter d’une surex p r ession de fa c t e u rs antiapoptotiques. L’ ap o p-
tose induite par le système Fas/FasL ne concerne qu’un pour-
centage limité de synoviocytes (20 %) et la majorité des cellules
sont résistantes à l’apoptose. Cette résistance des synoviocytes
pourrait donc résulter d’une surexpression de facteurs antiapop-
t o t i q u e s , qui restent à identifi e r. Dans les synov i o c ytes de PR
comme dans les cellules tumorales il existe une augmentation de
p l u s i e u r s pro t o - o n c ogènes tels que Bcl 2 , M y c,R a s , fos ou encore
phospho-inositide 3 kinase (PI-3 kinase). L’intérêt s’est donc
naturellement porté sur certains gènes suppresseurs des tumeurs
(tumor suppressor ge n e s ) , comme le gène codant pour la pro-
téine p53. Une mu t ation dans la séquence amino-acide de la
protéine p53, qui est observée dans certaines tumeurs, est éga-
lement trouvée dans les synoviocytes de PR. Cette mutation de
la protéine p53 contribuerait au prolongement de la durée de vie
des cellules.
VOIES INTRACELLULAIRES DE SIGNALISATION
IMPLIQUÉES DANS LA PR
Les connaissances physiopathologiques deviennent plus précises
avec le démembrement des mécanismes intracellulaires aboutis-
sant à l’activation des gènes (29). Lorsqu’un ligand se fixe sur son
récepteur membranaire, il provoque une modification de confor-
mation du récepteur qui aboutit à la phosphorylation du récepteur
lui-même ou d’une enzyme associée à ce récep t e u r. Cette pre-
mière phosphorylation entraîne l’activation en cascade d’autres
enzymes appelées les protéines kinases, qui activent à leur tour
les facteurs de transcription (figure 3, voir p. 25). Ces facteurs
de tra n s c r iption régulent la synthèse de protéines en agissant dire c-
tement sur le promoteur des gènes. L’activation des facteurs de
t ra n s c ription est induite par des protéines kinases qui ont une acti-
vité phosphorylante. Cette phosphorylation du facteur de trans-
cription permet sa translocation du cytoplasme vers le noyau ou,
e n c o r e,augmente son affinité pour l’ADN par ch a n g ement confo r-
mationnel. Les principales voies de signalisation impliquées dans
l’inflammation sont TRAF/IκBK/
NFκB, la voie des mitogen acti-
vated protein kinases (MAPK)/AP-1,
la voie de la phospho-inosi-
tide PI-3 kinase et la voie JAK/STAT. NFκB est activé lorsqu’il
est dissocié de IκB. La dissociation de ces deux molécules est
. . . / . . .