Pour un alter-humanisme

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Colloque de Lérins, introduction, un alter-humanisme !
Pour un alter-humanisme
« L'homme doit être au centre de l'économie et l'économie ne doit pas se mesurer en
fonction d’un plus grand profit mais en fonction du bien commun. Elle inclut la responsabilité
de l'autre et ne fonctionne vraiment bien que si elle agit de façon humaine dans le respect de
l'autre », Benoît XVI dans l’avion qui le conduisait à Madrid en août dernier.
Je dirais volontiers que tout est dit ! Cela nous ferait gagner du temps sur le programme !
Mais non j’ai trente minutes à tenir !
Tout est dit mais tout reste à déployer, car comme Benoît XVI en a l’habitude, chacun des
mots qu’il utilise est choisi pour lui-même, en fonction de son sens le plus profond. Chaque
parole est une réalité d’une grande densité qu’il convient de bien appréhender pour tirer
tout le suc de sa pensée.
L’homme doit être au centre de l’économie ! Et de fait la crise mondiale actuelle, la
crise financière, sont fondamentalement une crise anthropologique. Au fond qu’est-ce que
l’économie ? Un aspect, un espace, une modalité de l’agir humain. Quel que soit sa forme,
son soubassement idéologique ou philosophique, l’économie est fondamentalement un
ensemble d’actes humains, portés ou subis, par des hommes. L’économie en soit n’est pas
une réalité agissante. Il n’y a pas « d’être économique » comme il y a l’être humain ou l’être
pluie ou vent. L’économie n’agit pas par elle-même. Ce sont les hommes qui font de
l’économie, qui font l’économie. C’est à la fois rassurant et inquiétant. Rassurant, parce que
l’homme on connait ! Inquiétant… parce que l’homme, justement, on connait !
Dire que l’homme doit être au centre de l’économie, cela veut d’abord dire qu’il doit
bien rester l’acteur principal et en tout cas maître de l’économie. Il ne doit pas la subir, ni se
laisser faire par elle. Concrètement, tout comme la musique c’est le violoniste, sans qui la
partition ne serait qu’un joli graphique, l’économie c’est l’homme. Cela veut également dire
que l’économie est dépendante de l’agir de l’homme, lui est soumise. Autrement dit, c’est
un grave manquement à la condition d’homme que d’être soumis à l’économie. C’est
s’abaisser en dessous de soi-même, puisqu’on sert quelque chose qui doit nous servir. C’est
un grave avilissement de la dignité humaine. C’est se rendre dépendant d’une chose qui doit
normalement être en notre dépendance.
Dire que l’homme doit être au centre de l’économie cela veut donc dire aussi que
l’économie est là pour l’homme et qu’elle ne peut en aucun cas porter atteinte à la dignité
de l’homme. Or, si l’activité économique est portée par l’homme notamment dans son agir,
et si l’économie ne peut porter atteinte à la dignité humaine, cela signifie que les actes
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humains économiques doivent respecter l’homme. Ce qui fait conclure au Souverain Pontife,
« Elle inclut la responsabilité de l'autre et ne fonctionne vraiment bien que si elle agit de
façon humaine dans le respect de l'autre. »
Autre principe de l’économie, c’est un acte humain responsable et solidaire. Mais
entendons solidaire dans l’acception que nous en a laissé Jean-Paul II, notamment dans
Solicitudo rei Socialis. Il ne s’agit pas de la solidarité au sens courant du terme, mais plutôt au
sens technique. En effet, les hommes sont tellement liés entre eux que ce qu’ils font dans
leur coin a des répercussions sur les autres. Et cette interdépendance native de l’homme lui
confère une responsabilité permanente sur les autres. Cette solidarité est un fait. Que nous
en acceptions et assumions ou non la responsabilité, cela n’empêchera pas la réalité des
faits. La responsabilité consiste à accepter et à assumer cette solidarité. L’accepter n’est
toutefois pas suffisant car cela place l’homme dans l’ordre du devoir et de la nécessité
mécanique. Or cette nécessité déresponsabilise, puisqu’elle passe pour une sorte de
déterminisme. On peut intellectuellement accepter cette interdépendance sans en assumer
les conséquences. C’est-à-dire, malgré tout, mener sa vie. Être responsable,
étymologiquement, c’est répondre à. Cela signifie que nous assumons de rendre des
comptes à qui de droit. Ce « qui de droit » étant celui qui est concerné, directement ou
indirectement, par mes actes et leurs conséquences.
Dans l’ordre de l’acte économique, le « qui de droit » est donc celui qui est concerné
par mes actes économiques. Ce qui nous amène à considérer que l’acte économique induit
par nature une relation. La question est donc de savoir quelle est la nature de cette relation
entre celui qui pose un acte et le « qui de droit » c’est-à-dire celui qui est destinataire direct
ou indirect de cet acte. La forme de la relation économique est un échange entre deux ou
plusieurs acteurs. Acteurs, c’est-à-dire entre des personnes qui posent des actes. Celui de
donner et celui de prendre. Ce qui veut dire que les deux acteurs sont tous deux
responsables devant le « qui de droit » qu’est l’autre. De quoi sont-ils responsables ? De ce
qu’ils ont échangé et de la manière avec laquelle ils ont échangé. Celui qui donne comme
celui qui reçoit, sont tous deux en droit de demander compte de ce qui a été échangé et de
la qualité même de l’échange. Ce qui est dû à l’autre dans l’acte humain économique est à la
fois quantitatif (ce qui est échangé) et qualitatif (comment cela est échangé). La
responsabilité d’un acte économique porte donc sur l’adéquation entre cet acte et ce qui est
dû. Je pose un acte responsable, lorsque j’ai pris soin de cette adéquation. Je porte un acte
irresponsable lorsque je n’ai pas pris en considération cette adéquation.
L’acte économique, et au-delà l’activité économique, doit donc avoir pour norme
l’adéquation entre ce qui est fait et ce qui est dû. Toute la question est donc de savoir ce qui
est dû dans l’acte économique. Or cela s’appelle la justice. Dans son discours de carême
2010, Benoît XVI rappelait la définition de la justice : « rendre à chacun ce qui lui est dû ».
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L’économie responsable est donc une économie juste. Dit autrement, mettre l’homme au
centre de l’économie, c’est le mettre au centre d’un faisceau d’échanges justes c’est-à-dire
qui lui sont dus. L’économie est bien au service de l’homme. L’homme dans son agir
économique est donc au service de la justice. Un homme responsable dans son activité
économique est celui qui recherche la justice, c’est-à-dire ce qui est dû à tous ceux qui
seront concernés par son activité économique.
Se pose alors une double question. Qu’est ce qui est dû à qui ? Et d’autre part est-il
possible d’être également juste avec tous ceux qui seront concernés par l’activité
économique, n’y a-t-il pas des risques de conflits d’intérêts ?
Nous pouvons devoir une chose de deux façons. Soit par contrat, parce qu’on s’y est engagé
(comme rembourser ses dettes par exemple). Soit par nature, parce que la chose est due,
comme pouvoir manger à sa fin. Mais de ces deux façons, l’une repose sur un accord passé
entre deux personnes et l’autre est structurelle. Ce qui veut dire que la véritable justice n’est
pas légaliste, elle est ontologique. Et s’il y a conflit entre les deux justices, la justice
ontologique est première parce qu’elle touche à la dignité humaine.
Ce qui veut dire très concrètement que le fondement de la justice de l’activité
économique, c’est-à-dire de l’agir responsable de l’homme en économie, c’est le respect de
la dignité humaine. Elle est donc la norme ultime de l’économie et en ce sens plus encore,
l’homme est au centre de l’activité économique. Et comme c’est lui qui fait l’activité
économique, l’homme est doublement au centre de l’activité économique : comme norme
par sa dignité et comme acteur par sa responsabilité.
Or cette norme qu’est la dignité de la personne humaine n’est pas une simple règle
légaliste, elle est une réalité d’un haut prix qui précisément est le Bien Commun à toute
l’humanité, car l’humanité entière partage la même dignité. Voilà pourquoi le pape précise
« l'économie ne doit pas se mesurer en fonction d’un plus grand profit mais en fonction du
bien commun. » Jusqu’à présent nous n’avons pas parlé de morale ou d’éthique. Nous
n’avons fait que tirer des conclusions philosophiques et logiques. C’est-à-dire que
l’économie responsable, juste fondée sur la dignité humaine est une réalité observable. C’est
précisément l’adéquation entre le Bien Commun et l’activité économique qui va qualifier
moralement l’économie.
En effet, la morale qu’est-ce que c’est ? Rien d’autre qu’un chemin vers le Bien. Je
m’explique. Nous posons toujours un acte en vue d’un but. C’est pour le boire que j’achète
du vin de Lérins. Si la fin ne justifie pas les moyens elle les qualifie. Mon but est d’acheter du
vin. Tous les actes qui vont m’aider à réaliser ce but, je les considérai comme bons puisqu’ils
sont en adéquation avec le but fixé. Les autres seront mauvais. Par exemple prendre le
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bateau pour venir sur l’île est bon dans l’optique qui est la mienne. Partir en direction de
Moscou ne me permet pas d’arriver jusqu’au cellier des bons pères. Ce n’est donc pas bon
aux vues de mon but.
Est bon ce qui me permet d’atteindre mon but, est mauvais ce qui m’en éloigne. Voilà ce
qu’est la morale. Est moralement bon ce qui permet de rejoindre le but fixé est moralement
mauvais ce qui l’en éloigne. Sera moralement bonne une économie qui sert la dignité
humaine, sera moralement mauvaise une économie qui la dessert. En conséquences, seront
moralement bon les actes humains qui participeront au Bien Commun, et moralement
mauvais ceux qui n’y participeront pas.
Voilà pourquoi fondamentalement, la crise financière actuelle est une crise
anthropologique. Car la question est bien de savoir ce qui est dû à l’homme, c’est-à-dire ce
qui est bon pour lui. Encore faut-il savoir de quel homme nous parlons. Pour savoir ce qu’est
une économie qui sert l’homme, il convient de discerner ce qui sert l’homme, ce dont il a
besoin pour le maintien, la défense, la promotion, le développement de sa personne. C’est
sur ce seul socle éthique que bâtir le Bien Commun véritable est possible.
En effet, la personne humaine étant universelle, les besoins les plus fondamentaux
sont communs à tous. La justice de ce point de vue est universelle. Toutefois, la personne
humaine, comme telle n’existe pas. Nous retrouvons des personnes humaines, précises et
identifiables, toutes différentes. Ce qui veut dire que sur le fondement commun, il est, en
outre, dû des choses particulières propres à chacun. La justice n’est pas l’égalité ni
l’uniformité, mais l’équité et donc la diversité. Vouloir standardiser les besoins, comme les
produits offerts à toute l’humanité est donc contraire à la dignité de la personne humaine,
car cela ne permet précisément plus de répondre aux besoins de chacun et donc d’être
responsables. Car la responsabilité ne porte pas sur la notion de dignité humaine, mais sur la
dignité de personnes très concrètes. Modéliser l’économie à l’aide de schémas
mathématiques est déresponsabilisant dans les deux sens du terme (il rend l’homme
anonyme et indifférent), déshumanisant car l’homme n’est plus maître de l’économie, ni la
source normative de celle-ci. Car comme nous le disions au début, l’homme est imprévisible.
Imprévisible parce que capable de comportements irrationnels, mais aussi parce que
capable, par son intelligence et sa volonté de sortir de situations inouïes, où de s’y plonger
aussi.
Cette imprévisibilité, source d’une certaine instabilité, comporte de fait un risque
évident pour le bien commun. Appréhender, endiguer, prévoir ce risque est précisément le
rôle de l’Etat, garant du Bien Commun. Peut-être que dans le plus parfait des mondes, non
marqué par le péché et résolument tourné vers le Bien et vers Dieu, l’Etat n’aurait pas de
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raison d’être. Mais concrètement dans le monde marqué par le péché originel et l’égoïsme,
l’Etat est le garant du Bien Commun, face aux biens privés. Garant, cela veut dire qu’il doit
veiller à ce que le bien privé ne se fasse jamais au détriment du Bien Commun, et qu’il lui
soit ordonné. Cela veut dire qu’il est le garant de la justice et qu’il doit la promouvoir et la
rétablir au besoin.
Garant du Bien Commun, cela veut dire également que sa responsabilité porte sur la
finalité (la promotion de la dignité de la personne humaine) et sur les moyens (en respectant
lui-même la dignité humaine). Clairement, l’Etat n’est pas là pour faire à la place, mais pour
vérifier que chacun tient sa place au service du Bien de tous. Le principe de subsidiarité que
l’Europe communautaire comprend mal, prend ici tout son sens. Le fondement de la
responsabilité devant les hommes, mais aussi devant Dieu se trouve dans la personne
humaine qui seule pose des actes responsables et choisis. Toute compétence, autorité n’est
qu’une délégation de cette responsabilité de la personne humaine. L’Etat ne peut donc faire
à la place, sauf déficience extrême de la personne et des relais intermédiaires (c’est son rôle
d’assistance). Mais l’Etat doit veiller à ce que chaque personne ait les moyen d’exercer sa
responsabilité, fût-ce par délégation, c’est le principe de subsidiarité. L’échelon supérieur ne
devant faire que ce que l’échelon inférieur ne peut accomplir seul. Mais il reste garant du
Bien Commun, donc de la dignité de chaque personne humaine et donc de l’exercice de la
subsidiarité. Dans l’ordre politique, le responsable politique rend compte de l’exercice qu’il
fait de cette délégation de responsabilité que lui font ceux qui l’ont choisi ou accepté (dans
le cadre d’une monarchie non élective par exemple).
Garant, il l’est de deux façons, en prévenants les risques, notamment par la loi et en
éduquant à la responsabilité (responsabilité entendue telle que nous l’avons définie). Pour
être plus clair, l’Etat est le garant de l’éthique sur laquelle repose l’économie. Il n’est pas un
acteur économique (même si comme employeur il l’est de fait), il est celui qui donne à l’acte
humain économique sa valeur morale en garantissant l’éthique sous-jacente à l’activité
économique. Il n’est pas celui qui dit comment faire, il est celui qui donne les cadres pour
faire.
L’économie est effectivement juste quand elle est en adéquation avec la norme
éthique fixée par l’Etat, elle est bonne quand cette norme éthique est conforme au
développement intégrale de la personne humaine. Et de fait, l’essentiel de la crise actuelle
repose sur des cadres légaux, donc juste selon le droit de l’Etat, mais injuste au regard du
droit de la personne humaine.
Une fois les cadres moralement bons posés, il appartient à la responsabilité de chaque
acteur, donc nous tous, d’agir pour le Bien Commun, c’est-à-dire in fine pour le bonheur de
chacun. Lorsque nous sommes acteurs économiques, fondamentalement, nous sommes
serviteurs du Bien Commun… ou pas.
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Alors, concrètement quelle est l’éthique qui soutend l’activité économique ? Quelle
vision de l’homme avons-nous, défendons-nous ? L’activité économique et donc financière
actuelle est-elle bonne pour l’homme, tout homme et tout l’homme ? La réponse
évidemment est non. Il suffit de voir les dégâts qui nous entourent. Mais où le bas blesse-til ? Est-ce un problème de justice, c’est-à-dire que foncièrement tout ou partie du système
ne convient pas à l’homme ? Est-ce un problème d’excès et donc d’équilibre entre les
différents acteurs économiques ? Est-ce-un problème de contrôle, de régulation ?
Probablement un mélange savant de tout cela. Mais une chose apparait clairement.
L’homme n’est plus le centre, ni comme norme, ni comme acteur.
C’est pourquoi réformer, réguler la finance ne peut se faire qu’en changeant d’étalon
de mesure. Réintroduire la finalité, c’est-à-dire une direction, ce qui veut dire aussi, rétablir
le temps, le devenir face à l’immédiateté et l’éphémère. Réintroduire l’homme intégral,
c’est-à-dire, le sens de l’économie, humble servante. Réintroduire la responsabilité
personnelle, c’est-à-dire la solidarité responsable de chacun. Ce n’est pas un altermondialisme, mais bien un alter-humanisme qu’il faut prêcher. Passer de l’étalon dollar ou
or à l’étalon homme c’est-à-dire, au fond à l’étalon Christ. Car cet étalon de mesure qui
s’exprime dans les valeurs chrétiennes, porte en lui-même ce qui précisément manque au
système économique actuel, l’autorégulation. Qui vit en vérité des valeurs chrétiennes
trouve en elles-mêmes les sources d’équilibre qui donnent la tempérance aux saints. C’est
ainsi que la charité sans la vérité ne vaut pas plus que la vérité sans la charité. C’est bien la
charité dans la vérité qui est la norme chrétienne. Ce n’est tout de même pas pour rien que
notre pape qui pèse ses mots, a ainsi intitulé son encyclique à destination du monde
économique !
Cela suppose, courage, conversion, renoncement et vérité. Aujourd’hui, nous
sommes enlisés dans un système qui craque. Mais nous sommes en même temps tétanisés
par les conséquences qu’impliqueraient de saines réformes, parce que nous avons substitué
la vérité de l’avoir à la vérité de l’être, nous avons identifié l’être et le faire. Nous ne sommes
plus ce que nous sommes ontologiquement, intimement, nous sommes ce que nous faisons
et gagnons économiquement. Et ce précisément parce que ce n’est plus l’homme qui fait
l’économie mais l’économie qui fait l’homme.
Il ne s’agit donc pas de diaboliser le monde économique, ou l’Etat, comme on le voit
depuis plusieurs semaines, mais de réordonner les choses au Bien Commun, chacun à sa
place, tenant son rôle. Ordonner, en bonne philosophie, cela ne signifie pas commander,
cela signifie mettre à sa place chaque pierre de l’édifice. Mais pour ordonner, il faut savoir
où l’on veut aller et d’où l’on part. C’est bien je crois l’objet de ces journées qui ne se veulent
pas au service de l’économie ou de la finance, mais, pour citer Paul VI, repris par Benoît XVI
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en exemple dans Caritas in Veritate, au service du développement intégral de l’homme et de
tout homme.
Nous sommes à l’aube d’un changement de modèle. Que ce soit progressivement ou
violemment par une rupture qui n’est pas à exclure, le monde va changer parce qu’il a déjà
changé dans les faits. Mais, changer durablement et adéquatement, c’est-à-dire de façon
juste, le modèle économique, ne peut se faire qu’accompagné ou précédé d’un changement
de modèle anthropologique qu’il appartient au politique de promouvoir. Ce qui veut
également dire, renverser la tendance héritée de la fin du XIXème siècle qui a consisté à
sortir le monde économique de la sphère politique. Cette tendance a conduit les Etats à
donner des cadres non pas plus libres à l’économie, mais plus indépendants, ce qui n’est pas
du tout la même chose. Or, la réalité économique s’est imposée d’elle-même au monde
politique qui s’est réinvesti maladroitement dans la sphère économique. De garant de
l’éthique qu’il était, il est devenu gendarme, pompier, acteur économique. Témoins, les
programmes présidentiels de 2007 étaient presque tous des programmes de premiers
ministres et on pas de chef d’Etat. Les politiques ont été contraints de devenir des
techniciens de l’économie, alors que ce n’est ni leur domaine de compétence, ni leur
spécialité. Et de fait, nombre de décisions malheureuses ont été prises.
L’invitation du président Sarkozy à « réguler » le système et non à le réformer est
assez révélatrice du niveau auquel les politiques situent désormais l’Etat. Aussi, convient-il
de proposer un modèle économique sain, reposant sur une éthique commune au service de
l’homme et garanti par l’Etat. Clairement cela suppose une triple réflexion, sur l’homme, sur
la place de l’Etat et enfin sur la finance et donc l’économie en général. Il me semble illusoire
d’imaginer changer avec à propos, le système financier, sans mener en parallèle ces deux
autres révolutions. Il convient de « ré-ordonner » le monde à sa fin ultime, la vie intime avec
son créateur. Or, si curieux que cela puisse paraitre, cela passe par un ordonnancement de
l’agir humain dans la société. Les deux premiers commandements ne sont-ils pas
semblables ? Le respect de l’autre dont parle Benoît XVI, le devoir de responsabilité que
nous avons vis-à-vis de l’autre, s’ils visent au développement intégral de sa personne est
fondamentalement un acte de charité envers le prochain et donc envers Dieu.
C’est ça l’articulation de la civilisation de l’amour, fondée sur l’étalon Christ, sise
et ouverte sur Dieu.
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