“Portez la
Bonne Nouvelle
à toute la création”(Mc 16,15)
Lettre pastorale de Mgr Vincent Jordy aux catholiques du Jura
25 Janvier 2016
Frères et sœurs, chers diocésains,
Envoyé auprès de vous dans notre Jura, il y a près de cinq ans maintenant, jai eu de-
puis loccasion de rencontrer bon nombre dentre vous lors de temps de célébration,
de visites pastorales, de rencontres de doyennés, ou encore lors des conférences de
Carême, des récollections.
Avec vous, jai pu échanger à propos de ce qui fait la vie de notre Eglise ; avec vous
jai pu découvrir ses atouts mais aussi ses fragilités.
C’est à partir de ces découvertes, rééchissant à l’avenir de notre Eglise diocésaine
à la lumière des réexions du pape François dans La Joie de l’Evangile, que jai
souhaité vous adresser cette Lettre Pastorale qui est un des moyens par lequel un
évêque sadresse à son diocèse.
Cette Lettre Pastorale vous propose une réexion et des pistes pour permettre à
notre Eglise dans le Jura de poursuivre son chemin et sa mission. Je souhaite vrai-
ment quelle puisse vous éclairer, vous aider à rééchir an quensemble, sous la
conduite de l’Esprit Saint, nous puissions continuer à vivre de Jésus et à Lannoncer.
Sommaire
1 - D’où venons-nous ? 40 ans de changements .................................................................................................................................................... p. 3
• Un monde rural modelé par la foi
• Un changement profond
• Un changement ambigu
• Un changement qui est aussi celui de notre Eglise
2 - Où en sommes-nous ? Une transformation profonde du monde et de l’Eglise .......................p. 8
• De la crise à la mutation
• Une mutation et une transformation des territoires
• Une mutation et une transformation des relations entre les hommes
• Une mutation et une transformation qui concernent l’Eglise
• Une mutation et une transformation qui nous obligent à aller à l’essentiel
3 - Où allons-nous ? L’Eglise qui vient dans la lumière du Christ ...................................................................................p. 15
• « Sortir » pour devenir ou redevenir disciples de Jésus
1 « Sortir de soi » pour se convertir
2 « Sortir de soi » pour vivre une amitié avec Jésus
3 « Sortir de soi » pour aimer l’Eglise
• « Sortir » pour devenir missionnaires
1 « Sortir » pour la mission : dépasser ce qui nous enferme
2 « Sortir » pour porter Jésus au monde : dépasser ce qui nous retient
3 « Sortir » et dépasser ce qui pourrait étouffer notre désir d’annoncer Jésus
4 « Sortir » pour annoncer Jésus par toute notre vie : la mission assumée
5 « Sortir » pour constituer une Eglise de disciples missionnaires au cœur de la société
Conclusion .......................................................................................................................................................................................................................................................................................p. 26
D’où venons-nous ?
40 ans de changements
Il y a de cela près de 35 ans, une
ache de campagne pour les élections
présidentielles était déployée sur les
panneaux dachage de nombreuses
villes et villages de France. Elle montrait
le clocher dune église de France comme
il y en a tant. Autour de cette église et de
son clocher, des maisons accolées comme
pour mieux trouver ensemble la sécurité
et la paix. Sur l’image, un slogan : « La
force tranquille ».
Cette image et ce slogan évoquaient
alors un monde rural rassurant, stable
et paisible quaucun trouble ni aucun
changement naectaient, un peu à
l’image de la scène immortalisée par
lAngélus de Millet que lon trouvait alors
encore dans tant de nos maisons. Cette
image rappelait aussi lanité profonde,
le lien qui a uni durant des siècles le
monde rural et la foi catholique1.
Un monde rural modelé par la foi
Cette représentation et ce quelle signie
ou surtout ce quelle a signié – comme
nous allons le voir – sont le fruit d’une
longue histoire dans notre pays, mais
aussi dans notre Jura. Dépendant
durant des siècles du siège de Besançon,
la vie de foi sest d’abord développée
progressivement chez nous le long
des voies de circulation et des axes
commerciaux de ce qui deviendra notre
département.
1 Voir Danièle Hervieu-Léger, Catholicisme, la
n d’un monde, Bayard, Paris, 2003, p. 91 et
suivantes.
Elle sest ensuite répandue à partir de
hauts-lieux monastiques. On peut
songer avant toute chose à la région
de Saint-Claude et au Haut-Jura où un
enracinement monastique fort et original
va se développer dès le 5ème siècle avec
saint Romain et saint Lupicin et où
émergera, entre autres, la gure de saint
Claude2. On sait combien les monastères
et les prieurés bénédictins vont irriguer
et évangéliser tout le rural dès la n du
premier millénaire. C’est de chez nous,
de Baume-les-Messieurs et de Gigny,
que partiront les moines fondateurs de
Cluny, haut phare de la spiritualité et de
la culture pour toute l’Europe durant des
siècles.
Cette foi se développera aussi après le
traumatisme de la Révolution avec la
refondation de notre diocèse – fon
une première fois en 1742 avec la
sécularisation de lAbbaye de Saint-
Claude – et le développement dune vie
paroissiale très active et les nombreuses
congrégations féminines présentes dans
tant de lieux pour servir les malades,
les pauvres et répondre aux nombreux
besoins des personnes tout au long du
19ème siècle. Cette foi surtout nourrira
la richesse des initiatives et dune vitalité
étonnante durant tout le 20ème siècle :
2 Ainsi que d’autres gures notables et mar-
quantes pour notre territoire diocésain,
comme saint Désiré, la bienheureuse Louise
de Savoie, sainte Colette ou encore Anne de
Xainctonge. Plus proche de nous, on peut
bien entendu évoquer la gure du Père Henri
Godin, co-auteur de France, pays de mission ?,
ouvrage profondément marquant sur l’évolu-
tion de la mission en France au 20ème siècle.
Notre diocèse a souhaité lui rendre hommage
lors d’un colloque organisé le 10 octobre 2014.
1
3
cest là la source viviante de la vie de nos
campagnes pendant des décennies, de la
générosité missionnaire, de la dynamique
de lAction Catholique et de nombreuses
initiatives jusquà nos jours3.
Notre diocèse peut être er de ce qu’il a
produit comme fruits durant des siècles
et rendre grâce pour tant de fécondité
spirituelle et missionnaire. Le village de
notre ache et son clocher ressemblent à
tant de villages de notre Jura ; et, au pied
du clocher, ce village est un lieu de vie
pour les hommes, un lieu où l’Evangile a
été annoncé pendant des siècles et où il
a irrigué et irrigue encore la vie sociale,
économique et culturelle.
Un changement profond
Pourtant en près de 40 ans, il faut
bien ladmettre, la vie et le monde
parfois un peu idéalisé quévoquait
cette ache ont profondément changé.
Certes, les bâtiments sont toujours là,
particulièrement nos clochers. Mais la
vie au pied du clocher, les relations au
sein du village ont souvent bien évol
en quelques décennies. Des réalités,
des relations que lon croyait éternelles
ont été bousculées. Certains analystes
nhésitent dailleurs pas à dire que notre
monde a plus changé ces 50 dernières
années que lors des derniers 500 ans.
Bien des évolutions ont eu lieu ; bien des
événements ont ébranlé et continuent
débranler notre monde, notre pays avec
des répercussions chez nous.
3 Pensons par exemple au réseau précieux des
écoles catholiques paroissiales ou, dans un
tout autre domaine, à la création du réseau
RCF Jura si important dans un diocèse rural
comme le nôtre.
Il y a eu, avant toute chose, à la n de
la dernière guerre mondiale, la belle
espérance de la construction de l’Europe
qui fait de notre Occident, depuis près de
70 ans, un espace de paix et de fraternité.
Cette construction de lespace européen
a aussi conduit à un temps de progrès
et de croissance économique et sociale
jamais connu dans aucun moment
de l’histoire, aidé par un important
progrès scientique et technologique.
Leondrement du bloc communiste,
la n de la guerre froide et la chute du
mur de Berlin ont aussi fait naître de
nouvelles espérances de fraternité et de
développement. On a même parlé alors
de « n de l’histoire » comme si notre
civilisation avait atteint son but nal : un
espace européen consacré aux échanges
commerciaux qui donnaient à l’homme
les moyens du bonheur. On pouvait
paisiblement, semble-t-il, célébrer la
« religion du progrès » qui semblait être
innie, sans limites.
4
Un changement parfois ambigu
Ce dynamisme impressionnant a
cependant été accompagné dautres
mouvements parfois plus douloureux
et ambigus qui ont aussi profondément
ébranlé et transformé nos modes de vie.
Dès le début des années 60, un fort
mouvement dexode rural a amené
des populations entières à quitter les
campagnes pour les villes, conduisant le
monde rural à être pour certains, tout au
plus, le lieu des racines familiales, le lieu
des vacances, mais de moins en moins un
lieu de vie concrète et stable.
Dans les années 70, on a pu mesurer les
premiers échecs de la modernité et la
crise de conance dans le progrès inni
et indiscutable ; on commencera même à
parler de société « post-moderne » pour
évoquer la perte de conance dans la
rationalité.
Dans les années 80, une crise
économique a commencé à marquer
notre pays, provoquant une lente
désindustrialisation et une fragilisation
de régions entières avec son cortège de
licenciements et de paupérisation. On
a commencé à dire que « lascenseur
social ne fonctionne plus », et les enfants
savent désormais qu’ils vivront peut-être
moins bien que leurs parents. Bien des
personnes que jai pu rencontrer lors de
mes visites pastorales me témoignent
de cet état de fait et des inquiétudes
que cela provoque chez elles. Dautre
part, le développement des nouveaux
moyens médiatiques, un développement
presque eréné de la consommation
vont aussi conduire à des phénomènes
d’individualisme et porter atteinte au lien
social ; alors que lon dispose de plus en
plus de moyens de communication, notre
société « produit » de plus en plus de
personnes seules, isolées.
Dans les années 2000, le phénomène
dit de « mondialisation » ou
de « globalisation » a lui aussi
progressivement et profondément
changé les rapports dans le monde, mais
aussi entre les personnes ; notre Jura
n’y aura pas échappé. Ce phénomène
de « mondialisation » qui nous touche
a aussi des aspects ambigus. Il peut
produire le pire avec des délocalisations
aux eets dramatiques ; il peut aussi
produire un monde plus ouvert qui
met notre diocèse en lien avec dautres
cultures et dautres Eglises.
Lors de mes visites ou rencontres
pastorales, jéchange souvent avec vous
qui revenez de lautre bout du monde
où vous êtes allés découvrir dautres
visages, dautres civilisations. Lors de ces
mêmes rencontres, combien de fois ai-je
échangé avec des parents ou des grands-
parents dont les enfants et petits-enfants
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