Matthieu 2,1-12 EPIPHANIE B Pendant le Carême, nous avons l’habitude, frères et sœurs, de faire, le vendredi, de préférence, « ‘’le chemin de croix’’ », en union avec le chemin que Jésus a fait jusqu’à la croix. Si nous faisions aujourd’hui, en cette fête de l’Epiphanie, « ‘’le chemin de foi ’’ », en union avec les mages qui, eux aussi sont en chemin, en recherche du Sauveur, de celui qui doit naître ! Ils ont d’abord vu un astre se lever, et cet évènement les a poussés hors de leur pays, en dehors d’eux-mêmes . Ils se mettent en route, ils deviennent pèlerins. Comme les chrétiens, il faut d’abord qu’ils se désinstallent, qu’ils quittent l’environnement habituel pour aller chercher ailleurs, leur raison de vivre, le Sauveur de leur vie, qu’ils appellent pudiquement « ‘’celui qui vient de naître’’ » et les voilà, qui, courageusement, se mettent en route, à la recherche, à la rencontre de celui qui les attire de si loin : leur astre qui les précède. Notre astre à nous, notre étoile, c’est souvent aussi, un évènement, une rencontre, une joie ou une peine ou, pourquoi pas, le venue d’un enfant. Cela s’allume dans notre vie comme une étoile et nous voilà obligés de lever la tête, de chercher plus loin, de quitter les certitudes du passé pour nous lancer dans une aventure nouvelle. Vous aussi, dans votre vie, il y a eu des tournants dans les chemins et tout à coup, vous avez vu, découvert, une étoile nouvelle. Votre vie a bougé : quelque chose ou quelqu’un vous a désinstallé. Au départ, la lumière est encore petite…mais quelque chose en vous s’est remis à marcher. C’est un appel fragile et pas encore bien identifié. C’est la première station. - 1- Mais peu à peu, cette lumière qui nous a mis en route s’estompe, devient plus difficile à repérer, et même disparaît. Rappelezvous le peuple hébreu, parti d’Egypte et perdu en plein désert : il veut faire demi-tour et rentrer en Egypte. Heureusement, les mages nous indiquent une autre solution. Quand on est dans le pétrin, dans le fénoir, qu’il n’y a plus d’étoile audessus de nous, il faut demander conseil. Est-ce-que nous demandons conseil, ou bien est-ce-que nous n’en faisons qu’à notre petite tête ? Les mages vont encore plus loin : ils vont consulter les hommes qui possèdent la parole de Dieu, les hommes de la Bible, ceux qui connaissent ce que Dieu a dit ; et voilà les scribes et les chefs des prêtres qui donnent la bonne réponse : « ‘’C’est à Bethléem qu’il faut aller’’ ». Cette parole de Dieu, si nous la consultons vraiment, est pour chacun d’entre nous, une véritable carte routière, un guide pour ceux qui se sont lancés dans l’expédition chrétienne, se fiant, non plus à leur petite et bien pauvre expérience personnelle, comme Abraham : « ‘’ Va, je t’indiquerai un pays ’’», comme ces mages, qui sont pourtant des savants mais qui n’hésitent pas à demander conseil, à enquêter, à écouter les avis de chacun afin de trouver la vraie direction et reprendre la route. Nous aussi, frères, notre vie ne prend sens que dans la parole de Dieu transmise par l’Eglise, dépositaire de la parole et accueillie par et dans un cœur libre. C’est la deuxième station : on découvre notre route dans la parole que Dieu nous a transmise dans et par l’Eglise. Mais ne croyons pas que ce soit toujours aussi simple. Vous le savez par expérience, une aventure peut être parfois périlleuse, dangereuse, sinon elle ne serait pas une aventure. Notre histoire ne -2- serait pas passionnante, s’il ne s’y passait rien. Un roman ne serait pas attractif si notre héros n’était pas soumis à des épreuves successives qu’il lui faudra bien surmonter. La nuit du monde et les ténèbres du mal nous entourent et parfois l’étoile disparait. Pour celui qui se lance dans l’aventure de Dieu, dangers et tentations vont redoubler. Ce seront surtout ceux-là, les aventuriers de Dieu, qui seront attaqués, tentés : St-François d’Assise, le curé d’Ars, St-Ignace de Loyola, le Père de Foucauld. Satan veut d’abord décourager les meilleurs ; les autres suivront, il s’en occupera après. Hérode, Jérusalem avec lui, regardent avec un œil de travers, ces chercheurs de Dieu, alors qu’eux ils ont à la fois : l’avoir, le savoir et le pouvoir. Ils ne veulent pas les perdre. Ils veulent garder leur monopole. Celui qui se met à l’étoile de Jésus est assuré, lui aussi, de rencontrer des pièges, de se méfier des autres. Tout un univers lui devient hostile parce que l’Evangile est le contraire de l’esprit du monde. Les mages, ‘’avertis’’ au plus profond d’eux-mêmes, déjouent tous les pièges, savent démêler le bien du mal, discernent ce qui est bon pour eux et les mensonges qui font obstacles. Ils prennent la parole de Dieu qu’on leur offre: « ‘’ C’est à Bethléem qu’il doit naître ’’ » et repartent librement, sains et saufs. Ils ont traversé la nuit. D’ailleurs, après leur recherche, l’étoile reparaît. Dans nos épreuves, jamais Dieu ne nous laissera nous débrouiller tout seul. Il nous fera discerner où est notre vrai chemin. C’est la troisième station. Pour nous aussi, la lumière revient. On le sait, à la joie intérieure qui nous inonde et au lieu de prendre la route de Jérusalem, la prestigieuse, la ville-carrefour des nations, la ville sainte d’une époque révolue, ils se dirigent vers Bethléem, la petite bourgade dont Michée avait dit : « ’’Tu n’es certes pas le dernier parmi les villages de Judée, -3- car, de toi, sortira un chef qui sera le berger d’Israël, mon peuple’’ ». On ne trouve pas vraiment Dieu, dans le prestige, dans le palais, dans les cours impériales, mais dans la petitesse, l’humilité, la pauvreté, la simplicité, la fraîcheur. Chacun de nous, doit y venir un jour où l’autre. C’est là que Dieu donne rendez-vous à tout homme. Ce que notre cœur attend le plus est là, et c’est pour les mages, et c’est pour nous, le moment de la rencontre, moment de joie intense. « ‘’L’étoile s’arrêta au-dessus de la maison où se trouvait l’enfant’’ ». Pas sur le temple de Jérusalem ! Non, dans une petite case toute simple ! Et c’est pour les mages, le moment tant attendu, celui de l’adoration :’’ad-os’’ en latin ‘’être tourné vers le visage de celui que l’on aime’’, vers la bouche même de Dieu, être dans son souffle, vivre au même rythme, faire battre son cœur à la même cadence que le sien. C’est la quatrième station. Vous croyez peut-être qu’il n’y en a pas de 5e parce que lorsqu’on en est arrivé à l’adoration : ce cœur à cœur, ce côte à côte, ce bouche à bouche, on ne peut pas aller plus loin ?Il y a aussi, l’offrande, tout ce que nous avons, tout ce que nous sommes et que nous offrons à Dieu-amour, comme réponse d’amour et nous aussi nous déballons nos cadeaux pour Dieu. Ce ne sera pas de l’or, ni de l’encens, ni de la myrrhe, c’est-à-dire, des richesses matérielles, des richesses de prestige ou des parfums funéraires. C’est d’abord nous, qui nous donnons : le cadeau n’est jamais que le substitut de ce que nous voudrions donner de nous-mêmes. Toute notre pauvre petite vie devient précieuse sous le regard de Jésus-enfant. Or, encens, myrrhe : ils se donnent et nous essayons de nous donner. Si cet échange pouvait durer toujours ! Si notre vie pou-4- vait s’éterniser dans un échange de ce que nous donnons et de ce que nous recevons de Dieu et des autres. C’est la cinquième station. Vous vous dites :’’Sans doute, c’est la dernière. Nous sommes arrivés au sommet avec cette adoration et cet échange sublime…’’ Mais non, il faut repartir… Il faut continuer à vivre : le paradis sera pour plus tard. L’histoire de Jésus avec nous, quelque âge que nous ayons, ne fait que commencer ! Beaucoup d’astres vont encore se lever dans notre vie et il va falloir repartir, se remettre en route. Cependant, à chaque expédition, quelque chose a changé : il n’est plus possible de vivre comme avant, de retrouver les mêmes sentiers battus. Comme les mages, nous reprendrons un ‘’autre chemin ’’. C’est la sixième station du ‘’ chemin de foi ‘’ : notre chemin de chaque jour, le chemin de notre vie. AMEN -5-