union du général et du particulier dans la chose concrète, singulière ;lorsqu'on classe les êtres vivants par espèces et par genres, on considère que
l'individu porte en lui les caractères généraux de l'espèce. Quand on réfléchit à la démarche logique de la pensée, on peut faire le même constat :
L'espèce “homme” appartenant au “genre” mortel et l'individu Socrate appartenant à l'espèce “homme”, on peut conclure que nécessairement Socrate est
mortel. Cela signifie que les caractères généraux de l'espèce homme (l'idée ou la forme humaine) sont dans l'individu Socrate.
L’homme est cet être concret constitué par l’union substantielle de l’âme (qui est la forme) et du corps (qui est comme une matière). Le corps n’est pas
simplement matière, il est en “ acte ” union avec l’âme ; et l’âme n’est pas non plus un être complet : elle est inclination vers le corps, de sorte qu’en
l’homme – en chaque individu concret – ils sont inséparables.
Aristote restitue ainsi l’unité de l’homme, mais c’est au sein d’un univers où chaque chose concrète est composée d’une forme et d’une matière,
qui lui assigne sa place et sa fin dans l’ordre du monde.
La question de savoir d’où vient à chaque chose la forme qui constitue son être, est résolue par la philosophe scolastique du Moyen âge grâce à la
doctrine de la Création. Le monde est cet univers créé par Dieu où chaque être a sa place au sein d’une hiérarchie, déterminée par les rapports de la forme
et de la matière qui constituent son être concret.
L’homme est un animal raisonnable que Dieu a situé dans l’univers de sa création entre la bête et l’ange.
Au XVII°siècle, c’est l’application de la géométrie aux phénomènes physiques et le développement d’une physique mathématique qui oblige Descartes à
mettre en cause la conception aristotélitienne d’un univers composé de « formes substantielles », pour penser le monde comme une nature définie par
l’étendue, géométriquement analysable. La théorie des animaux machines est le corollaire du mécanisme de la nature appliqué au vivant. Dès lors,
l’homme ne peut plus être compris comme un animal raisonnable dont la nature est déterminée par sa place dans la hiérarchie des êtres, mais comme un
être qui tient toute sa dignité de l’exercice de la raison. Alors même qu’il appartient par son corps au mécanisme de la nature, son essence est constituée
par la seule pensée comme faculté de connaître l’univers et la nature des choses.
La « distinction réelle » que Descartes établit entre la pensée et l’étendue pour fonder cette nouvelle conception mécaniste de l’univers et cette nouvelle
idée de l’homme a pour corollaire le dualisme de l’âme et du corps.On sait comment Descartes résout la difficulté, en reprenant l’idée de forme
substantielle qu’il a justement contestée: Alors que pensée et étendue sont « réellement »distinctes comme deux substances, il faut admettre qu’en l’homme
l’âme et le corps sont « réellement » unis comme une substance : union de fait, incompréhensible pour notre entendement ; mais l’argument ontologique a
montré que Dieu ne pouvait me tromper. C’est Dieu qui seul peut expliquer cette union , parce qu’il m’a créé ainsi et sa « véracité » la garantit.
La réflexion de Descartes sur la connaissance laisse en suspens l’interrogation sur l’homme.
C’est avec Kant que la question : Qu'est-ce que l'homme ? est posée sous la forme « anthropologique », qui nous est soumise aujourd’hui encore:
-Comment l'homme peut-il être à la fois cet "être empirique" (dont la vie concrète semble pouvoir s'expliquer comme n'importe quel phénomène donné
dans l'expérience) et cet être qui échappe à la nature, la "transcende" par l'affirmation de son "autonomie", la capacité de se déterminer lui-même selon
une loi valable pour tous les hommes, autrement dit : un être qui affirme son humanité comme une valeur "universelle"? Seule la moralité, qui implique
la liberté de l’homme, atteste que cet être, qui appartient à la nature, en même temps la dépasse.
A partir de Kant, c’est la transcendance, dont témoigne la conduite morale de l’homme, qui constitue pour la philosophie, la véritable réponse à toute
tentative- ou toute tentation – de ne voir en l’homme qu’un être naturel.
Face à l’immense progrès des neuro-sciences qui prétendent apporter les preuves scientifiques que le processus de la pensée, qui constitue le caractère
spécifique de l’humain, n’est rien d’autre que le fonctionnement du système neuronal, la philosophie moderne fait retour à Kant.
C’est Luc Ferry qui, dans « La Sagesse des Modernes », pose ainsi la question :
« A quoi peut servir la philosophie contemporaine ? » Et voici la réponse :
« La direction est marquée depuis les Grecs, qui est celle de la sagesse. Que puis-je connaître ? Que dois-je faire ? Que m’est-il permis d’espérer ? Ces
trois questions convergent vers une quatrième, qui n’est pas « Qu’est-ce que l’homme ? », mais « Comment vivre ? ». L’éthique, non l’anthropologie
prime. »
Autrement dit clairement, la philosophie doit renoncer à répondre à la question : Qu’est-ce que l’homme ? en constituant une anthropologie, sous peine de
donner raison au matérialisme des biologistes. La philosophie des modernes ne peut être qu’une sagesse qui apprenne aux hommes comment
vivre : « vivre mieux, d’une vie plus raisonnable, plus lucide, plus libre, plus heureuse… », ce qu’on appelle une éthique.
Mais, sur quoi fonder l’éthique en l’absence d’un dieu qui révèle la vérité, garantisse les valeurs et dicte la Loi, sinon sur une nouvelle idée de
l’homme qui détienne en lui cette transcendance, qu’on attribuait à Dieu ?
« L’humanisme que je désigne ici comme transcendantal, écrit Luc Ferry, est la position « hors nature » du propre de l’homme. « Hors nature », c’est à
dire, aussi, hors des déterminismes qui régissent les phénomènes naturels. C’est affirmer le mystère au cœur de l’être humain, sa capacité à s’affranchir
du mécanisme qui règne sans partage dans le monde non humain et permet à la science de le prévoir et de le connaître sans fin. Cela se lit, chez Rousseau
et Kant, dans la définition qu’ils donnent de la liberté humaine : une faculté insondable de s’opposer à la logique, implacable pour l’animal, des
« penchants naturels ». …C’est là, enfin, ce que réaffirment à leur façon Heidegger, Levinas et Arendt, lorsqu’ils définissent l’humanitas de l’homme en