B. Engelhardt-Bitrian Economie Politique
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Chapitre 2
Le cadre d’analyse de l’économie européenne.
Introduction.
Appréhender le fonctionnement d’une économie comme la nôtre ne peut se faire, dans un premier
temps, que dans une optique macro-économique, à partir d’agrégats synthétiques. Dans ce but, il est
nécessaire de disposer d’un résumé chiffré de la vie économique de la nation, et d’un outil permettant son
élaboration : c’est le système de Comptabilité Nationale.
La comptabilité nationale fournit une description simplifiée des phénomènes fondamentaux de la
production, la distribution, la répartition et l’accumulation des richesses. Elle permet d’établir des
interactions entre les différents agrégats élaborés pour mesurer ces phénomènes.
Elle a pour fonction :
de fournir des informations statistiques sur les phénomènes économiques.
D’agréger ces données pour les analyser et fournir un diagnostic sur l’activité des périodes passées.
De permettre la mise au point de politiques économiques.
De fournir des prévisions cohérentes aux agents économiques.
Depuis 1998, la Comptabilité Nationale des pays de la zone Euro 17 à ce jour a été harmonisée.
Cette harmonisation était nécessaire pour permettre une gestion appropriée de la monnaie unique
européenne l’euro par la Banque Centrale européenne (BCE) et faciliter les comparaisons
internationales, à partir d’un cadre commun :
définition identique des acteurs du jeu économique, les secteurs institutionnels,
et des opérations (sur biens et services, de répartition, financières) qu’ils effectuent dans ce cadre,
présentation identique des documents de synthèse récapitulant l’ensemble de ces opérations sur
une période de temps donnée (le trimestre ou l’année) : Comptes des secteurs institutionnels,
Tableau Economique d’ensemble (TEE) et Tableaux Entrées-Sorties (TES).
1. Les secteurs institutionnels.
Les multiples acteurs de la vie économique ont été regroupés en grandes catégories homogènes,
les secteurs institutionnels, entre lesquels circulent des flux de biens et services (flux réels), des flux de
revenus et des flux financiers de toute nature (flux monétaires). L’ensemble de ces flux constitue ce que
l’on appelle un circuit économique.
Le Système Européen de Comptabilité Nationale (SECN) a retenu 5 secteurs institutionnels
résidents (regroupant les agents économiques exerçant de manière durable leur activité principale sur le
territoire économique de la France), auxquels s’ajoute le secteur du Reste du Monde.
Le classement d’un agent économique dans l’un ou l’autre de ces secteurs dépend de sa fonction
principale (produire dans un but lucratif ou non , consommer, financer, répartir…), et de l’origine des
ressources principales dont il dispose (ventes de produits, revenus du travail, prélèvements obligatoires,
contributions volontaires, subventions…).
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Tableau 1 : Les secteurs institutionnels
Secteur
Fonction principale
Ressources principales
Sociétés non-financières
(SNF)
Produire des biens et des services
non financiers vendus sur un
marché, à un prix couvrant au moins
50% des coûts de production
Vente de la production.
Ménages
Consommer, et, produire des biens
et des services non financiers
marchands (entrepreneurs
individuels), ou non (par exemple
production de services domestiques
par les ménages ordinaires).
Rémunération du travail
(essentiellement salaires) et
revenus du patrimoine. Transferts
effectués par les autres secteurs.
Produit de la vente de leur
production (entrepreneurs
individuels.
Sociétés financières (SF)
Institutions de crédit et
assimilées
Sociétés d’assurances
Elles comprennent les institutions
de crédit et les sociétés d’assurance.
Financer, c.a.d. collecter,
transformer et répartir les
disponibilités financières. Mettre en
rapport les agents à capacité de
financement (prêteurs) avec les
agents à besoin de financement
(emprunteurs).
Assurer, c.a.d. transformer les
risques individuels en risques
collectifs (= mutualisation des
risques) en garantissant le paiement
d’une indemnité, proportionnelle au
niveau de couverture choisi, en cas
de réalisation d’un dommage
(logique assurantielle).
Fonds provenant des engagements
contractés : Dépôts à vue, à terme,
bons de caisse, obligations… La
rémunération des services
d’intermédiation financière se fait
par prélèvement d’intérêts,
commissions et agios.
Primes d’assurances contractuelles,
cotisations volontaires des assurés.
Administrations publiques
(APU)
Produire des services non
marchands destinés aux ménages ou
à la collectivité. Effectuer des
opérations de répartition de revenu
(mutualisation des risques, logique
de redistribution verticale ex. :
ménages aisés vers ménages
modestes et horizontale ex. :
bien-portants vers malades,
célibataires vers familles…-).
Montant des prélèvements
obligatoires (impôts et cotisations
sociales obligatoires) effectués sur
les autres secteurs.
Institutions sans but lucratif
au service des ménages
(ISBLSM)
Produire des services non
marchands destinés à des groupes
de particuliers ou des ménages.
Montant des contributions
volontaires des ménages et
versements effectués par les
administrations publiques.
Le reste du monde
Secteur institutionnel fictif créé
pour regrouper les opérations entre
unités résidentes et unités non
résidentes.
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Les sociétés non financières comprennent :
les sociétés (et les quasi-sociétés privées : ex. : succursales d’entreprises étrangères en France).
Les sociétés publiques (et les quasi-sociétés publiques) de grande taille, dont la fonction est de
produire des biens et des services vendus sur un marché (ex. : Régie Renault, La Poste, Orange).
Les grandes entreprises nationales (EDF, SNCF, RATP).
Les offices publics d’HLM, les sociétés d’économie mixte, les régies, les syndicats communaux, les
établissements pour handicapés….
Les organismes privés sans but lucratif au service des entreprises (le MEDEF et autres syndicats
patronaux),
les organismes privés dont le produit des ventes au public couvre au moins 50% de leurs coûts de
production, les comités d’entreprise, les CROUS…
Le secteur des ménages rassemble :
les ménages ordinaires.
les personnes physiques vivant dans des nages collectifs (maisons de retraite, foyers pour
travailleurs, maisons d’arrêt…).
les entrepreneurs individuels, dont le statut juridique ne distingue pas le patrimoine professionnel
du patrimoine privé.
Le secteur des sociétés financières inclut :
les établissements de crédit bancaire et assimilés : Banque de France, Fonds de stabilisation des
changes, banques recevant du public des pôts à moins de deux ans, caisses d’épargne et de
prévoyance, Caisse des Dépôts et Consignations (CDC), sociétés financières et institutions
financières spécialisées.
Les Organismes de placements collectifs (OPC) qui comprennent : les Organismes de Placements
Collectifs en Valeurs Mobilières (OPCVM : Sociétés d’investissement à capital fixe, SICAF, ou à
capital variable, SICAV, et Fonds Communs de Placements, FCP) ; Sociétés Civiles de Placements
Immobiliers (SCPI).
Les entreprises d’assurances (distincts des organismes publics de protection sociale, classés dans le
secteur des Administrations publiques) : Organismes d’assurances-dommages, ou d’assurance-vie,
mutuelles complémentaires (auxquelles l’adhésion n’est pas obligatoire), Fonds de pensions.
Les auxiliaires financiers et d’assurances : courtiers d’assurances ou de crédit, conseillers en
placements, bourses de valeurs mobilières ou de placements, sociétés d’émissions de titres.
Le secteur des Administrations Publiques comprend :
L’Etat et les autres administrations centrales.
Les administrations publiques locales : régionales, départementales, municipales, et les organismes
qui en dépendent (bureaux d’aide sociale, crèches, écoles, lycées et collèges…).
Les administrations de Sécurité Sociale : régimes publics d’assurance sociale et les organismes qui
en dépendent (hôpitaux publics, cliniques privées sous contrat, œuvres sociales intégrées aux
organismes de sécurité sociale), mutuelles auxquelles l’adhésion est obligatoire (MNEF ou SMEBA
par exemple pour les étudiants), régimes directs d’employeurs (mineurs, SNCF).
Les entreprises publiques dont la production est cédée à un prix ne couvrant pas 50% des coûts de
production.
Dans le secteur des ISBLSM on classe enfin :
les cultes, les syndicats de travailleurs, les partis politiques, les fondations à caractère humanitaire,
plus généralement toutes les associations Loi 1901.
Le secteur du Reste du Monde rassemble l’ensemble des agents économiques non résidents
avec lesquels les agents des 5 secteurs institutionnels précédents entrent en relation dans le cadre de
leurs échanges, quelle que soit le secteur institutionnel auquel ils appartiennent.
2. Les opérations.
Dans le cadre de leur activité, l’ensemble des agents économiques effectue un certain nombre
d’opérations dans le cadre de leur activité. On distingue 3 groupes d’opérations :
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les opérations sur biens et services.
Les opérations de répartition.
Les opérations financières.
2.1 Les opérations sur Biens et Services.
Elles décrivent l’origine des biens et services disponibles sur le marché intérieur, et la manière
dont ils sont utilisés par les agents économiques.
2.1.1 Les ressources.
Les ressources en produits proviennent de deux sources : la production intérieure, et les
importations.
2.1.1.1 La production intérieure.
Elle est définie simultanément comme l’activité des agents résidants sur le territoire économique
de la France, permettant de fournir des biens et des services en combinant capital et travail
1
, et comme le
résultat de cette activité (les biens et services produits) :
La production est dite « marchande » lorsque les biens et services sont vendus à un prix couvrant
plus de 50% des coûts de production
2
. Elle est évaluée d’abord au prix de base, c’est-à-dire le prix
facturé par le producteur, hors taxes, augmenté des subventions sur les produits éventuellement
reçues (qui permettent d’abaisser le prix facturé des produits).
Elle est « non marchande » lorsqu’elle est composée de services proposés à titre gratuit ou à un prix
couvrant moins de 50% des coûts de production. Produits par les Administrations Publiques (APU),
ou les Institutions sans But Lucratif au Service des Ménages (ISBLSM), ces services répondent à une
logique de besoins collectifs (santé, éducation, justice, défense nationale, aide sociale, assistance aux
plus démunis, etc.). Ils sont évalués aux coûts de production (coût des consommations
intermédiaires, rémunérations des salariés cotisations sociales comprises, amortissement du capital
utilisé, impôts nets de subventions sur la production).
La production « pour emploi final propre » concerne les biens ou services qu’une unité
institutionnelle (une entreprise par exemple) produit et conserve pour sa propre consommation finale
ou sa formation brute de capital fixe
3
. Leur valeur est mesurée au prix de base des produits similaires
vendus sur le marché.
2.1.1.2 Les importations.
Les importations sont les ressources en produits provenant du Reste du Monde, et entrant
définitivement sur le territoire économique de la France
4
. Il s’agit des biens et des services fournis par
des agents non-résidents
5
à des résidents
6
.
Les importations de biens sont mesurées « coût, assurances, fret » (CAF), c’est-à-dire au prix
de base augmenté du coût des assurances et du transport jusqu’à la frontière française (ou le port ou
l’aéroport de déchargement), droits de douane non inclus. Les importations de services sont évaluées
1
Les processus purement naturels sans intervention ou contrôle humain ne font pas partie de la production.
2
Production des Sociétés Financières (SF) et non Financières (SNF), et des entreprises individuelles (EI).
3
Production des jardins familiaux destinés à l’autoconsommation des ménages, services de logement produits par les
ménages propriétaires des logements qu’ils occupent.
4
Le territoire économique de la France est constitué de la France Métropolitaine (l’Hexagone) et des départements
d’outre-mer (DOM). Depuis 1998, les Territoires d’outre-mer (TOM) sont classés dans le secteur « Reste du Monde ».
5
Agents non résidents : agents économiques dont l’activité principale s’exerce de manière habituelle et durable dans le
Reste du Monde, sans considération du secteur institutionnel auquel ils sont susceptibles d’appartenir, et quelle que
soit leur nationalité.
6
Agents résidents : agents économiques exerçant leur activité principale, de manière habituelle et durable, sur le
territoire économique de la France, quelle que soit leur nationalité.
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au prix d’acquisition (toutes taxes, marges commerciales comprises, moins les subventions
éventuellement perçues sur ces produits : il s’agit du prix réellement payé par l’acquéreur.)
2.1.2 Les Emplois.
Les emplois correspondent aux utilisations des ressources précédentes pendant la période
considérée (en général l’année civile). On distingue les emplois intermédiaires et les emplois finaux.
2.1.2.1 Les Emplois intermédiaires.
Encore nommés « consommations intermédiaires », ils sont constitués de l’ensemble des
produits transformés ou entièrement consommés, intégrés dans une production finale au cours du
processus de production (matières premières, circuits électroniques, autres biens intermédiaires,
électricité, huiles, fuel, autres produits consommables…). Tous les secteurs qui produisent utilisent des
consommations intermédiaires.
Pour calculer la production totale d’un pays au cours d’une année, il paraîtrait logique
d’additionner la production effective de l’ensemble des agents économiques. Cependant, on
comptabiliserait ainsi plusieurs fois les mêmes productions : une fois en production finale d’un agent, et
une ou plusieurs fois en consommations intermédiaires d’un ou plusieurs autres agents : en effet, la valeur
des consommations intermédiaires est intégrée au prix de base de la production finale de ces derniers.
Pour éviter cela, chaque producteur est amené à déduire de la valeur de sa production effective
(au prix de base) celle de ses consommations intermédiaires : on obtient ainsi sa valeur ajoutée, qui
mesure sa participation réelle à la création de richesse au cours de l’année.
En conséquence, au niveau de l’ensemble de l’économie :
Production effective totale de l’ensemble des agents producteurs
Total des consommations intermédiaires
(Aux prix de base)
________________________________________________________________
= Somme des valeurs ajoutées (aux prix de base)
Prenons un exemple. Soit trois entreprises :
Valeur de la production finale au prix de base : 2000 euros,
Dépenses courantes nécessaires à une campagne de pêche : 1000 euros
Valeur ajoutée : 2000 1000 = 1000 euros
La production de l’entreprise A est intégralement vendue à l’entreprise B.
Entreprise B (production et
conditionnement de filets de
poisson)
Valeur de la production finale au prix de base : 5000 euros,
Poissons acquis auprès de l’entreprise A : 2000 euros
Autres consommations intermédiaires (emballages, électricité, etc.) : 500
euros
Valeur ajoutée : 5000 2500 = 2500 euros
La production de l’entreprise B est enfin intégralement vendue à l’entreprise C.
Entreprise C (élaboration de plats
cuisinés à partir de filets de poisson)
Valeur de la production finale au prix de base : 10000 euros
Filets de poissons acquis auprès de l’entreprise B : 5000 euros
Autres consommations intermédiaires (épices, légumes, farines, électricité,
etc.) : 1000 euros
Valeur ajoutée : 10000 6000 = 4000 euros
La richesse nouvelle réellement créée par ces trois entreprises n’est pas égale à la somme de leurs
productions effectives finales (17000 euros) mais à la somme de leurs valeurs ajoutées (7500 euros) : on évite ainsi
de comptabiliser 3 fois la valeur des poissons, et 2 fois la valeur des filets de poisson, ce qui gonflerait artificiellement
la valeur de la production…
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