
La banque
d’un monde
qui change
du taux directeur (+25 pb à 3,25%) depuis août 2008 a été suivi
d’une deuxième hausse inattendue de 50 pb, décidée lors de la
réunion du 17 février 2016 pour faire face à un nouveau
fléchissement du MXN (-6,5% contre l’USD entre le début du mois
de janvier et la mi-février) et ancrer les anticipations d’inflation. Ces
mesures ont jusqu’à présent contribué à enrayer la tendance à la
dépréciation du MXN. Le communiqué de politique monétaire de
mars était globalement neutre, maintenant toutes les options
ouvertes. Banxico sera notamment attentive à l’évolution de la
politique de la Réserve fédérale américaine et s’attachera à lisser
toute volatilité financière éventuelle.
■ Resserrement de la ceinture budgétaire
Depuis la crise mondiale de 2008, le gouvernement n’a pas réussi à
atteindre l’objectif de déficit fixé à 2% du PIB (dépenses
d’investissement de Pemex comprises) conformément à la règle
budgétaire. Mais grâce à une politique budgétaire relativement
prudente, la détérioration des comptes publics a été maîtrisée
malgré une croissance économique maussade et une base
d’imposition faible : les soldes primaires et globaux se sont inscrits
en moyenne à respectivement -0,6 % et -2,6% du PIB entre 2009 et
2014. En 2015, le déficit global s’est creusé légèrement à 3,5 % du
PIB. Les recettes comme les dépenses ont augmenté de 6%. La
chute de 35% des revenus liés au pétrole a été compensée par une
hausse de 31% des rentrées fiscales, à la faveur de la réforme
introduite en 2013. Le gouvernement mexicain a mis en place,
depuis plus de dix ans, un programme de couverture des prix du
pétrole sur les marchés dérivés (options put à raison d’un coût
moyen annuel de USD 1 md). L’année dernière, le produit de ce
dispositif s’est élevé à USD 6,3 mds ; le prix du mix pétrolier
mexicain étant USD 31 inférieur au prix plancher du programme de
couverture (USD 76 le baril). Au total, la part des revenus pétroliers
dans les recettes totales a fondu à 17% contre 34% en moyenne au
cours de la dernière décennie. Par ailleurs, alors que les dépenses
courantes (salaires, retraites, transferts et subventions) ont
augmenté de 6%, les dépenses d’investissement sont demeurées
stables malgré le repli de 13% des investissements de Pemex.
L’encours de la dette du secteur public fédéral a augmenté de 11 %
par an sur la période 2009-2015. Dans un contexte de croissance
médiocre du PIB nominal, la dette publique brute a grimpé de 19
points de pourcentage à 45% du PIB, niveau le plus élevé depuis
deux décennies. La dette publique est libellée à 67% en monnaie
locale, dont 36% sont détenus par des investisseurs étrangers.
Comme ces derniers détiennent 45% de la dette publique totale, le
Mexique est exposé au risque de fluctuations du sentiment des
marchés.
La charge d’intérêts sur la dette a grimpé de 25% au cours de
l’année écoulée mais reste gérable à 9,6% des recettes totales.
Malgré le durcissement des conditions de financement, le
gouvernement mexicain continue d’avoir facilement accès aux
marchés locaux et internationaux. Les rendements des obligations
locales à cinq ans ont augmenté à partir du milieu de l’année 2013,
mais tout en restant modérés à 5,5% en mars 2016, de quoi soutenir
avantageusement la comparaison avec la plupart des pays
émergents. Les primes de risque restent modestes : les spreads de
rendements des obligations en devises à 10 ans par rapport aux
Treasuries américains s’établissaient à 270 pb en mars 2016 (130 pb
à la mi-2014), et les spreads de CDS 5 à 190 pb (70 pb à la mi-2014).
Outre la protection des recettes pétrolières en deçà de USD 49/baril,
le budget 2016 comprend une baisse des dépenses (équivalente à
1,3% du PIB) à laquelle s’ajoutent de nouvelles coupes annoncées
en février (0,7% du PIB, concentrées sur Pemex), ce qui pourrait
permettre d’atteindre l’objectif de déficit de 3% du PIB cette année.
Nous tablons sur un déficit global inférieur à 3% en 2017, à la faveur
de l’accélération de la croissance économique et d’un rebond très
progressif des prix du pétrole. Concernant la dynamique de la dette
publique/PIB, notre scénario central prévoit une hausse continue sur
la période 2016-2017 à 46% avant un repli très progressif.
■ Elever la croissance potentielle à 4% ou plus ne
semble pas envisageable à moyen terme
Les fondamentaux du Mexique sont toujours solides, soutenus par
des déséquilibres macroéconomiques raisonnables (inflation, déficits
jumeaux, dettes publique et extérieure), une politique économique
plutôt prudente et coordonnée, un système bancaire sain et une
faible exposition directe au ralentissement de la Chine. La
détérioration du contexte mondial a néanmoins levé son tribut et
retardé le « décollage » du PIB réel du Mexique. Le pays pourrait
accroître sa croissance potentielle à moyen terme d’au moins 1 pp
au-dessus de 3,5%, pour peu que les réformes structurelles
engagées en 2012 (marché du travail, télécommunications,
concurrence, éducation, sécurité sociale, système politique et
électoral, secteur financier, fiscalité et, surtout, énergie) soient mises
en œuvre avec succès.
Il sera néanmoins difficile de porter la croissance potentielle à 4% ou
plus, compte tenu de l’important contre-choc pétrolier et des
incertitudes entourant les perspectives mondiales. Les coupes
sombres dans les plans d’investissement des majors pétrolières
compromettent à présent la réalisation de l’objectif consistant à
attirer de nouveaux investissements à hauteur de 1 pp de PIB d’ici à
2020. Le potentiel de croissance du Mexique se heurte également à
un climat des affaires difficile. L’administration doit désormais
s’attacher à faire respecter l’Etat de droit, notamment au niveau local.
Sylvain Bellefontaine
3- Rendements des obligations d’État à 5 ans (%, annuel)
▬ Mexique — Chine ▬ Inde — Russie ▬ Turquie — Brésil (4 ans)
0
2
4
6
8
10
12
14
16
18
05/13 11/13 05/14 11/14 05/15 11/15
economic-research.bnpparibas.com Mexique 2ème trimestre 2016 20