Community interest company

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Community Interest Company
Un projet de statut pour l’entreprise sociale
au Royaume-Uni
Marcel Hipszman
IDES
1. Le contexte
A l’origine du projet de Community interest company (CIC) qu’on pourrait
traduire par société d’intérêt général (S IG ), on trouve une initiative
gouvernementale britannique sous la forme d’un document publié par le
gouvernement en septembre 2002 qui, entre autres propositions, concernant
divers aspects du cadre légal et réglementaire des « charities » et du secteur
associatif en général, recommande la création d’un nouveau statut juridique qui
devrait permettre de combiner dynamisme entrepreneurial et utilité sociale et
ciblé sur la satisfaction des besoins au niveau local, d’où le terme community.
Selon les propres termes des ministres britanniques :
– Patricia Hewitt, ministre de l’industrie et du commerce :
« Il s’agit de redonner du pouvoir au niveau local. Les C IC vont permettre à
ceux qui ont l’esprit d’entreprise et le souci de l’intérêt général de donner leur
mesure, en créant ou développant des services au niveau local, là où ils sont
les plus nécessaires. Un nouvel élan sera ainsi donné à la création d’entreprise
dans les régions les plus déshéritées du Royaume-Uni. »
– David Blunkett, ministre de l’intérieur :
« Les C IC ouvrent une voie nouvelle à l’entreprise sociale et au développement
local dans ce pays. Ils devraient faire sauter les obstacles qui, dans la législation
sur les charities et les sociétés, empêchent de satisfaire les besoins sociaux. »
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« Je veux que le cœur des villes et les zones industrielles anciennes ne soient
plus considérés comme des zones d’exclusion économique ou des zones à
problèmes, mais comme de nouveaux marchés où l’activité économique puisse
prospérer. »
Les objectifs
A partir du constat que l’entreprise sociale revêt différentes formes juridiques,
parmi lesquelles certaines sont agréées comme « charities », il apparaît nécessaire
néanmoins de combler une lacune, en créant la CIC.
En effet, la création d’un organisme à but non lucratif peut s’avérer longue et
complexe et le statut de société n’offre pas par ailleurs de garantie quant à la
conservation des actifs et du résultat au sein de l’entreprise.
– Le but des CIC n’est pas de remplacer les services essentiels assurés par les
collectivités publiques : écoles, hôpitaux par exemple ; mais de répondre à des
besoins nouveaux ou compléter les services publics locaux existants.
– Ce nouveau statut devrait permettre de faciliter le financement des entreprises
sociales dans les zones déshéritées, dans la mesure où la société est une forme
juridique relativement simple et bien connue, et donc rassurante pour les
investisseurs.
Le nouveau statut :
ses principales caractéristiques
Il obéit d’une façon générale aux règles concernant les sociétés (Companies
Act de 1985), avec toutefois un certain nombre de caractéristiques spécifiques
en ce qui concerne :
L’objet de la C IC
Il doit répondre à un besoin d’intérêt général au sens de bénéfice, d’avantage,
d’effet positif apporté à la collectivité localement ou à l’intérêt général au sens
le plus large. Les partis politiques ou les organisations militantes (au sens
politique du terme) dont l’objet n’est pas l’intérêt général proprement dit, ne
peuvent en conséquence adopter ce statut.
Le caractère d’intérêt général reconnu par l’autorité responsable de l’agrément
(regulator) ne se fonde pas sur des critères très précisément définis. Il est fondé
sur l’appréciation que pourrait en avoir a reasonable person autrement dit « un
être doué de raison », « une personne de bon sens ».
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C’est donc au régulateur de se faire sa propre opinion au vu des éléments en sa
possession, pour déterminer si oui ou non la CIC se qualifie au regard de l’objet
d’intérêt général.
La procédure est, de ce point de vue, moins contraignante que celle qui s’applique
aux charities qui, pour apprécier l’éligibilité, se référeront principalement à la
jurisprudence (case law). Il est toutefois prévu que le régulateur précise les
modalités d’agrément dans un document public.
L’affectation du patrimoine et des résultats
Le patrimoine et les bénéfices de l’activité doivent être affectés uniquement en
principe à la poursuite de l’activité d’intérêt général.
Toutefois, il n’est pas exclu d’affecter une partie des actifs en garantie de concours
financiers. De même, une CIC pourrait émettre des actions négociables et servir
des dividendes dans la limite d’un taux défini.
Ces actions ne pourront cependant pas permettre à leurs détenteurs d’avoir le
contrôle de la CIC.
L’évaluation de l’activité
Outre les obligations habituelles de publicité des comptes applicables aux
sociétés, la CIC a l’obligation d’établir à l’intention du régulateur un rapport
annuel succinct portant sur l’activité de la CIC au regard de ses objectifs et
également sur la participation des parties prenantes (stakeholders), usagers,
bénéficiaires, etc., à cette activité.
Participation des parties prenantes (stakeholders)
L’accent est mis sur la satisfaction des besoins des parties prenantes. A cet
égard, les dirigeants des CIC – sauf les petites CIC – sont dans l’obligation
statutaire de consulter les parties prenantes.
En outre, lorsque les CIC sont chargées d’assurer des services publics, elles
doivent permettre aux parties prenantes (les usagers notamment ) de participer
à la gestion de ces services.
Dévolution des actifs
Les CIC ont la possibilité de transférer une partie de leurs actifs (surplus assets)
à d’autres CIC ou à des charities, à condition que les organismes bénéficiaires
soient indiqués dans leurs statuts et que l’ensemble des parties prenantes et le
régulateur aient donné leur accord.
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Le contrôle de la C IC
Une autorité de contrôle (« regulator ») est prévue dont le statut et les moyens –
notamment en personnel – restent à déterminer.
C’est à cette autorité qu’il reviendra de statuer sur les demandes d’agrément et
donc de déterminer si les critères d’éligibilité sont remplis. De même, lui
reviendra-t-il de traiter les plaintes fondées sur les manquements de la CIC à ses
obligations statutaires et de les sanctionner au besoin.
Ce n’est pas, par contre, son rôle d’intervenir dans la gestion de la C IC en cas de
difficultés. La CIC relève de ce point de vue des règles en matière d’insolvabilité
applicables aux sociétés.
Cependant, en cas de liquidation, le boni de liquidation éventuel bénéficiera à
une autre CIC ou à une « charity » et non aux membres de la C IC, qui ne pourront
pas se le partager.
Le statut fiscal de la C IC
La CIC ne bénéficie pas du régime d’exonération des charities.
Avantages et inconvénients
La proposition du gouvernement britannique vise bien à offrir une alternative à
la charity puisque aussi bien une entreprise sociale aura le choix entre adopter
le statut de CIC ou celui de charity et qu’une charity pourra éventuellement se
transformer en CIC. Qui plus est, une charity devrait avoir la possibilité de créer
une CIC et d’en avoir le contrôle ; également d’investir dans une CIC sans pour
autant en être actionnaire.
La proposition du gouvernement britannique vise à faciliter le financement des
entreprises sociales. En effet, la CIC, outre le fait d’offrir un statut plus attractif
pour les investisseurs, bénéficiera également des possibilités offertes aux
charities de recevoir des dons et des subventions publiques.
Ce nouveau statut présente à plus d’un égard des similitudes avec des initiatives
dans le même sens dans d’autres pays de l’Union européenne (Belgique, France).
Il est difficile, en l’absence d’éléments plus précis, de dresser une comparaison,
notamment avec la SCIC. Le statut C IC semble en tout cas offrir plus de souplesse
que celui de Scic.
Par contre, il pose très clairement un problème de concurrence avec la charity
dont le secteur associatif est préoccupé.
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NCVO 1 met en particulier l’accent sur les zones d’imprécision de la proposition
gouvernementale, notamment en ce qui concerne la distinction entre les deux
statuts au plan juridique comme dans la pratique.
En définitive, NCVO accueille plutôt positivement cette proposition, considérant
qu’elle se situe dans une démarche visant à favoriser le développement du secteur.
Le statut de CIC devrait en effet permettre au « non-profit sector » d’accéder à
des financements nouveaux et plus diversifiés. Toutefois, la croissance ne
bénéficiera pas également à toutes les organisations et certainescharities risquent
d’être désavantagées à cet égard. n
Débat
è Jean-Pierre Worms : Un double objectif se pose : trouver un statut légal
fiscal pour légitimer une activité marchande non lucrative et trouver des
financements privés pour l’intérêt général. Quels problèmes pose cet
investissement privé ? Quels intérêts y trouvent les investisseurs privés ?
u Marcel Hipszman : L’exemple des nouveaux philanthropes de la Silicon
Valley qui souhaitent favoriser des entreprises qui vont marcher, sans forcément
en retirer un bénéfice financier (direct) important.
u Francis Houben : En Belgique, un dividende limité est possible.
u Thierry Guillois : La question posée par Jean-Pierre Worms est fort pertinente,
c’est le cœur du problème du financement des entreprises sociales. A noter
qu’en France il existe le titre associatif.
u Jacqueline Mengin : Il faut agir localement et attirer les financements locaux.
Il n’y a pas d’illusions excessives à se faire.
u Yannick Barbey : Quels liens entre produits financiers et produits éthiques ?
Il faut mettre en avant le local et l’action locale.
u Christophe Boyer : Il faut également envisager le rapport entre le don et
l’action. Un pouvoir est rattaché à l’action et non au don. Serait-ce envisageable
de penser un marché de l’action solidaire ?
1. NCVO : National Council for Voluntary Organisations.
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u Marcel Hipszman : Pouvoir, oui mais limité.
u Maurice Lefeuvre : Il ne faut pas dissocier le financement, la nature de
l’action produite, le statut des acteurs et le rapport avec les pouvoirs publics. Le
poids de l’histoire imprègne les modèles actuels.
u Thierry Guillois : Pour conclure, il faudrait donc emprunter chez le voisin
ce qu’il y a de plus intéressant en délaissant le moins intéressant. La dimension
coopérative apparaît comme plus ou moins obligatoire et il faut avoir la
possibilité de recourir aux dons et aux legs. Il serait donc judicieux de s’appuyer
sur les trois statuts présentés aujourd’hui. n
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