PROPRIÉTÉS ARITHMÉTIQUES DE CERTAINES FAMILLES DE

PROPRIÉTÉS ARITHMÉTIQUES DE CERTAINES FAMILLES
DE COURBES ALGÉBRIQUES
A.
NÉRON
1.
Introduction.
Rappelons l'une des nombreuses formes de l'énoncé du théorème d'irré-
ductibilité bien connu de Hilbert [4]:
,,Soit u une application rationnelle d'une variété algébrique V sur une
variété linéaire U de même dimension et supposons qu'il existe un même corps
algébrique fini k sur lequel V, U et u soient définies. Pour un point M générique
-i
de u sur k, supposons que les composants de u(M')
soient
irrationnels
sur
k
(M).
Alors il existe une infinité de spécialisations
M'
rationnelles sur k de M telles
-i
que u(M') soit défini et que ses composants soient irrationnels sur
k".
Diverses généralisations de ce théorème ont été obtenues depuis Hilbert.
En particulier, les travaux de W. Franz [3], Eichler [2],
Inaba
[5] et, plus
récemment, F. K. Schmidt et G. Preuss [8] ont mis en évidence l'existence de
différentes catégories remarquables très étendues de corps k pour lesquels le
théorème reste valable.
Le théorème d'irréductibilité est, par ailleurs, étroitement rattaché à
certains problèmes relatifs aux points rationnels sur les courbes algébriques.
En particulier, on peut l'utiliser pour la recherche de courbes de rang élevé sur
un corps algébrique donné, en l'appliquant au cas où U est la variété de
paramètres d'une famille de courbes convenablement choisie; j'ai obtenu, par
ce procédé, des courbes de genre 1 et de rang 10 et, pour tout entier g
^>
2,
des courbes de genre g et de rang
J>
3 g + 6 sur le corps des nombres rationnels
[6].
Dans le but d'améliorer ces valeurs, je me suis demandé s'il existait un
théorème analogue au théorème de Hilbert dans lequel U soit remplacée par
une variété autre qu'une variété linéaire (ou unicursale) et possédant suffisam-
ment de points rationnels sur k. J'ai obtenu une réponse affirmative à cette
question dans le cas où U est une courbe de genre 1 (ou, plus généralement, une
variété abélienne) et déduit de là l'existence sur le corps des nombres ra-
tionnels de courbes dont le rang atteint des valeurs supérieures d'une unité aux
précédentes, c'est-à-dire 11 pour g = 1 et 3g + 7 pour
g^2.
2.
Un résultat préliminaire.
481
Lemme. Soient E et F deux espaces numériques réels (resp. complexes) et
soient G et H des sous-groupes de type fini de E et F respectivement. Soit f une
fonction analytique
réelle
(resp. complexe) définie sur une partie compacte E de E,
à valeurs dans F et qui
n'induit
une fonction polynomiale sur aucune droite de E
recontrant
E. A tout a e G associons sa décomposition a =
2^#z-
suivant une
base
{aii
(i =
l,
r)
de G et à tout b e H associons sa décomposition b =
S^-ö-
suivant une
base {b3} (j
= 1, . . . s) de H. Soit
Q
un nombre réel
positif.
Pour tout
entier N soient cp(N) le nombre des points de G
Ci
E tels que:
(1) |
pi
|
<^N
pour tout i
et
ip(N)
le nombre de
ces
mêmes points pour lesquels de plus b = f(a) appartient à
H et satisfait à
(2) |
qj
|
^
Ne
pour tout
j
Alors il existe un nombre réel
a
(0 < a < 1) tel qu'on ait:
ip(N)
^cp(N)a
dès que N est assez
grand.
On peut se borner au cas réel, se ramener par projection au cas où F est
une droite, supposer que G n'est pas contenu dans un sous-espace de E distinct
de E et qu'on a r > n, en désignant par n la dimension de E.
Pour tout entier N, notons
@(N)
l'ensemble des points de G qui satisfont
à (1) et
par Jf
(N) le sous-ensemble de
@(N)
formé des points a tels que b=f (a)
appartienne
k
H et satisfasse à (2). Une étude élémentaire de l'ensemble
@(N)
permet de montrer qu'il existe des constantes réelles positives
2V0,
ß0
et y
telles qu'à tout entier N
^
N0
et à tout nombre réel positif ß
^
ß0
on puisse
associer un point
a(N,ß)
de G possédant les propriétés suivantes:
(I) L'ensemble
@*(N,ß)
des multiples entiers m. a(N,ß) de ce point
tels que
(3)
m^Nß
est contenu dans
&(N)
(II) On a
(4)
\\a{N,ß)\\
^N-y
où
11
|| désigne la norme définie par la plus grande des valeurs absolues des
coordonnées dans E
(III)
On peut recouvrir
@(N)
D E par des ensembles deux à deux sans
point commun déduits de
@*(N,ß)
par des translations de manière que le
nombre des points de la réunion de ces ensembles soit
^ 2cp(N)H '
Supposons la proposition
fausse.
Alors, quel que soit a, on peut trouver une
suite infinie croissante d'entiers
Nlt N2
. . .
Nk
. . . telle qu'on ait. pour tout
k,
f(Nk)
>
<p(NX
482
Ir n \
l
N
Prenons ß < inf
I
,
ß01
et a > 1 r
D'après (III), il existe, pour tout k, un sous-ensemble
J^k
deJ^(Nk)
déduit
d'un sous-ensemble de
&*(Nk,ß)
par une translation définie par un élément
dk
de E et dont le nombre des éléments est
^
K
Nk
où
K
désigne une constante
positive et où l'on pose ô =
ß
(r
n) (1
—-a).
On peut supposer que / admet un développement en série convergent dans
tout E. A toute droite D de E rencontrant E et à toute représentation para-
métrique de D de la forme a =
eu
+ d, avec c e E, \\c\\ = 1 et d e E, associons
la fonction
co
induite par / sur D. Par hypothèse, cette fonction n'est jamais un
polynôme.
En utilisant un recouvrement fini convenable de l'ensemble des points c x d
dans E xE, on voit qu'on peut trouver une constante réelle positive
f
et un
nombre fini d'ensembles
é>h
=
{Ivh}
(v = 1, . . . s) de s entiers positifs satis-
faisant aux conditions suivantes:
(F) pour tout couple {h, v}, on a
(5)
K,n-K-i.H>-
y
(II') A toute droite D rencontrant E on peut faire correspondre un h tel
que,
pour la fonction
fD
correspondante, on ait
(6)
Aiv,h^
£
Pour
tout v
Posons
J=
sup^
(h,
n)-
Appliquons ce qui précède à la droite
Dk
qui
co
contient3tf?h,
en prenant d =
dk.
Posons
fDk(u)
=
]£
Ax,ku*-
Soit
âh
l'ensemble
À=Q
d'entiers correspondant. Nous écrirons pour simplifier
lv
au lieu de
lvh
.
Pour tout a
e
J4?k
et pour tout
l
<
/,
o
i
a une relation de la
forme
où
rj
est une constante indépendante des entiers
l
et k, et où
Qz
est le
polynôme
défini par
Qt(m)
- J
-^A,&
m^» avec
(8)
~°
B^
=
4,ifc
||
a(iVfc,
0)||A
Supposons
ß
assez grand pour que
Nôk
^ l +
s et considérons, pour tout
i>
et pour tout ensemble
{a^} (p
= 1, . . .
/^)
de
Z^
= /y -f s
points de
^k,
la
matrice carrée d'ordre
lv
dont les éléments de la
/u ième
ligne sont les entiers
9,K)
(7 =
1.
s)
et
[w(<g]A
(A
= 0, 1, . . .
lv
- 1)
483
Si le déterminant de cette matrice est
•=£
0 pour un choix convenable de
l'entier v et de l'ensemble
{a
},
on peut trouver un ensemble d'entiers {t } tels
que 'EfXtqi(afl) = 0 pour tout
/
et que
S/^
[*»(*,,)]*
soit ^
0 pour
1
=
lv_x
et nul pour toute autre valeur <
lv.
En combinant linéairement les relations (7)
correspondant aux différents
a^
pour t =
tv,
on obtient
B^-i I
S^(m(^))^-i|
^ ,
N*/™
S | t„
|
Or on peut supposer les
t
choisis tels que
|
*,
|
<£
sup^
|
qó
(aß)\°
suP|l
|
m(aM)\ilvil^1)
pour tout
pt
et tout v. Compte tenu des relations (2), (3), (4), (6) et (7), on
obtient
où
œ
est une constante réelle positive et où
Cv
=
y(K-
*_i)-*e-W,
+
i)
Ceci est contradictoire pour k assez grand si on a pris ß assez petit pour que
les
Cv
soient tous strictement positifs.
Si le déterminant de la matrice précédente est toujours nul, il existe pour
tout v une relation
£(?!
-9s)
=
K(m)>
où L est une forme linéaire et
Rv
un
polynôme
de degré effectif
tv,
satisiaite par
tout point
deJ^k.
Par élimination des
qjf
on en tire une relation algébrique
R(m) = 0 satisfaite par tout a
e
J^fk
Ceci est contradictoire avec le
fait
que le
nombre des points de
J^k
tend vers l'infini avec k.
3.
Une variante du théorème d'irréductibilité.
Théorème
1.
Soient A et B deux variétés abéliennes, u un homomorphisme
de A sur B, et W une sous-variété non
abélienne
de A de même dimension n que B
telle queu(W)
ait pour support B. Supposons que A, B,W
etu
soient définis sur un
même
corps
algébrique fini k et
que
B
possède
une infinité
de
points rationnels sur k,
non contenus dans une sous- variété
abélienne
de B. Pour
tout nombre réel
h
soitcp(h)
-i
le nombre des points M de B tels que l'intersection u(M). W soit définie et dont la
hauteur
f1)
est inférieure à h et soit
%p(h)
le nombre de ces mêmes points pour
x)
Rappelons qu'on appelle hauteur d'un point algébrique M de l'espace projectif
Pn,
dont les coordonnées x ( = 0,
1,
. . . n) sont des entiers d'un corps algébrique fini
k
l'expression
h (M)
définie par
(A(Af))<= (Nco)-i iT0(sup,.|4|)
ou d désigne le degré
eie
k,
œ le p.g.c.d. des
x%
et
sa norme relativement à
k
et où le
produit n
est étendu à tous les isomorphismes de
k
dans le corps des nombres complexes.
Cette notion, due à Weil [10] est équivalente à celle de complexité, introduite auparavant
par Northcott [7].
484
lesquels de
plus
Vun des
composants de u(M). W
est
rationnel sur k. Alors, quel que
soit le nombre réel positif e, on a
ip(h)
<
ecp(h)
dès que h est assez
grand.
On sait que toute variété abélienne est en correspondance analytique
biunivoque avec un tore muni d'une structure complexe. On sait, d'autre part,
d'après Weil [9], que les points rationnels sur k d'une variété abélienne définie
sur k forment un sous-groupe de type fini de cette variété. Soient donc T=E/G et
U =
FjH
les tores respectivement associés à A et B, où l'on désigne par E et
i7
des espaces numériques complexes et par G et H des sous-groupes convenables
de ces espaces. Les images dans T et U des groupes des points rationnels sur
k de A et B respectivement peuvent être représentés par des sous-groupes de
type fini
G'
et
H'
de E et F.
Soit
B0
le sous-ensemble algébrique de B comprenant d'une part les points
-i
M en lesquels u(M) . W n'est pas définie, ou admet des composants multiples,
d'autre part les images par
u
des sous-variétés abéliennes de A contenues dans
W (on peut, par récurrence sur n, exclure le cas où il existerait une infinité de
telles sous-variétés, nécessairement déduites de l'une d'elles par des transla-
tions,
dont la réunion recouvre W).
Le tore T (resp. U) est en correspondance biunivoque naturelle avec le
parallélotope
T' (resp. U') construit avec les éléments d'une base arbitraire de
G
(resp.
H). Soient
W,
B'Q,
U'
les images respectives de W,
BQ,
u dans T',
U'
et
T' x U'. Soit y un nombre réel > 0 et soit
T'Q
l'intersection de T' avec la
réunion des cubes de côté y centrés aux différents points de
B'Q.
On peut appliquer le lemme du § 2 aux espaces E et F, à leurs sous-
groupes respectifs G +
G'
et H + H', au sous-ensemble E =
T'
T'Q
de E
et à chacune des fonctions qui font correspondre à tout
ae
E l'un des compo-
ni
sants de
u'(a)
O W
On prend ensuite y suffisamment petit et l'on tient compte
des propriétés de la notion de hauteur (voir [6], Chap. III).
Théorème 2. Soient V une courbe de genre
^
2, B une courbe de genre 1,
et v une fonction rationnelle sur V non constante, à valeurs dans B. Supposons que
V, B etv soient définis sur un même corps algébrique fini k. A tout K associons le
nombre
cp(h)
des points M de B rationnels sur k et de hauteur
^
h et le nombre
-i
ip(h)
de ces mêmes points pour lesquels de plus l'un des composants de
v
(M) est
rationnel sur k. Alors, quel que soit le nombre réel positif s, on a
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