
LA TOLERANCE DES SILICONES
Les Silicones (poly-dimethyl Siloxane) sont des molé-
cules hydrophobes. D'abord utilisés en médecine pen-
dant la seconde guerre mondiale pour la lubrification
des pistons de seringue [17], ils ont vu leur utilisation
s'étendre rapidement sous forme liquide, de gel, semi-
solide ou solide (tubes, drains, prothèses). On les utili-
se en urologie sous formes de tubes dans les prothèses
péniennes, les sphincters artificiels, les matériels de
dialyse (pompes à galets), sous forme de gel dans les
prothèses testiculaires. Ces dernières ont un schéma de
construction analogue à celui des prothèses mammaires
: une enveloppe en silicone solide entourant un coeur
en gel de silicone.
Tolérance locale des Silicones
Dès sa mise en place le silicone est recouvert d'une
couche de protéines (albumine, immunoglobulines et
complément, fibrinogène). Celles-ci sont absorbées et la
liaison se fait de manière si forte qu'elles ne peuvent être
détachées, même avec de puissants détergents [12). Ces
liens pourraient modifier la structure même des pro-
téines en les déplissant et ainsi faire apparaître de nou-
veaux motifs antigéniques [31]. Une réaction inflamma-
toire apparaît autour de la prothèse, sans qu'il y ait de
contact direct entre les cellules inflammatoires et la sur-
face du silicone, ce qui explique l'existence d'un plan de
clivage évident autour de l'implant. Localement on note
une réaction inflammatoire chronique, avec des granu-
lomes à corps étrangers, des macrophages, des fibro-
blastes. Ces derniers forment autour de la prothèse une
pseudo-capsule où l'on retrouve des fragments de silico-
ne tant à l'intérieur des cellules qu'entre elles [33], ainsi
qu'au coeur de volumineux granulomes à corps étran-
gers. Une telle pseudo-capsule a été retrouvée autour
d'implants péniens ou de sphincters artificiels [29].
La réaction inflammatoire locale, en particulier par l'in-
termédiaire de phénomènes d'oxydation locale (radi-
caux libres), altère à sont tour progressivement la paroi
prothétique ("environmental stress cracking") [31]. La
FDA estime que de telles ruptures sont présentes chez
environ 5% des patientes porteuses de prothèses mam-
maires [21] avec une fuite progressive du gel de silico-
ne dans le milieu péri-prothétique ("bleed") [14].
Les fragments de silicone ainsi libérés sont phagocytés
par les macrophages. On peut les mettre en évidence
dans des ganglions lymphatiques de voisinage [30] ou
plus distants.
On peut observer des réactions inflammatoires chro-
niques, contenant des particules de silicone après une
exposition transitoire si elle est répétée; c'est le cas des
patients hémodialysés (tubes en silicone des pompes à
galet) chez lesquels ont retrouve des particules de sili-
cone dans des foyers de nécrose hépatique, dans la rate,
la moelle osseuse, le parenchyme pulmonaire [22].
Les prothèses en silicone sont-elles un facteur de
risque de maladie auto-immune?
On a publié dès les années quatre-vingts plusieurs cas
isolés de patientes présentant diverses maladies auto-
immunes après mise en place d'implants en silicone
[19, 32]. Des éléments immunologiques tels que la pro-
duction d'anticorps anti-silicone [20], la modification
des motifs antigéniques des protéines liées au silicone
[31], sans être parfaitement concluants, donnaient une
base rationnelle à l'hypothèse de l'induction de mala-
dies auto-immunes par les implants de silicone.
La présence de silicone dans les sites d'inflammation
chronique de 3 patientes souffrant de sclérodermie
(membrane synoviale, peau, macrophages alvéolaires)
et surtout leur nette amélioration clinique après abla-
tion des prothèses mammaires rendait cette hypothèse
tout à fait crédible. Les auteurs ont d'ailleurs recom-
mandé l'ablation en cas de maladie auto-immune de
toute prothèse contenant du silicone [30].
Ce type de recommandation, la décision de retrait de ce
type de prothèse par la FDA, la couverture que les
médias en ont faite, ont eu de lourdes d'implications
pratiques comme par exemple la diminution du pour-
centage de femmes satisfaites de leurs implants (un à
deux millions aux États Unis depuis 1960) ou l'induc-
tion de poursuites judiciaires [27].
Cependant en 1994 la première grande série rétrospec-
tive comparait 749 femmes ayant reçu un implant
mammaire contenant du silicone à un groupe contrôle
composé du double de patientes sans implant et ne
montrait pas d'association entre l'implant et l'apparition
d'une maladie auto-immune [18].
On ne peut donc pas démontrer actuellement de lien
entre maladie auto-immune et silicone. Cette éventua-
lité toute hypothétique est cependant reprise dans la
plupart des notices des fabriquants, en particulier pour
les prothèses testiculaires dont la structure est analogue
à celle des prothèses mammaires.
Les prothèses en silicone sont-elles un facteur de
risque de cancer?
L'injection de gel de silicone dans certains modèles
animaux, induit l'apparition de sarcomes [26] ou de
myélomes [28]. Dans ce dernier cas les seules données
préliminaires publiées chez l'homme ne montrent pas
d'augmentation du risque [24].
Les cancers épithéliaux, bien qu'ils n'aient jamais pu
être induits chez l'animal par le silicone [17], ont fait
l'objet de plusieurs études épidémiologiques.
Une étude de cohorte, tenant compte de l'âge, compa-
rant plus de 10.000 patientes ayant reçu un implant
mammaire à 13.000 patientes présentant un cancer du
sein, n'a pas montré de risque supplémentaire [13].
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