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Le management stratégique de la Responsabilité Sociale des
Entreprises (RSE) - Cas d’expérimentations dans le secteur social et
médico-social -
Floriane Bouyoud
Intervenant-chercheur,
Laboratoire de recherche ISEOR (15 chemin du petit bois, 69134 Ecully Cedex)
Doctorant,
Université Jean Moulin Lyon 3 (6 cours Albert Thomas, 69003 Lyon)
04 78 33 09 66, [email protected]
Résumé :
La normalisation internationale et l’éthique d’entreprise qui accompagnent
la mondialisation ont remis au goût du jour dans les organisations le
concept de responsabilité sociale. La responsabilité sociale des entreprises,
en tant qu’objet d’étude en sciences de gestion, soulève beaucoup de
questions et souffre d’une définition dont les contours sont encore flous.
La Responsabilité Sociale des Entreprises (RSE), dont les fondements
conceptuels se trouvent dans les travaux de Bowen (1953), signifie
l’intégration volontaire de préoccupations sociales, environnementales et
économiques dans l’activité d’une entreprise et dans ses interactions avec
ses parties prenantes
1
.
Les organisations souhaitant mettre en place une politique de RSE se trouvent confronter à
plusieurs problématiques : comment concevoir et implanter cette politique dans leur structure
de la manière la plus efficace et efficiente possible ? Puis comment manager de façon
stratégique la RSE de manière durable ?
Nous proposons de voir, à travers l’étude d’une organisation du secteur social et médico-
social, comment il est possible de mettre en place un management stratégique de la
responsabilité sociale dans ces organisations et d’agir, ainsi, sur la performance globale de
l’entreprise.
Mots-clés : responsabilité sociale de l’entreprise, performance globale, secteur social et
médico-social, management stratégique
1
Livret Vert, Commission Green Paper 2001 “Promoting a European Framework for Corporate
Social Responsibility”
2/13
« Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui
un dommage, oblige celui par la faute duquel il est
arrivé à le réparer. » Article 1382 du code civil, créé
par la loi 1804-02-09 promulguée le 19 février 1804.
INTRODUCTION
La notion juridique de responsabilité est ancienne. Elle a été officiellement énoncée en
1804 dans le Code Civil ce qui a amorcé une prise de conscience sur le fait que chacune de
nos actions a des conséquences sur notre environnement et que nous ne pouvons pas agir
impunément.
Par la suite, la responsabilité s’est étendue à plusieurs domaines, en particulier dans le
domaine pénal pour les entreprises et organisations. Ainsi le Code Pénal prévoit que « Les
personnes morales, à l'exclusion de l'Etat, sont responsables pénalement, selon les
distinctions des articles 121-4 à 121-7, des infractions commises, pour leur compte, par leurs
organes ou représentants. »
2
L’organisation est, par essence, une personne morale. Au sens de la loi française, la
personne morale est un groupement de personnes physiques ou morales qui, en raison de leur
intérêt commun, a vocation à exercer une activité spécifique voire différente de celle des
membres qui la composent. Lorsque certaines conditions sont remplies, l'État accorde à ce
groupement une personnalité juridique, ce qui le rend titulaire de droits et d’obligations au
même titre qu’une personne physique.
Nous pouvons alors observer que les organisations sont soumises à des obligations
juridiques fortes, dans le sens tout manquement à celles-ci va entraîner une sanction pour
elles. Mais, depuis plusieurs années, une nouvelle forme de responsabilité est apparue pour les
organisations et par voie de conséquence pour leurs dirigeants : la responsabilité sociale.
Nous pouvons alors nous demander ce que veut dire être « socialement responsable » pour
une entreprise dotée d’une personnalité morale ?
Cela nous amène à une réflexion plus générale sur la manière d’élaborer et de mettre en
place un management stratégique de la RSE. Cette problématique est d’autant plus
remarquable lorsqu’elle concerne les organisations sociales et médico-sociales qui
développent, malgré elles, un paradoxe. En effet, nous serions amenés à dire, spontanément,
que ce type d’organisation fait naturellement de la RSE mais nous nous apercevons, dès les
premières observations sur le terrain, qu’elles ont de grandes difficultés, dans les faits, à
concilier performance économique et performance sociale.
C’est pourquoi, une ingénierie du management de type socio-économique conciliant la
conception, la mise en œuvre et l’évaluation de la RSE peut, par plusieurs de ses aspects,
notamment sociaux et économiques, contribuer à une mise en place efficace et efficiente de la
RSE.
Avant de rentrer dans la problématique du sujet, le cadre théorique de la RSE va permettre
de poser les fondements et la définition de cette notion émergente (1). La méthodologie et la
présentation du terrain d’observation scientifique (2) vont permettre d’introduire les premiers
résultats de la recherche (3) qui font l’objet de perspectives et de limites (4).
2
Article 121-2 du code pénal, modifié par la loi n°2004-204 du 9 mars 2004 - art. 54 JORF 10 mars 2004 en
vigueur le 31 décembre 2005
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1. Cadre théorique et bibliographique du concept de Responsabilité Sociale des
Entreprises : notion principale et notions périphériques
Le terme de responsabilité, selon Mercier (2004), au sens des sciences de
gestion « évoque l’obligation de répondre de ses actions, de les justifier (en
fonction de normes morales et de valeurs) et d’en supporter les
conséquences ». Il s’agit donc d’établir un lien direct avec la notion d’éthique
qui gouverne, en partie, la RSE.
1.1. Définition et positionnement du concept de RSE
« Concept dans lequel les entreprises intègrent les
préoccupations sociales, environnementales, et
économiques dans leurs activités et dans leurs interactions
avec leurs parties prenantes sur une base volontaire »
Livret Vert (Commission Green
Paper 2001 “Promoting a
European Framework for
Corporate Social Responsibility”
« La responsabilité sociétale des entreprises (RSE) est la
déclinaison des principes du développement durable à
l’échelle de l’entreprise. Elle signifie essentiellement que
les entreprises, de leur propre initiative, contribuent à
améliorer la société et à protéger l’environnement, en
liaison avec les parties prenantes. »
Recommandation du Ministère
Français de l'Ecologie et du
Développement
« L'intégration volontaire des considérations
environnementales et sociales dans les activités des
entreprises, en dehors des prescriptions légales et des
obligations contractuelles »
Définition du Parlement
Européen
Responsabilité sociale interne externe
- volet interne : rapports entre l'entreprise et ses salariés
- volet externe : protection de l'environnement, les relations
avec les fournisseurs, les riverains et les autorités
publiques.
Observatoire des PME
Européennes (2002), les PME
européennes et les
responsabilités sociale et
environnementale, rapport n°4
1.2. Fondements normatifs et institutionnels
Du point de vue normatif, nous assistons, depuis les années 1980 à
l’émergence de règles, notamment par la mise au point de référentiels
internationaux, tels que le
Global Reporting Initiative
(GRI
3
), des codes de
conduite des entreprises (
Global Compact
4
) ou des certifications, normes ou
labels (SA 8000...) jusqu'aux audits sociaux ou environnementaux.
La norme Standard SA 8000 (Social
Accountability Standard 8000
),
initiée par le
Council on Economic Priorities
, et gérée par
Social
Accountability International
(SAI) concerne les conditions de travail,
l'interdiction du travail des enfants ou du travail forcé. Il existe deux types
3
Global Reporting Initiative initié en 1997 par le Programme des Nations unies pour
l'environnement (PNUE) et de la Coalition for Environmentally Responsible Économies (CERES)
4
Pacte mondial : lancé en janvier 2000 lors du Forum économique mondial par Kofi Annan
Tableau 1 : Définitions institutionnelles de la RSE
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d'engagements pour les entreprises : le certificat en cas de respect des
normes pour la production et le statut membre si les critères sont également
respectés pour les filières de fournisseurs et pour toutes les unités de
production.
Au niveau international, l’Organisation Internationale de Normalisation (
The
International Organization for Standardisation, ISO)
a produit la série de
normes 14 000 pour l’ensemble des règles qui concernent le management
environnemental. La plus connue est la norme ISO 14 001 qui vise à
mesurer l'impact de l'activité d'une entreprise sur l'environnement. Elle prend
en compte des aspects environnementaux significatifs tels que les émissions
dans l'air, les rejets dans l'eau, la contamination des sols, la gestion des
déchets, l'utilisation des matières premières et des ressources naturelles.
L’Organisation Internationale de Normalisation élabore, en ce moment, la
norme ISO 26 000 qui ne sera pas certifiable mais qui devrait préciser
comment intégrer les normes de responsabilité sociale, de gouvernance et
d'éthique.
Du côté français, la loi sur les Nouvelles Régulations Economiques
5
du 15
mai 2001, demande aux entreprises cotées en bourse d’indiquer dans leur
rapport annuel une série d'informations relatives aux conséquences sociales
et environnementales de leurs activités.
Il existe également deux référentiels, la SD 21 000 Française publiée par
l’Association Française de Normalisation (AFNOR), qui est conçue comme un
guide et qui n’a donc pas valeur de certification pour la prise en compte des
enjeux du développement durable dans la stratégie et le management de
l'entreprise. Puis nous trouvons l’AFAQ 1000NR de mars 2007 qui propose
une norme d'évaluation mettant en évidence l'état d'avancement d'une
organisation au regard de sa responsabilité sociale.
1.3. Fondements théoriques
L’article pionnier dans le champ de la responsabilité sociale, intitulé
The
Changing Basis of Economic Responsibility
, date de 1916. Écrit par
l’économiste américain, John Morice Clark, l’auteur, pourtant défenseur de la
théorie économique, propose un contrôle social des affaires, c'est-à-dire un
élargissement des responsabilités de l’entreprise dans le volet social.
Le père fondateur de la
Corporate Social Responsability
6
(CSR), Howard
Bowen en 1953 dans son ouvrage
Social Responsibilities of the Businessman
.
Il se demande « Pourquoi les hommes d’affaires se sentent concernés par leurs
responsabilités sociales ? » « Il est possible de diviser la réponse en trois parties : (1) parce
5
Loi du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques, article L.225-102-1 du
Code du commerce
6
En français : Responsabilité Sociale des Entreprises
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qu’ils ont été forcés de se sentir plus concernés, (2) parce qu’ils ont été persuadés de la
nécessité de se sentir plus concernés et (3) parce que la séparation entre propriété et contrôle a
crée des conditions qui ont été favorables à la prise en compte de ces responsabilités »
(Bowen, 1953). Il explique, alors, comment quelques centaines de grandes
firmes « constituent les véritables centres de décisions et de pouvoirs qui
déterminent la vie des citoyens en bien des points ». Il définit aussi « Le
terme de doctrine de la responsabilité sociale (qui) renvoie à l’idée,
désormais largement exprimée, selon laquelle la prise en compte volontaire
d’une responsabilité sociale de l’homme d’affaires est, ou pourrait être, un
moyen opérationnel pour résoudre des problèmes économiques et atteindre
plus globalement les objectifs économiques que nous poursuivons ». Pour lui,
la RSE représente l’obligation pour les dirigeants de poursuivre les politiques
et de prendre les décisions qui sont en cohérence avec les valeurs de la
société. C’est pourquoi il préconise le recours aux audits sociaux pour
évaluer la performance sociale de l’entreprise.
Carroll (1979) appréhende la RSE comme étant « ce que la société attend des
organisations en matière économique, légal, éthique et volontaire, à un moment donné ». Dans
le modèle de Woods (1991), l’auteur intègre les trois dimensions de la RSE : principes,
processus et politiques. Les principes de la RSE correspondent aux niveaux présentés ci-
dessus par Carroll : la légitimité sur le plan institutionnel, la responsabilité publique sur le
plan organisationnel et la discrétion managériale sur le plan individuel.
1.4. Principes généraux
Plusieurs concepts-clés sont directement liés à la notion de Responsabilité
Sociale et ils méritent d’être définis dans la mesure où chacun des principes,
ci-après énoncés, contribuent à la définition de la RSE.
1.4.1.
La RSE, une déclinaison du développement durable
Lors de la Déclaration de Rio en 1992, le Développement Durable a été
défini comme « un développement qui permet(te) aux générations présentes
de satisfaire leurs besoins sans remettre en cause la capacité des
générations futures à satisfaire les leurs ». cette définition a ensuite été
reprise dans le Rapport Brundtland
7
Ce concept est directement lié à la notion de RSE, dont il est la
déclinaison pour les entreprises, comme le confirme une recommandation du
Ministère français de l'Ecologie et du Développement « La responsabilité
sociétale des entreprises (RSE) est la déclinaison des principes du
7
Définition proposée en 1987 par la Commission mondiale sur l’environnement et le
développement dans le Rapport Brundtland
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