représente le coût de refinancement des banques. La titrisation dissémine les risques entre les porteurs des
obligations adossés à des portefeuilles de créance (C.D.O. / collateralized debt obligations)
C) Conditions d'efficacité de l'ajustement marchand des taux d'intérêt.
Pour que l'ajustement marchand des taux d'intérêt soit efficace, il faut que l'information soit transparente.
Selon la thèse de l'efficience informationnelle des marchés, le taux d'intérêt condense l'information pertinente
pour les emprunteurs et les épargnants (E. Fama, « Efficient capital markets », Journal of Finance, 1970)
Il faut également pouvoir négliger la thésaurisation. Ainsi, la loi des débouchés (J. B. Say, Traité d'économie
politique, 1803) postule que les déséquilibres se résorbent par l'ajustement des prix, et le report entre marchés
des capacités excédentaires. Le taux d'intérêt est l'une de ces variables d'ajustement. Mais il faut pour cela que
tout revenu perçu soit dépensé, en consommation ou en investissement, en l'absence de thésaurisation qui
pourrait perturber la circulation des liquidités.
III) Les crises financières mettent en évidence l'insuffisance de l'ajustement marchand des
taux d'intérêt.
A) Les origines des crises financières : un excès de confiance en l'ajustement marchand par les taux
d'intérêt
Les modèles soutenant l'efficacité de l'ajustement marchand des taux d'intérêt prêtent une forte rationalité aux
agents économiques. J. M. Keynes considère au contraire que les marchés financiers sont mus par des
conventions, par le court-termisme, par le mimétisme (Théorie générale de l’emploi, de l’intérêt et de la
monnaie, 1936, chapitre XII). Les taux d'intérêt issus des transactions marchandes ne sont alors pas forcément
adaptés aux besoins collectifs. Ils peuvent donner lieu à la spéculation. Ainsi, la crise des dettes souveraines a
occasionné une hausse brutale du taux d'intérêt sur les obligations publiques des Etats touchés. L'Etat grec a ainsi
subi en quelques semaines une hausse de plus de vingt points de son taux d'intérêt.
J. M. Keynes réfute également la conception classique et néoclassique qui fait du taux d'intérêt une variable
réelle. Pour Keynes, le taux d'intérêt est une variable monétaire, qui rémunère la renonciation à la liquidité. Or la
thésaurisation peut brusquement s'accroître, entravant le financement de l'économie, quelque soit le niveau du
taux d'intérêt.
H. Minsky systématise ces observations et diagnostique l'instabilité inhérente aux marchés financiers, en dépit
de l'ajustement par les taux d'intérêt ("The Financial Instability Hypothesis: An Interpretation of Keynes and an
Alternative to "Standard" Theory", Nebraska Journal of Economics and Business, 1977). Les crises financières
ne constituent par une rupture accidentelle du financement fluide de l'économie, mais sont la contrepartie du
fonctionnement normal de la finance. Aussi les crises trouvent leur origine dans les périodes prospères qui les
précèdent : c'est le paradoxe de la tranquillité. Si les banques octroient de façon prudente des financements
couverts, les flux de liquidités engendrés par les remboursements périodiques et la pression concurrentielle les
pousse à s'aventurer à des financements non-couverts, voire à la Ponzi. Ces projets dont l'échéancier de
remboursement est différé, sont exposés à un risque de défaut si le taux d'intérêt augmente. Or la prise de
conscience d'un risque accru pousse tôt ou tard à cette hausse des taux d'intérêt. Ici la variation des taux d'intérêt
n'est pas un ajustement efficace, mais une fluctuation accompagnant des cycles financiers nécessairement
ponctués par des crises.
B) La propagation des crises financières : quand l'ajustement par les taux d'intérêt devient inopérant.
Les crises financières aggravent les risques. Mais ce risque n'est pas incorporable au taux d'intérêt, en raison
des asymétries d'information inhérentes à la relation de crédit (J. Stiglitz & A. Weiss, “Credit rationing in
Markets with Imperfect Information”, American Economic Review, 1981). Le prêteur connaît moins bien ex ante
la capacité de remboursement de l'emprunter, et contrôle mal ex post ses efforts pour faire face à ses échéances
de remboursement. Or, si les prêteurs, et les banques en particulier, augmentent le taux d'intérêt l'antisélection et
l'aléa moral se cumulent pour accroître le risque de défaut. Les banques préfèrent alors restreindre le crédit, en
relevant les exigences en collatéral. B. Bernanke juge ainsi que c'est par le krach du crédit que le krach financier
de 1929 s'est propagé à la sphère réelle ("Non Monetary Effects of the Financial Crisis in the Propagation of the
Great Depression", The American Economic Review, 1983).
Par ailleurs, les variations de prix perturbent l'ajustement des taux d'intérêt. Une diminution du taux d'intérêt
nominal peut être contrebalancée par la déflation, et correspondre à une hausse du taux d'intérêt réel. En période
de déflation, l'ajustement du taux d'intérêt nominal ne peut interrompre la spirale dette-déflation. La déflation
alourdit le poids réel de la dette indépendamment de l'ajustement des taux d'intérêt nominaux, et les cessions
d'actifs et ventes bradées pour solder les dettes approfondissent la déflation (I. Fisher, "The Debt-Deflation
Theory of Great Depressions," Econometrica, 1933)