Nouvelles de Chrétienté Nº 89
Septembre — octobre 2004 •
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La distinction Eglise du Christ/Eglise catholique
permet d’avancer que, si la communion visible a été
blessée par les divisions ecclésiales, la communion in-
visible, considérée comme partage des biens spirituels
dans la commune union au Christ, n’a pas été brisée.
En conséquence, tous les chrétiens, quelle que soit leur
appartenance ecclésiale, du moment qu’ils « croient
au Christ » 18 — car tous les chrétiens ont la « foi » au
Christ -, sont et demeurent unis au Christ. Tous les chré-
tiens sont frères, et Jean-Paul II se réjouit du fait que
« la conscience de l’appartenance commune au Christ
s’approfondit. » 19 Et ils restent radicalement unis entre
eux, malgré les divisions, car celles-ci sont plus appa-
rentes que réelles. On peut rester unis sans avoir la mê-
me profession de foi ; simplement l’unité n’est pas visi-
ble, elle est invisible.
Selon la saine doctrine, la « communion » ecclésiale
n’admet pas de plus et de moins, mais est perdue tout
entière par ceux qui vivent hors des limites visibles de
l’Eglise catholique. Désormais, pour la nouvelle doc-
trine, elle est capable de plus ou de moins, selon qu’un
plus ou moins grand nombre de liens auront été sauve-
gardés. Tous les chrétiens « se trouvent dans une certai-
ne communion, bien qu’imparfaite, avec l’Eglise catho-
lique. […] JustiÞ és par la foi reçue au baptême, ils sont
incorporés au Christ, portent à juste titre le nom de
chrétiens, et les Þ ls de l’Eglise catholique les reconnais-
sent à bon droit comme des frères dans le Seigneur. » 20
Grâce à la doctrine des degrés de communion, les sec-
tes hérétiques et schismatiques ne sont plus des sépa-
rations de l’Eglise catholique, opérées par des hom-
mes qui ont suivi leurs erreurs ; elles sont devenues des
« Eglises » voulues par Dieu, bien qu’avec un degré de
plénitude moindre. Ces communautés ont une com-
munion partielle avec l’Eglise catholique ; cependant
la communion invisible de tous dans l’unique Eglise du
Christ demeure sauve.
Dès lors, « le but ultime du mouvement œcuméni-
que » n’est que « le rétablissement de la pleine unité vi-
sible de tous les baptisés » 21. Même si cette communion
n’est pas encore pleine, une communion profonde nous
unit à tous les autres baptisés ; et il s’agit d’« amener à sa
plénitude et à sa perfection la communion déjà si riche
qui existe entre nous. » 22
L’Eglise catholique ne peut donc se croire l’Eglise
unique et totale du Christ, mais seulement une partie
de cette Eglise ; en conséquence, elle ne peut s’arroger
le droit d’obliger les autres à retourner à elle, mais plu-
tôt toutes doivent sentir l’obligation de se réunir entre
elles, pour reconstituer cette Eglise, pour former tou-
tes ensemble la vraie Eglise du Christ. Toutes doivent
prendre conscience de leur commune subsistance dans
le Christ
L’union de toutes les Eglises ne doit donc pas se
faire dans l’Eglise catholique, par le retour des sépa-
rés à l’Eglise catholique, mais dans l’Eglise du Christ.
L’Eglise future et œcuménique, résultant de l’union, ne
pourra être identique à aucune des Eglises aujourd’hui
existantes. Elle surpassera toutes les confessions chré-
tiennes particulières.
L’unité de l’Eglise est donc à construire.
L’œcuménisme est un chemin vers une unité à créer,
à rechercher ensemble. Et cette unité sera avant tout
le fruit du dialogue, Jean-Paul II en est persuadé, c’est
une constante dans sa pensée : il faut reconstituer l’uni-
té chrétienne, recomposer par le dialogue l’unité per-
due de l’Eglise, comme si cette unité n’existait pas dé-
jà, et n’était pas une des notes inamissibles de l’Epouse
du Christ.
La nouvelle Eglise du Christ, aux contours assez mal
déÞ nis, rassemble pour le moins l’ensemble des chré-
tiens, quelle que soit leur confession. Pour le moins, car
en fait l’ensemble des hommes qui ont un sentiment re-
ligieux appartiennent « de quelque manière » à l’Eglise,
qu’ils soient musulmans ou bouddhistes. C’est la dis-
solution de l’Eglise, dont les frontières deviennent très
ß oues dans la tête de la plupart des gens, qu’ils soient
catholiques ou non.
Les atteintes portées à la foi
Le Saint-Offi ce a publié en 1949 une instruction
« sur le mouvement œcuménique » 23, qui donnait des
directives de sage prudence :
Les évêques « veilleront à ce que, sous le faux prétex-
te qu’il faut beaucoup plus considérer ce qui nous unit
que ce qui nous sépare, on ne nourrisse pas un dange-
reux indiff érentisme. » « On doit éviter […] que la pure-
té de la doctrine ait à en souff rir ou que son sens véri-
table et certain soit obscurci. Ils écarteront aussi cette
manière dangereuse de s’exprimer qui donnerait nais-
sance à des opinions erronées et à des espoirs fallacieux
qui ne pourront jamais se réaliser, en disant par exem-
ple que dans les matières dogmatiques, même l’Eglise
catholique ne possède pas la plénitude du Christ, mais
qu’elle peut être perfectionnée par les autres Eglises…
La doctrine catholique doit être par conséquent
proposée et exposée totalement et intégralement ; il
ne faut point passer sous silence ou voiler par des ter-
mes ambigus ce que la vérité catholique enseigne sur la
vraie nature et les étapes de la justiÞ cation, sur la cons-
titution de l’Eglise, sur la primauté de juridiction du
Pontife Romain, sur la seule véritable union par le re-
tour des chrétiens séparés à l’unique véritable Eglise du
Christ. »
Ces dangers à éviter sont la description exacte de
ce que nous voyons depuis Vatican II. L’œcuménisme
se comprend comme un droit de regard des autres reli-
gions sur l’affi rmation et le contenu de la foi catholique,
bien entendu sans la moindre réciprocité. La foi catho-