La question dans la théorie des FTA

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Revenire Cuprins
La question dans la théorie des FTA
Prep. Univ. Alina GANEA
Universitatea “Dunărea de Jos” Galaţi
Vue de la perspective de la théorie des FTA, la question avec sa valeur illocutoire première
de demande d’informations, semble être par sa nature même (aveu d’un manque informationnel,
obligation créée chez l’interlocuteur de le combler), un acte menaçant pour les faces des
participants à l’interaction En fonction des paramètres de la situation de communication (relations
entre participants, statut, hiérarchie, cadre institutionnel, etc.) et du but poursuivi dans
l’interaction, le locuteur pourra choisir d’adoucir l’agressivité apparemment inhérente à la
question ou de la renforcer en recourant à des moyens divers qu’on essaiera d’inventorier dans une
approche contrastive franco-roumaine.
1. Les FTA et la politesse linguistique
La théorie de la politesse développée par P. Brown et S. Levinson est envisagée comme le
ménagement des faces des interlocuteurs lors d’une interaction verbale. Le concept de face serait
défini en rapport avec la manière dont les interlocuteurs réagissent verbalement pour préserver une
image publique valorisante d’eux-mêmes, pour être admiré, compris, apprécié (la face positive) et
également pour s’assurer la liberté d’action et pour éviter toute espèce d’obligation crée dans et par
l’interaction (face négative). Chaque fois que le locuteur, par sa prise de parole menace une face ou
l’autre de l’interlocuteur, voire de soi-même, il accomplit un acte menaçant (un FTA). La
conversation cache une permanente transaction de pouvoir, une négociation de places et positions
ce qui rend les FTA de même que les FFA (les anti - FTA, les actes flatteurs) inhérents à tout
échange. En fonction du but poursuivi dans l’interaction , de l’intention illocutionnaire, du rapport
de forces (qui peut être marqué institutionnellement, hiérarchiquement, socialement, affectivement,
etc.,) entre les interlocuteurs, du cadre de l’interaction, du degré plus ou moins menaçant de l’acte,
il est possible de réaliser un FTA
- sans politesse – Mon Dieu, où as-tu fourré mon journal? – dans ce cas, il n’y a aucun
effort pour atténuer l’agressivité de l’acte;
- avec politesse positive – Tu es la personne la plus organisée qui soit! Mon journal,
toujours sur la table de nuit à sa place? – le locuteur connaît le désir de l’interlocuteur
d’être respecté et réalise un acte valorisant à son adresse, ce qui amortit l’impact de la
question;
- avec politesse négative – Pardon de t’interrompre de ton travail, je voulais seulement te
demander si tu as vu mon journal quelque part. – le locuteur accomplit un acte par lequel il
reconnaît le caractère menaçant de sa demande de dire et prouve qu’il a connaissance
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du désir de l’interlocuteur d’être respecté. L’effet en est d’atténuer l’empiètement sur le
territoire de l’interlocuteur;
- indirectement – Comme j’aime qu’on laisse mes choses là où je les jette. De cette manière
on pourrait éviter des questions telles ”où est...?” – il est ambigu, le destinataire ayant la
possibilité de feindre la non compréhension; l’émetteur peut également nier avoir
intentionné transmettre un certain sens.
Il y a donc toujours le choix d’accompagner un FTA de l’activité de redressement orientée vers la
face qui est censée avoir souffert atteinte : politesse positive envers l’interlocuteur - accomplir des
actes valorisants pour l’interlocuteur (réaliser des anti-FTA; voir supra); politesse négative envers
l’interlocuteur - éviter de commettre la réalisation d’un acte ou d’en adoucir l’agressivité (voir
supra). En ce qui concerne le locuteur, le ménagement de ses faces consiste à réaliser des actes auto
- valorisants sans que ce soit d’une manière ostensive (*Je suis la plus forte en maths de la classe,
n’est-ce pas?), des auto-anti FTA (réaliser des actes valorisants de manière atténuée – Elle n’est pas
mauvaise ma traduction, hein?), mais aussi des actes dévalorisants (des auto – FTA - J’ai fait
preuve d’une sacrée idiotie, n’est-ce pas?). (Kerbrat-Orecchioni, 1992: 184)
Mais il y a également le revers, l’impolitesse linguistique matérialisée dans les renforçateurs qui
relèvent du désir du locuteur d’augmenter la charge agressive de l’acte, d’en intensifier la violence:
Je te demande pour la dernière fois / de me dire immédiatement qui a cassé le vitre.
Puisque le but de ce travail est d’analyser la question avec sa fonction première de demande
d’informations de la perspective des FTA, nous continuerons par la suite avec une approche
pragmatique de la demande d’informations pour voir dans quelle mesure elle se présente comme un
acte menaçant pour les faces des interactants, en laissant à la fin la description des procédés
employés pour ménager les faces ou par contre, pour y porter atteinte.
2. La question en tant que FTA
2.1. Approche pragmatique de la question
On peut définir la question comme un acte qui communique le désir du locuteur de savoir si p:
„Questionner c’est désirer savoir une chose.” (Roland Barthes in C. Kerbrat-Orecchioni, 1980:193)
L’énoncé par lequel il est réalisé décrit l’état de choses sur la vérité duquel le locuteur exprime un
non savoir (dans le cas des interrogations totales directes ou indirectes, lorsque le contenu
propositionnel correspond donc à une proposition complète) ou le manque informationnel qui
l’empêche d’établir la valeur de vérité (dans les interrogations partielles directes ou indirectes, le
contenu propositionnel correspond à une fonction propositionnelle, la proposition exprimée n’est
pas complète, un constituent n’est pas identifié et fait l’objet de la question).
Searle inclut la question dans la catégorie des directifs représentant des “tentatives de la part
de L de faire répondre A, c’est-à-dire de lui faire accomplir un acte de langage.”(1982:53) Sa
réalisation avec succès présuppose certaines conditions de satisfaction qui définissent l’acte et
conditionnent son existence. Celles-ci décrivent “1. Les circonstances et les personnes impliquées
dans l’acte de langage, 2. l’intention des personnes impliquées, 3. le type d’effet associé à son
énonciation.” (Moeschler, 1985:24), et pour la question elles seraient :
Le locuteur - exprime dans son énoncé le désir d’obtenir une information;
- ayant le droit de poser des questions, il demande à l’interlocuteur de dire ce qu’il
sait là-dessus;
- prouve un manque informationnel à l’égard de ce qui fait l’objet de sa demande;
- change la situation de l’interlocuteur en l’obligeant à lui répondre.
L’interlocuteur
- a la capacité de répondre et détient les informations demandées par le
locuteur;
- se trouve dans la situation d’être obligé de répondre.
On peut remarquer les aspects suivants:
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-
ne pas respecter une de ces conditions détermine l’échec de l’acte;
aucun élément du cadre énonciatif décrit plus haut n’assure l’obtention de l’apport
informationnel désiré par le locuteur. Cela dépend des connaissances du locuteur
(s’il ne les détient pas, cela n’entraîne pas de sanctions) mais également de son
attitude, il peut donc choisir de répondre ou non.
- des variations au niveau informationnel peuvent déterminer la réalisation de certains
types spéciaux de questions: dans le cas des questions d’examen, le locuteur ne vise
pas à acquérir des informations, il les possède déjà, mais la vérification des
connaissances de l’interlocuteur; les questions rhétoriques n’attendent pas une
réponse, le locuteur n’adresse pas une question mais communique indirectement un
contenu tenu pour vrai.
Comme tout acte de langage, la question est la réunion d’un contenu propositionnel et d’une
force illocutionnaire F(p), où p est une proposition ou une fonction propositionnelle , et F est
prescriptive, visant à réaliser une action future (de répondre) par l’interlocuteur. L’identification de
la valeur illocutionnaire est conditionnée par la reconnaissance par l’interlocuteur de l’intention
avec laquelle l’énoncé a été communiqué – celle d’obtenir une réaction verbale de la part de
l’interlocuteur. La reconnaissance de l’intention illocutionnaire assure la réalisation avec succès de
l’acte de la question. A partir des règles sémantiques qui déterminent l’emploi du marqueur de
force illocutionnaire établies par Searle pour la promesse, nous avons identifié les règles suivantes
pour la demande d’informations:
- la règle du contenu propositionnel. Le contenu propositionnel correspond à une
proposition ou à une fonction propositionnelle.
- la règle préliminaire. Le locuteur ne connaît pas la réponse, c’est-à-dire il ne sait pas
si la proposition est vraie ou fausse ou dans le cas d’une fonction propositionnelle, il
ne détient pas l’information nécessaire qui lui permette d’établir la valeur de vérité
de la proposition.
- la règle de sincérité. Le locuteur désire obtenir cette information.
- la règle essentielle. L’interlocuteur est obligé de fournir cette information.
La composante perlocutionnaire de la question est extrêmement variable: “on pose des
questions (...) pour tuer le silence, pour arrêter des regards agressifs, pour se montrer ’
intéressant’,’compétent’, pour blesser, pour compromettre, pour charmer l’interlocuteur...”
(Grésillon in C. Kerbrat-Orecchioni, 1991:22). Les effets perlocutionnaires dépendent du rapport
entre les interactants, de la situation d’énonciation, de la forme linguistique choisie pour exprimer la
question, etc., leur description ne peut pas être faite sans une connaissance détaillée du cadre de
l’énonciation.
2.2. La question - acte doublement menaçant
A partir de la description de l’acte illocutionnaire de demande d’informations, nous pouvons
conclure que la question est un acte menaçant pour l’interlocuteur de même que pour le locuteur.
Kerbrat-Orecchioni (1991:28) parle à ce sujet de ” l’ambivalence taxémique” de la question.
Premièrement, la question représente une double menace pour l’interlocuteur :
- sa face négative est menacée par l’obligation créée de réaliser une action de dire, ce qui
constitue d’ailleurs une des conditions pour la réussite de l’acte (cf. la règle essentielle) : “ en la
posant [la question], on présente sa parole comme créatrice d’obligation pour le destinataire.”
(Ducrot, 1991:291) Cette obligation peut être perçue comme une incursion agressive dans les
réserves informationnelles de l’interlocuteur, et qui peut devenir d’autant plus agressive lorsqu’il
s’agit de son intimité. Des réactions telles ´Comment s’est-il permis de me poser une telle question?
´, ´Comment peux-tu me demander cela ?´, ´C’est une question personnelle, je refuse d’y
répondre.´ témoignent pleinement de l’effet créé sur l’interlocuteur et de la manière dont il a saisi la
question.
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- sa face positive est également menacée puisqu’ en formulant une question, le locuteur
impose le statut de ´répondeur´ à son interlocuteur et par conséquent se place dans une position
supérieure par rapport à lui. Des réactions telles ´C’est moi qui pose les questions !´, ´Moi, je pose
les questions, toi, tu y réponds! On n’inverse pas les rôles!´ prouvent l’arrangement hiérarchique
des places déterminé par la question, tandis que ´Tu n’as pas le droit / tu n’as aucun droit de me le
demander!´, ´Qu’est-ce qui te permet de me poser une telle question? ´ traduisent le fait que
l’interlocuteur perçoit la question comme menaçant son image publique.
En ce qui concerne le locuteur, comme le prescrit le cadre énonciatif propre à la question
décrit plus haut, en posant une question il avoue un manque informationnel et fait appel à
l’interlocuteur pour le combler. De cette manière, il périclite sa face positive manifestant infériorité
par rapport au savoir de son interlocuteur. Mais, selon la situation de communication, le locuteur
peut lui-même “prendre l’initiative de se laisser déposséder par L2 [interlocuteur] de la position
haute”. (Kerbrat-Orecchioni, 1991:29) Le cas de l’interview illustre cela, le locuteur étant celui qui
par ses questions incite l’interlocuteur à parler, mais c’est l’interlocuteur en effet qui domine
l’échange verbal. [1]
Juger de la menace représentée par la demande de dire implique nécessairement l’analyse des
rapports entre locuteur et interlocuteur dans la situation d’énonciation respective, de la finalité de la
question, de sa formulation plus ou moins adoucie. La section suivante propose l’analyse du reflet
linguistique de la politesse et de l’impolitesse pour la demande de dire, c’est-à-dire les moyens par
lesquels il est possible d’atténuer l’agressivité apparemment inhérente à la question, mais aussi les
procédés grâce auxquels cette agressivité est renforcée. Le corpus est essentiellement tiré de
l’œuvre de Caragiale, le choix étant motivé par la vivacité de la conversation familière qui met en
évidence les procédés les plus divers pour ´extorquer´ (par des adoucisseurs ou des renforçateurs)
les informations désirées, ce qui constitue finalement le but de la question.
2.3. Stratégies de politesse
Dans le corpus analysé, nous avons pu identifier surtout des cas de politesse négative envers
l’interlocuteur ce qui nous fait penser que c’est la face négative qui est censée être la plus menacée
par la question (fournir des informations) puisque la situation de la face positive est variable, en
fonction de la situation d’énonciation. [2] De surcroît, nous analysons la question avec la valeur
illocutionnaire de demande d’informations, l’apport informationnel est donc principalement visé.
Cela semble être la justification du fait que nous avons trouvé surtout des cas où des renforçateurs
sont employés pour rendre la demande d’informations encore plus pressante.
Parmi les stratégies de politesse négative identifiées, nous énumérons:
l’emploi d’un impératif d’excuse sans explicitation de l’offense [3]
Scuzaţi-mă - îndrăznesc eu-domnule ministru…E adevărat? (I. L. Caragiale, Ultima oră!...,
263)
Excusez-moi, osé-je dire, monsieur le ministre …est-ce vrai? (I. L. Caragiale, En dernière
heure, 55)
l’emploi d’une formule elliptique ou d’un performatif qui actualise une excuse
Mă iertaţi, domnilor, dar …cu cine am, mă rog onoarea? (I. L. Caragiale, Atmosferă
încărcată, 194)
Je vous demande pardon, messieurs, mais…à qui ai-je l’honneur, je vous prie? (I. L.
Caragiale, De l’électricité dans l’air, 30)
Mă rog, da dumneata ce eşti acolo la gară? (I. L. Caragiale, C.F.R., 59)
Pardon, mais vous, qu’est-ce que vous faites dans cette gare? (I. L. Caragiale, C.F.R., 120)
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l’emploi d’une formule de prière tels les syntagmes mă/ te / vă rog (s’il te/vous plaît
/ je te/vous prie) ou le verbe a implora (supplier) qui emphatise la prière:
Mă rog ţie, cine e măgarul acesta, aş vrea să-l ştiu… (I. L. Caragiale, Amici, 75)
Ecoute-moi, dis-moi, je te prie, qui est ce cochon, je voudrais bien le connaître… (I. L.
Caragiale, Deux amis, 73)
Mă rog ţie, spune-mi-l. (I. L. Caragiale, Amici, 76)
Ecoute, je t’en supplie, dis-moi qui c’est! (I. L. Caragiale, Deux amis, 74)
Mă rog, unde se-ncasează cîştigurile de la lotăriile cari s-au tras alaltăieri? (I. L.
Caragiale, Două loturi, 158)
Monsieur, s’il vous plaît où rembourse-t-on les billets gagnants des loteries tirées avanthier? (I. L. Caragiale, Deux gros lots, 139)
l’emploi d’une pré-question du type Savez-vous... qui est ” plus douce en ce qu’elle
prévoit plus explicitement la possibilité que l’interlocuteur ne possède pas l’information
demandée.” (Kerbrat-Orecchioni, 1992: 203)
Ştiţi care este opinia mea în privinţa revizuirii? (I. L. Caragiale, O scrisoare pierdută, 107)
Vous savez quelle est mon opinion en ce qui concerne la révision? (I. L. Caragiale, Une
lettre perdue, 135)
l’emploi de morphèmes destinés à minimiser la gravité de l’acte
Vreau să-l ştiu numai, ca să mă feresc de el şi să-l dispreţuiesc. (I. L. Caragiale, Amici, 76)
Je veux seulement savoir qui c’est pour l’éviter et le mépriser. (I. L. Caragiale, Deux amis,
73)
Dans ce dernier exemple, le locuteur fournit également une justification de l’accomplissement de
l’acte, ce qui contribue aussi à l’atténuation de la menace.
Dans le but de renforcer l’agressivité de l’acte, le locuteur a recours à des moyens dont le rôle
est d’intensifier la violence de la question. Parmi ceux-ci, nous citons :
l’emploi d’un performatif (qui explicite l’acte et correspond à une formulation
brutale)
Taci tu! Las’ să-ntreb eu! (Miţii:) Ai fost aseară la circ, madam Protopopesco? (I. L.
Caragiale, Five o’clock, 82)
Tais-toi, et laisse-moi demander. (à Mitza) Est-ce que vous êtes allé hier soir au cirque,
madame Protopopesco? (I. L. Caragiale, Five o’clock, 82)
Taci tu!...Las’ să-l întreb eu…Ai fost aseară la circ? (I. L. Caragiale, Five o’clock, 80)
Tais-toi!...Laisse-moi le questionner…Etes-vous allé au cirque hier soir? (I. L. Caragiale,
Five o’clock, 79)
Dans l’exemple ci-dessus, le verbe a întreba a eu pour équivalent questionner. Actualisé dans un
énoncé, ce verbe lui confère la force illocutionnaire de question, comme dans le cas de l’emploi du
verbe demander, mais il suggère pourtant que ” on pose les questions d’une manière suivie”.
(Vanderveken, 1988:183)
Le cumul de procédés est possible, l’énoncé concentrera en conséquence plus d’agressivité. Tel est
le cas de la question suivante où, outre le performatif, l’occurrence des termes péjoratifs ou
dévalorisants intensifie l’impact de l’acte.
Lasă-l să-l întreb numai: ce pofteşti, mă musiu? (I. L. Caragiale, O noapte furtunoasă, 42)
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Mais laisse-moi seulement lui demander: qu’y a-t-il pour votre service, monsieur espèce de
salaud? (I. L. Caragiale, Une nuit orageuse, 55)
formulations pressantes de la question réalisées par le recours aux questions
alternatives
Primiţi au nu primiţi? (V. Voiculescu, Ispitele părintelui Evtichie, 272)
Vous acceptez, oui ou non? (V. Voiculescu, Les tentations du père Evtikie, 253)
exprimer la demande de dire sous la forme d’un ordre de dire avec verbe à
l’impératif. Parmi les combinaisons trouvées nous mentionnons:
• structure interrogative + dire
Poţi tu fi duşmanul liniştii mele?...Spune!... (I. L. Caragiale, O scrisoare pierdută, 98)
Pourrais-tu être l’artisan de mon malheur? Dis! (I. L. Caragiale, Une lettre perdue, 124)
•
dire + intensifieur + structure interrogative ou structure interrogative + dire +
intensifieur
Domnule, spune-mi degrab’, c-aminteri, strig: cine eşti, ce pofteşti, ce cauţi pe vremea asta
în casele oamenilor? (I. L. Caragiale, O noapte furtunoasă, 31)
Monsieur, dites-moi, tout de suite, ou je crie, qui êtes-vous, que voulez-vous, que cherchezvous à cette heure chez les gens?( I. L. Caragiale, Une nuit orageuse, 40)
Cum?pe unde?spune-mi iute, că mi-e degrabă, îmi vine stenahorie.( I. L. Caragiale, O
noapte furtunoasă,41)
Comment? Par où? Dis-le-moi vite, je suis pressé, je succombe. (I. L. Caragiale, Une nuit
orageuse, 53)
• auxiliaire modal d’obligation+ dire+ intensifieur
Ascultă-mă, Lache! Să ştii că mă supăr serios!...Trebuie numaidecât să-mi spui… (I. L.
Caragiale, Amici ,77)
Ecoute-moi, Laké! Je vais me fâcher pour de bon!…Je te somme de me dire tout de suite…
(I. L. Caragiale, Deux amis, 75)
Le verbe sommer par son sémantisme semble rendre, dans l’exemple ci-dessus, les nuances
modales du verbe devoir. Ce type de structure (auxiliaire modal d’obligation+ verbe déclaratif),
peut être rendue en français en employant le futur qui permet l’expression d’un ordre catégorique.
Mizerabilul! canalia! Cine? trebuie să-mi spui numele lui! (I. L. Caragiale, Amici ,77)
Quel misérable! Quelle canaille! Qui est-ce? Tu vas tout de suite me dire son nom, tout de
suite. (I. L. Caragiale, Deux amis, 76)
• répondre + structure interrogative
Răspunde! Ce comerţ faci d-ta? (I. L. Caragiale, Justiţie, 65)
Répondez! Quel commerce faites-vous? (I. L. Caragiale, Justice, 14)
• répondre + intensifieur + structure interrogative
Femeie, ce tot bîrîi?...Răspunde odată lămurit la ce te-ntreb eu! Ce pretinzi d-ta acum de la
prevenit? (I. L. Caragiale, Justiţie, 63)
Qu’est-ce que vous me racontez là, vous? Répondez donc clairement à ce que je vous
demande! Que réclamez-vous du prévenu? (I. L. Caragiale, Justice, 12)
Bien que très peu dans notre corpus, nous avons quand même isolé des procédés de mise en
œuvre de la politesse positive. Dans l’exemple ci-dessous, le locuteur porte délibérément atteinte à
sa face positive, en laissant d’emblée l’interlocuteur dominer l’échange et occuper une position
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supérieure par rapport à lui. L’emploi des formules réparatrices rend l’acte encore plus menaçant
pour lui.
Adică, zău, bobocule, de! Eu, cu mintea ca de femeie, pardon să te-ntreb şi eu un lucru:ce
procopseală ar fi şi cu republica? (I. L. Caragiale, Conul Leonida Faţă cu reacţiunea, 54)
Enfin, tout de même, mon chou, moi avec ma jugeote de femme, pardon si je te le
demande:qu’est-ce qu’on y gagnerait à cette république? (I. L. Caragiale, M’sieu Léonida
face à la réaction, 68)
3. Conclusions
Au terme de ce travail nous pouvons faire les remarques suivantes:
- la conversation est une permanente transaction de pouvoir, une des préoccupations des coénonciateurs étant celle de ménager les faces;
- la question par son but de déterminer l’interlocuteur à réaliser une action future, celle de
communiquer un contenu informationnel, prouve être un acte contraignant pour l’interlocuteur
qui se voit dominer par celui qui adresse les questions. Non seulement lui impose-t-il le statut
d’interlocuteur mais aussi l’obligation de fournir des informations. Le locuteur, à son tour,
périclite sa face positive par l’aveu d’un manque informationnel;
- dans le désir d’obtenir l’apport informationnel, le locuteur fera appel dans la conversation en
fonction de la situation d’énonciation, du statut des interactants, des rapports entre ceux-ci, du but
de la question, à des stratégies de politesse pour atténuer l’agressivité de la question. Nous avons
remarqué la prédominance des procédés pour sauver la face négative de l’interlocuteur – l’emploi
des formules réparatrices (excuses, prières), minimisation de l’acte, etc. Plus fréquentes sont
encore les situations où des renforçateurs sont employés dans une variété de combinaisons.
- la recherche étant faite sur des séquences traduites du roumain en français, nous observons la
prédominance du transcodage direct (qui suppose “coïncidence au niveau des types de marqueurs
de force illocutionnaire et de leur combinaison dans les langues source et cible et équivalence
lexicale au niveau des éléments constitutifs de l’énoncé”. (Cristea, Cuniţă, 1986:205), les deux
langues disposent dans une large mesure des mêmes moyens de rendre la valeur illocutionnaire
de demande d’informations. Encore faut-il remarquer la coïncidence des moyens linguistiques
qui relèvent de la (im)politesse linguistique dans les deux langues qui témoignent d’une grande
similarité en ce sens.
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Notes
[1] Il en est de même pour la conférence de presse où plusieurs reporters adressent des questions à
une personne publique le plus souvent, dont le but principal est de se créer une certaine image ou du
moins de l’entretenir ou améliorer. C’est l’interviewé qui domine donc l’échange, d’autant plus
qu’il peut choisir d’insister sur certaines questions et d’y donner des réponses amples ou bien de
passer sur certaines autres (qui renvoient à des situations qui ne le favorisent pas) ou d’y répondre
évasivement.
[2]Poser une question peut relever du désir de combler une lacune informationnelle, mais aussi de
la nécessité de “résoudre des situations de vie pratique” (Şerbănescu, 2002:62). Dans ces cas, le
contexte extralinguistique détermine clairement la situation des places, le rapport de forces et même
circonscrit le domaine conceptuel sur lequel doit porter la question. Par exemple, chez le
psychologue, le docteur pose les questions pour le bien du patient, visant à découvrir la source du
mal. Il ne s’agirait pas de dominance, sauf si l’on pense à la supériorité professionnelle du docteur
(le prêtre dans les confessions religieuses) qui peut par ses questions agilement entrelacées (les
réponses sont très importantes, il y a une projection de la question suivante faite sur la réponse)
parvenir à guérir le patient. La situation est tout autre dans les interrogatoires de police (le locuteur
domine nettement le rapport de forces, et même le contexte le favorise).
[3] L’excuse représente une menace pour la face positive du locuteur et une anti-menace pour la
face positive de celui qui la reçoit. (Kerbrat-Orecchioni, 1994 :189)
[4]La question est d’autant plus menaçante que la réponse doit s’inscrire dans les limites imposées
par le présupposé de la question. Dans le cas des questions alternatives, les possibilités de réponses
sont déjà circonscrites dans l’énoncé de la question.
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