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CYCLE INVESTISSEURS
Et si les actifs immobiliers étaient survalorisés ?
Le marché de l’investissement en immobilier d’entreprise est en plein boom. Comment expliquer un
tel dynamisme alors que les marchés locatifs sont à la peine ? Cette dichotomie peut-elle durer ?
Quelles sont les conséquences de cet afflux de capitaux (compression des taux de rendement,
tassement des spreads…) sur les prix des actifs ? Existe-t-il des poches de survalorisation ? Quels sont
les dangers d’une survalorisation des actifs immobiliers en cas de choc des taux ? Quels sont les
secteurs géographiques et les typologies d’actifs en surchauffe ?
Vendredi 4 décembre 2015 - 14h30 - 16h00
Débat animé par Gaël THOMAS - Directeur de la rédaction - BUSINESS IMMO
Intervenants:
Marc BERTRAND - Directeur Général - LA FRANCAISE
Christian DE KERANGAL - Directeur général adjoint - IEIF-Institut de l’Epargne Immobilière et
Foncière
Sigrid DUHAMEL - Présidente - CBRE GLOBAL INVESTORS
Claude GALPIN - Président - VIF EXPERTISE
Stephan VON BARCZY - Directeur du Département Investissement – JLL
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1 – Quel est le contexte macro-économique ? Quelles sont les conséquences sur le marché de
l’investissement de l’immobilier d’entreprise ? Quels en sont les indicateurs et les marqueurs macro-
économiques?
Pour Christian DE KERANGAL - Directeur général adjoint - IEIF-Institut de l’Epargne Immobilière et
Foncière, il y a une abondance de liquidités des collecteurs d’épargne longue depuis les années
2000, des excédents commerciaux dans un certain nombre de pays émergents, et puis des banques
centrales qui injectent énormément de liquidités dans le système. (Prolongation du QE au moins
jusqu’en mars 2017, entre 1140 et 1500 milliards d’euros).
D’un autre côté, Il y a des obligations qui rapportent très peu aujourd'hui avec un OAT 10 ans à 0.80.
Les investisseurs institutionnels ont donc besoin de diversification, de chercher le rendement et
donc ils vont le chercher ils peuvent le trouver, et l'immobilier leur apparaît comme étant une
des classes d'actifs les plus intéressantes (couple rendement/risque très intéressant, et une prime de
risque historiquement élevée).
A cet effet, 2015 a émarquée par une très forte contraction des taux prime, notamment sur le
marché du bureau.
2 – Comment l'Immobilier performe dans ce contexte ? Le rendement est-il recherché en priorité par
les investisseurs ?
Selon Marc BERTRAND - Directeur Général - LA FRANCAISE, il y a effectivement une composante
« prime de risque » importante. Actuellement, il y a un spread de 240 points de base entre l’OAT et
le prime contre une moyenne historique de 150 points de base. L’immobilier rapporte 3.5% en
moyenne. C’est bien moins qu'avant cependant, cela rapporte beaucoup plus qu’un livret d'épargne
en dessous de 1%, qu’un contrat en euro d’environ 2%.
Dans l’immobilier, on vient chercher une deuxième chose : un refuge à la volatilité ambiante par
rapport au risque. L'immobilier, avec une volatilité beaucoup plus faible en non coté, attire les
investisseurs. Les petits et les grands porteurs de parts viennent se réfugier en termes de
rendement et de volatilité.
3 - Dans ce contexte, aura-t-on toujours un afflux de liquidité qui va se porter sur des produits
immobiliers ?
Selon Marc BERTRAND - Directeur Général - LA FRANCAISE Il n’y a pas de facteurs qui le tariraient.
Aujourd’hui, les taux sont très bas, la pression réglementaire, les rémunérations de l’Etat sont très
basses, la volatilité partout ailleurs est élevée, et pour des raisons réglementaires tous les grands
gestionnaires d'actifs intermédiaires (les compagnies d'assurance), poussent les clients vers des
supports ils portent eux-mêmes le risque, soit les unités de compte de contrat d'assurance et
autre supports qui consomment moins de fonds propres.
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4 Le dernier crack immobilier ayant eu lieu en 2008, est-on dans une logique de bulles aujourd'hui
par rapport à 2007 (où il y a eu la flambée des investissements) ?
Pour Stephan VON BARCZY - Directeur du Département Investissement - JLL, il y a trois différences
notables entre 2007-2008 et 2014-2015 :
- En 2007, la prime de risque n’existait plus, elle était même négative. On pensait que l'immobilier
présentait un potentiel de croissance tel qu’il méritait une rentabilité plus faible que les OAT, donc
une prise de risque négative. Ce n'est pas le cas aujourd'hui ;
- Le recours à l’emprunt est moins important qu’en 2007 ;
- il y a actuellement des investisseurs à plus longs termes et beaucoup plus diligents. De plus,
aujourd'hui, nous disposons d’un marché où tout ne se vend pas forcément et où l’on peut observer
un processus beaucoup plus professionnels.
Il faut aussi regarder le marché locatif et celui de l'investissement, qui sont très souvent décorrélés.
En 2007, les loyers étaient au plus haut, les taux étaient au plus bas et l’ensemble des acteurs
pensaient que les loyers allaient continuer à croitre. Aujourd'hui les investisseurs sont rassurés par
les loyers faibles en France et leur potentiel de réversion positive.
5 – Comment se comporte la France/ Paris par rapport aux grandes capitales européennes ? Est-ce le
même constat ?
Selon Sigrid DUHAMEL - Présidente - CBRE GLOBAL INVESTORS, il y a beaucoup plus de rotation
d’actifs en Allemagne et au Royaume-Uni qu'il n'y en a France. Le Retail en Angleterre connait une
rotation des actifs de commerce nettement plus élevée qu'elle ne l'est en France, où elle est très
faible.
Concernant les taux de capitalisation, il y a une compression sur toutes les classes d’actifs et dans
tous les pays mais pas dans la même mesure partout.
Il est difficile de convaincre des investisseurs européens ou des investisseurs américains qui veulent
investir en euros pour des actifs de bureaux « Prime » en France car au regard du «Risk Adjustment
Return», la France est effectivement en bas de leur liste de choix, avec des taux de 3 % - 3.5%.
Sur l'analyse d'un portefeuille dans sa totalité, beaucoup d'investisseurs pensent que Londres
aujourd'hui, d'un point de vue subjectif, se classe à peu près comme Paris. Ils regardent donc ailleurs
comme Liverpool ou Birmingham.
Pour Stephan VON BARCZY - Directeur du Département Investissement - JLL, Londres, par sa taille,
comme le marché du Royaume-Uni, est quatre fois plus grand que le marché français (80 Milliards
versus 25 milliards d’Euros) avec une plus grande liquidité à l’offre d’actifs, ce qui est important pour
les investisseurs internationaux, dont le problème est les ressources pour gérer le dossier plus que le
prix ou le volume. Il est indéniable que de par l’économie anglaise et la croissance des loyers déjà
existante, on vend plus facilement un actif à Londres. Cependant, les investisseurs diversifient leurs
portefeuilles après plusieurs investissements en Angleterre. Paris arrive en deuxième position. Le
prix des actifs parisiens inclut aussi cette prime de rareté.
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6 – En matière d’expertise : pouvons-nous parler de prime de rareté sur les valeurs ?
Selon Claude GALPIN - Président - VIF EXPERTISE, nous sommes obligés de tenir compte de
l'évolution et de la compression des taux de rendement. On s’inscrit plutôt dans une chaîne
d'évaluation l’on doit regarder le passé et l’avenir. Si on répercutait de façon arithmétique la
baisse des taux de rendement, on aurait dû rendre aux clients cette année des hausses en moyenne,
de portefeuille tertiaire de 20 %. Or, ce n’est pas la réalité puisque actuellement, nous sommes
plutôt sur des hausses de 3 à 4 %.
Le fait de n’être pas focalisé que sur le paramètre taux de rendement, le marché locatif étant l'autre
élément important et lorsque l’on regarde notamment sur les vingt dernières années l’évolution de
valeur locative moyenne sur les segments d’Immostat, on réalise que le tunnel de hausse et de
baisse est d'une dizaine de pour cent.
6bis - Cette différence entre 3% et 4 % n’est-elle pas due à une certaine prudence des évaluateurs
en France contrairement aux homologues britanniques ?
Toujours selon Claude GALPIN - Président - VIF EXPERTISE, ce n’est pas le cas car les chiffres du
marché d'investissement devraient être en 2015 entre 22 et 26 milliards par anticipation. Si on le
rapporte sur le patrimoine total des investisseurs, qui est de 534 milliards, on ne parle que de 3 à 4
% du marché. La compression la plus forte des taux est sur les actifs « Prime » avec des engagements
fermes. Cela représente un petit morceau du marché. En effet, nous sommes sur un marché l’on
a des écarts de taux qui deviennent très importants sur les actifs qui ne sont pas sécurisés. Le métier
d’expert est justement d’appréhender toute cette diversité des situations locatives, afin d’éviter la
déception des investisseurs entre le cout d’achat et le rendement. Il faut sortir de ce raisonnement
globalisant avec le taux « Prime » qui donne la mesure pour les actifs sécurisés.
Christian DE KERANGAL - Directeur général adjoint - IEIF-Institut de l’Epargne Immobilière et
Foncière ajoute qu’il y a 21 ou 22 milliards en immobilier d’entreprise banalisé et 26 milliards si on y
inclut l’hôtellerie.
Claude GALPIN - Président (VIF EXPERTISE), précise que les investisseurs ne parlent plus que de taux
de rendement quand ils sont acquéreurs.
7 – Où la compression est la plus forte ? Est-elle uniquement sur les actifs bureaux « Prime » ?
Quelles sont les typologies d'actifs les plus impactées par cette hausse des valeurs ou cette baisse
des rendements ?
Stephan VON BARCZY - Directeur du Département Investissement - JLL Il n’y a pas de pas de règle
dès lors que l'actif est de très bonne qualité et est considéré comme « prime ». Concernant le « Core
+ » ou le « Value added », le décrochage se fait.
Il ne faut pas prendre que la référence par rapport au coût de l'argent. Il faut en effet, prendre en
compte l’offre et la demande (extrêmement importantes dans la détermination des taux) pour ce
profil de risque qu’est le « Core » et le « Core + ». Il y a en effet plus de demandes que d’offres pour
ce type d’actif. Les investisseurs font le tri entre le « Prime », le « Core » et ce qui l’est moins. On se
retrouve ainsi pour les autres actifs dans une situation beaucoup plus équilibrée entre l'offre et la
demande et on obtient donc une compression moins forte.
Sur le « Value added », dès qu’il y a un actif « distressed » sur le marché, on est sûr d'avoir 10 à 15
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offres. Ainsi, la compression de taux permet un prix plutôt supérieur à ce que l'on pourrait attendre
logiquement, du fait qu’il y ait un décalage avec la demande des investisseurs et l’offre disponible
sur le marché.
8 - Quelle est la politique d’achat des investisseurs ?
D’après Sigrid DUHAMEL - Présidente - CBRE GLOBAL INVESTORS, tout dépend s’ils ont déjà investi
ou non dans un pays. S’ils sont nouveaux sur le continent européen et qu’on leur propose un
immeuble en deuxième couronne loué en totalité, ils refuseront de passer le périphérique. Le
« Grand Paris » semble compromis pour le moment. En règle générale, si un investisseur est habitué
au marché de bureaux dans Paris par exemple, l'intérieur de Paris va continuer à l'intéresser ainsi
que les fondamentaux de l'actif, sa localisation même si ce n’est pas dans le QCA. Pour les actifs
Retail, si c’est la première fois, il va vouloir le « Prime » et regarder la qualité de la performance de
l’actif sur les deux dernières années.
D’après Marc BERTRAND - Directeur Général - LA FRANCAISE, se focaliser juste sur le taux est
justifié, car c’est le paramètre qui a le plus bougé. Actuellement, on a simplement un consensus qui
est très largement partagé par les petits et les grands investisseurs, comme quoi cet environnement
va durer très longtemps. On a une phase de convergence et d’ajustement de la prime de risque.
La question est de savoir quelle est la bonne prime de risque aujourd'hui. On sort de 40 ans
d’inflation et on rentre dans un monde sans inflation. On parle de la durée de vie technique des
actifs de bureaux qui se réduit. De plus, un taux est un rapport entre deux quantités. Si les taux, les
cash-flows et l’économie devaient reprendre, nous aurions alors un mouvement plutôt à la hausse.
9 – Pour les SCPI, vend-on toujours un taux de rendement supérieur à 5%?
Selon Marc BERTRAND - Directeur Général - LA FRANCAISE, le marché a fait son deuil des 5% de
taux de rendement. Il est difficile de produire ce rendement avec le marché de l’investissement
actuel. Les SCPI ont collecté en 2015 3.5 milliards, soit une croissance de 10% du marché, mais dire
que ces résultats permettent d’assurer un taux de rendement de 6% pour faire du 5% ne serait pas
raisonnable. Il faut donc que le taux s’ajuste à la baisse, et c’est ce qui est en train d’arriver par le
marché.
D’après Claude GALPIN - Président - VIF EXPERTISE, le contexte obligataire est important car la
question se pose si l’Europe ne serait pas partie trop tard dans le « Quantitative Easing ». Aux États-
Unis, un autre cycle obligataire est en cours et on va donc retrouver le fameux choc obligataire
connu en 1993-1994. Malgré la zone euro, le marché français reste encore dépendant du marché
américain. Si ce dernier décide d’un nouveau contexte économique, comment l’Europe va-t-elle
alors résister ? Un certain nombre de pays européens n'ont pas fait des réformes de structure pour
relancer véritablement le marccommunautaire. Il faut donc mesurer et tempérer les baisses de
taux pour 2016, mais, si lors du premier semestre 2016, les Américains mettent une pression telle
que les taux remontent, que faudra-t-il faire ? Nous sommes tranquilles grâce aux 250 points de
base de primes, qui risquent cependant de vite fondre.
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