N O T E T E C H N I Q U E La méthode de déplacement de Proetz ● R. Gouzy*, J. Gouzy** L a technique de lavages sinusiens par la méthode de déplacement de Proetz a été décrite par Arthur Proetz, de Saint Louis (Missouri), en 1926 et par Fraser en 1927. Il s’agit d’une méthode fort intéressante, car elle peut se pratiquer de façon courante au cabinet ORL, chez l’enfant, dès l’âge de 4 ans et demi, et chez l’adulte, sans anesthésie générale ou locale. Elle peut se pratiquer soit en ville, soit dans des centres thermaux équipés à cet effet. Alors que les sinus maxillaires frontaux, voire sphénoïdaux, sont accessibles à la ponction, la situation anatomique et l’architecture de l’ethmoïde font que son drainage ou l’introduction de solutions par ponction y sont impossibles, d’où l’intérêt de la méthode de déplacement de Proetz. PRINCIPE Cette méthode est fondée sur la loi de compressibilité des gaz, qui régit les variations de volume de la masse gazeuse en fonction de la pression : quand cette masse devient inférieure au volume du sinus, la différence de volume est remplacée par du liquide qui entre dans le sinus. La méthode de déplacement de Proetz en est une application. Elle consiste à remplir de façon déclive la fosse nasale d’une solution afin de recouvrir de liquide les ostiums des cellules ethmoïdales. Une dépression est ensuite créée dans une fosse nasale. L’air qui remplit le sinus étant à une pression supérieure à celle régnant dans la fosse nasale, il va s’échapper à travers les liquides jusqu’à la fosse nasale en dépression. Lorsque cette dépression cesse, un volume de liquide identique au volume d’air expulsé remplit le sinus. TECHNIQUE 45° du côté à remplir, avec une légère flexion. Cette position évite le recouvrement de l’orifice tubaire par le liquide, mais rend difficile le remplissage du sinus frontal. Nous utilisons une seringue, de 50 ml chez l’adulte et de 20 ml chez l’enfant, pour introduire le liquide dans la fosse nasale. La source de la dépression dans la fosse nasale peut être une poire de caoutchouc de Le Mée, qui permet d’atteindre des dépressions de 120 à 150 mm de mercure. Ce n’est pas celle que nous utilisons : nous préférons employer l’aspirateur ORL 1800 de Pouret. Après quatorze années de pratique quotidienne de lavages sinusiens par la méthode de déplacement de Proetz, ce dernier nous paraît en effet mieux adapté dans la mesure où il permet une aspiration beaucoup plus régulière et où la décontamination est bien plus facile. Nous utilisons conjointement une pipette de Le Mée en verre, reliée à la source d’aspiration électrique par une tubulure en caoutchouc de 2 m. On introduit dans la fosse nasale, du côté à traiter, 8 à 10 ml de liquide (il peut s’agir d’un soluté antibiocorticoïde auquel on a ajouté du sérum physiologique, ou d’eau thermale), tandis que le patient émet des sons “ké, ké, ké”, pendant 10 à 15 secondes. L’aspiration est pratiquée de façon très douce, au départ, dans la narine opposée. La narine du côté traité est obturée par l’intervenant. L’aspiration doit être progressive alors que l’arrêt de la dépression doit, lui, être brusque, par libération simultanée des deux narines. Au cours de cette intervention, le sinus sphénoïdal se remplit le premier, puis certaines cellules ethmoïdales, et le sinus maxillaire. Cela peut être démontré en pratiquant une radiographie en incidence de Hirtz avec du liquide radio-opaque, qui va opacifier les sinus précédemment décrits (figure 1, p. 8). Pour que les ostiums des cellules ethmoïdales soient recouverts par le soluté, ils doivent être situés en position basse par rapport au reste de la fosse nasale. La position utilisée est la position latérale de Le Mée et Richier : le patient est allongé en décubitus dorsal, la tête dépassant légèrement le bord de la table. Dans un premier temps, on met la tête en hyperextension de sorte que la perpendiculaire au sol passe par le tragus et le sillon hyoïdien. Dans un deuxième temps, la tête est tournée à Pour les liquides aqueux, les phases de dépression peuvent être de 2 secondes, suivies de 2 secondes d’arrêt. L’aspiration doit être très douce lors des premières séances pour éviter tout barotraumatisme. Le rythme des lavages est d’une séance tous les deux jours pendant 18 jours, soit 8 ou 10 séances pour obtenir un bon résultat. Dans la même séance, on peut pratiquer jusqu’à 5 aspirations de chaque côté, selon la quantité de muco-pus présent dans les sinus. * ORL à Amélie-les-Bains. ** ORL à la retraite. Il faut recommander au patient, après une séance de déplacement de Proetz, d’éviter de se moucher fort, car cela risquerait de favoriser l’issue de la solution déplacée et donc l’introduction de liquide dans la caisse via la trompe d’Eustache. La Lettre d’Oto-rhino-laryngologie et de chirurgie cervico-faciale - n° 247 - novembre 1999 7 N O T E T E C H N I Q U E INCIDENTS Figure 1. Radiographie standard en incidence de Hirtz : le liquide radio-opaque, déplacé de la fosse nasale selon la technique de Proetz, emplit une partie des cellules ethmoïdales, du sinus sphénoïdal et du sinus maxillaire gauches. Pour mémoire, nous citerons les autres positions de déplacement que nous n’utilisons pas : ● Positions de déplacement des sinus antéro-supérieurs : – position dite “en pronation” de Proetz, en décubitus ventral, tête en flexion forcée dépassant de la table d’examen, la perpendiculaire au sol passant par la suture fronto-nasale et le tragus ; – la position latérale de Le Mée, en décubitus latéro-ventral du côté à irriguer, tête regardant vers le bas, inclinée à 40° en avant sur l’axe du corps ; – la position genu-pectorale d’Amman, vertex posé sur la table. ● Position de déplacement des sinus postérieurs : position dite “en supination” de Proetz, en décubitus dorsal, la perpendiculaire au sol passant par la pointe du menton et le tragus. ● Position de déplacement des sinus latéraux : position latérale, tête basse, de Parkinson modifiée, en décubitus latéral du côté à traiter, la tête formant un angle de 45° avec le plan de la table. Quand l’aspiration est pratiquée avec douceur, la tolérance peut être parfaite. Cependant, des problèmes peuvent survenir avec des septums déviés, des rhinites hypertrophiques, des polyposes nasosinusiennes, d’où l’intérêt de préparer la méthode de déplacement de Proetz par un traitement médical ou par une correction chirurgicale. Cela permet d’éviter les sinusalgies, les céphalées post-lavages et les très rares otalgies. Les épistaxis sont très rares et le plus souvent minimes. L’aspiration doit être particulièrement douce chez des patients sous traitement anticoagulant. Nous n’avons, au cabinet, observé qu’une seule fausse route, chez un enfant, qui s’est résolue sans problème. Il peut exister quelques sensations vertigineuses lors de la mise en position du fait de l’hyperextension du rachis cervical : il suffit alors de relever très légèrement le dossier du divan. CONCLUSION Cette technique de lavages sinusiens par la méthode de déplacement de Proetz, tant au cabinet que lors de la pratique thermale ORL, nous paraît une thérapeutique excellente chez l’adulte comme chez l’enfant (dès 4-5 ans, quand il peut réaliser la contraction sur commande du voile du palais), ne nécessitant pas d’anesthésie. Elle mérite tout à fait sa place dans l’arsenal thérapeutique des sinusites, qu’elles soient itératives (notamment chez l’enfant où l’on évite l’intervention chirurgicale ou la ponction, préjudiciables avant l’âge de 6 ans à cause des germes dentaires) ou chroniques. ■ P O U R E N S A V O I R P L U S . . . ❒ Flottes L., Clerc P., Riu R., Devilla F. La physiologie des sinus, ses applications cliniques et thérapeutiques. Rapport à la Société française d’ORL, Paris, 1960. ❒ Junien-Lavillauroy C., Roux O. Thérapeutiques spéciales des sinus. Encycl Med Chir 20425 A10 4-05-05. ANNONCEURS HOECHST HOUDÉ (Solupred), p. 2 ; SCHERING-PLOUGH (Nasonex, Célestène), p. 4, p. 21 ; SERVIER (Trivastal, Vastarel), p. 9, p. 15 ; GLAXO WELLCOME (Zinnat), p. 12 ; SMITHKLINE BEECHAM (Augmentin), p. 18 ; GRÜNENTHAL (Texodil), p. 28 ; RHÔNE-POULENC RORER (Nasacort), p. 31 ; ROUSSEL DIAMANT (Orelox), p. 32. 8 La Lettre d’Oto-rhino-laryngologie et de chirurgie cervico-faciale - n° 247 - novembre 1999