RSCA : Un patient en fin de vie, entre ses souhaits et la réalité…
Le 5 novembre 2012, me voila interne en gériatrie (SSR) a Broca. Une première journée
où s’entremêlent excitation et inquiétude : l’objectif Badge Rouge est enfin atteint et tout
commence avec un nouveau cycle riche en émotion avec pleins de rencontres aussi
enrichissantes ou marquantes les unes que les autres…
Au bout de quelques semaines, le temps de prendre mes marques et rassembler toutes
mes connaissances accumulées depuis 6 ans mais reclus dans un coin de ma tête après 4
mois de vacances bien méritée, me voila confronté a un patient qui m’a particulièrement
touché…
C’était fin novembre, j’accueillais un patient de 87ans venant de médecine interne,
hospitalisé chez nous au décours d’une décompensation diabétique avec coma
hyperosmolaire sur sepsis sévère et hypothermie a point de départ urinaire (BMR) chez un
patient en post op d’une prostato cystectomie totale avec urétérostomie et colostomie
terminale dont l’histologie retrouve un carcinome urothéliale infiltrant de haut grade G3 peu
différencie et adénocarcinome prostatique gleason 7, un patient donc lourd a gérer rien qu’a
la lecture du compte rendu. La première chose qui me frappe c’est l’indication opératoire
chez ce patient cachectique et grabataire, pourquoi ? Pour cela je n’aurais malheureusement
retrouvé aucune donné, aucun CRH…peut être parce que cela a eu lieu en clinique privé ?
peut etre était ce la volonté du patient de ‘’tenter sa chance’’ ?
En entrant dans sa chambre en isolement septique, je m’aperçois d’un patient âgé, les
cheveux blancs, les joues creuses, la teinte ictérique mais un regard encore vif… en
m’approchant de lui, je vois un patient dans un état de cachexie avancé, ou chaque mots
prononcé est une lutte de tous les instants, c’était peine perdu, on avait vraiment du mal a le
comprendre… l’interrogatoire était donc impossible.
Dans le CRH de médecine interne, on parle d’objectifs tels que la reprise de l’autonomie, la
rééducation a la marche et la renutrition ?? Comment cela est ce possible chez ce patient
avec des troubles de la déglutition majeures, une Alb et pre alb dans les chaussettes, avec
une amyotrophie majeure… s’est il aussi vite dégradé dans l’ambulance durant son
transfert ??
En recherchant ces troubles de la déglutition avec une collègue orthophoniste nous
remarquons qu’il est impossible de le faire boire de l’eau gélifié, chaque bouchée est un
combat, une stimulation de chaque instant chez un patient qui mâchonne seulement…
En reprenant un peu le dossier, je comprends que l’opération censé l’améliorer n’a fait
qu’accélérer les choses… on se renseigne auprès de la famille … il n’en a pas … on
apprend qu’il était comptable dans une congrégation chrétienne, son ami le plus proche est
le père de l’église qui est aussi la personne de confiance.
On lui parle du pronostic gravissime , d’une prise en charge palliative et de confort chez ce
patient, on parle de ne pas réanimer le patient, de ne pas s’obstiner dans l’acharnement
thérapeutique… le père est au clair, le patient aussi…tout le monde est d’accord… sans
doute qu’en médecine interne on brossa un peu mieux le tableau pour qu’on l’accepte…
bref, ils avaient oublié qu’on avait des lits dédiés aux soins palliatifs apparemment…
D’ailleurs le patient était toujours en hypothermie majeur avec des hypotensions itératifs à
son arrivée chez nous.
Le patient n’avait qu’un souhait, rentrer chez lui dans sa congrégation et mourir avec dignité,
tout simplement qu’on le laisse tranquille avec ces proches… mais cela fut impossible, au
début en tout cas, car l’infirmerie de l’église était surchargé, qu’il était en isolement septique,
qu’il avait un pick line où passait sa biantibiothérapie dont la fosfocina introuvable dans les
officines en France et a prendre absolument par voie IV…