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LA MASSE MONETAIRE
Avant d’aborder la définition contemporaine de la masse monétaire, on présentera succinctement et très
schématiquement l’évolution des formes monétaires :
- histoire des mutations de la confiance sociale, qui fonde la monnaie
- long processus de dématérialisation de la monnaie, qui n’a été possible que par la montée en puissance
d’instances et de mécanismes de régulation de la création monétaire.
A - LES FORMES DE LA MONNAIE ET LEUR EVOLUTION
L’histoire de la monnaie, qui est longtemps celle des monnaies métalliques, ne doit pas masquer le fait que la monnaie a
toujours été fiduciaire : elle n’a jamais été la propriété d’une chose matérielle. C’est le consensus social, investi dans
une chose, qui érige celle-ci en monnaie. Et quand la qualité de la « chose » est remise en question (falsification,
remplacement du métal par du papier, etc.), ce qui est remis en question ce n’est pas une soi-disant propriété monétaire
de la « chose », mais la confiance qui s’y incarne. La « chose » n’est toujours que symbole, même si cela n’apparaît pas
aux contemporains - voire, si cela ne doit pas apparaître. Et c’est, en fait, la capacité de l’émetteur d’une forme
monétaire à en réguler la quantité émise, qui est déterminante pour assurer la perpétuation du consensus monétaire.
C’est ce que montre le processus de dématérialisation qui caractérise l’histoire de la monnaie - càd la perte progressive
de tout rattachement de l’instrument monétaire à un objet matériel.
1) Des monnaies marchandises à la monnaie métallique frappée.
a) Origines
• Des biens cérémoniels. Ex. : les bracelets et colliers de coquillages dans l’échange Kula, observé au début du XXème
siècle dans les îles Trobiand par B. MALINOVSKI (1884-1942). Objets sans intérêt économique, strictement
cérémoniels et symboliques, ils sont confèrent du prestige social. Ils permettent aussi des alliances politiques entre
tribus, et sont donc source de liens sociaux.
• Certains objets sont aussi utiles, parallèlement à leur force symbolique. Ex. : blocs de thé, bétail (pecus en latin, qui est
à l’origine de « pécule », « pécuniaire »).
• Les métaux précieux auront un destin monétaire privilégié. Dotés d’une grande puissance symbolique, ils
s’incorporent dans des objets (cérémoniels, décoratifs, utiles, etc.) qui deviennent des monnaies marchandises. Par la
suite le caractère monétaire va s’abstraire de la forme de l’objet : seules la qualité et la quantité du métal vont compter -
quantité qui sera mesurée par la pesée, ce qui explique que certaines monnaies ont pris le nom d’une unité de poids
(livre, peso, mark, etc.)
Deux métaux vont dominer : l’or et l’argent. Ils ont des propriétés particulièrement adaptées au rôle de monnaie :
quasiment inoxydables et fractionnables sans perte de valeur (propriété que n’a pas le diamant, par ex.), ils sont
relativement rares, mais leur métallurgie est aisée.
En tant que monnaie, l’or et l’argent seront des équivalents généraux de tous les biens échangeables. MARX dira d’eux
qu’ils permettent de socialiser les biens privés.
b) De la monnaie pesée à la monnaie comptée
• Pour simplifier son usage on passe de la pesée du métal à la fabrication d’unités de poids uniforme : les lingots
(premières monnaies grecques au VIIIème siècle av. J. C.). L’évaluation de la quantité de monnaie passe désormais par
le comptage.
Pour éviter la falsification des lingots par fourrage, on invente les pièces de monnaie.
• Une autre évolution essentielle est l’estampillage des instruments monétaires : l’émetteur y imprime son effigie. Dès
lors l’acceptation de la monnaie repose sur la confiance dans son émetteur - sa notoriété. C’est une étape importante de
l’histoire monétaire : la confiance dans une chose passe désormais par la confiance dans une personne.
c) La frappe monétaire devient le monopole du prince
• Face à la grande diversité des lingots et des pièces, on a pris l’habitude de libeller les prix et les contrats en monnaie
de compte. Ex. la livre en France : la livre tournois (Tours) succède en 1667 à la livre parisis (Paris).
Les monnaies métalliques ont donc trois caractéristiques qui déterminent leur valeur :
- leur poids (quantité)
- leur titre, ou aloi (qualité)
- leur cours en monnaie de compte
Ex. l’écu d’or créé par Louis XI en 1461 pèse 3,45 grammes et vaut 1 livre 13 sols tournois