AUSKLANG
1 | N° 2 | Mai 2015
VIVERE CON LA SMVIVRE AVEC LA SEP
Comme chez les adultes, le diagnostic de SEP chez les jeunes
patients se base sur des symptômes typiques et sur des résul-
tats dexamens. Bien que les traitements disponibles n’aient pas
été explicitement testés chez les enfants, ils sont utilisés chez les
jeunes personnes atteintes et fournissent de bons résultats mais
aussi des eets indésirables similaires.
SEP de l’enfant et de l’adolescent relativement sous-estimée
Bien que la SEP survienne la plupart du temps entre lâge de 20
et 40ans, de plus en plus détudes scientiques montrent que la
maladie survient souvent à un plus jeune âge qu’on ne le pense.
Des études scientiques tendent à prouver que la SEP se décla-
re plus fréquemment chez lenfant que ce que lon croyait jus-
qu’à présent. Dans environ 10% des cas, le diagnostic de SEP est
établi avant la 20e année, dont environ 5% avant la 16e ane.
Bien que les dénitions et les catégories ne soient pas unifor-
misées, on distingue la manifestation de la pathologie avant la
10e année («True Childhood MS» ou «SEP de lenfant vraie»)
de sa manifestation entre la 10e et la 16e année («SEP juvénile»).
Cette dernière forme est beaucoup plus fréquente, avec un pic
dapparition postpubertaire. Le ratio garçon/lle est presque
égal avant la puberté, tandis que le pourcentage de lles atteintes
est nettement supérieur après la puberté. La SEP de lenfant et de
ladolescent est, comme chez ladulte, une aection inammat-
oire chronique du système nerveux central qui se manifeste par
des poussées touchant diverses zones du système nerveux cent-
ral à diérents moments. Par conséquent, le diagnostic se fonde,
comme chez les adultes, sur lanamnèse (antécédents médicaux),
sur la présence de symptômes typiques, sur des particularités du
liquide céphalo-rachidien et sur les images du cerveau obtenues
par résonance magtique (IRM).
Evolution diérente
En raison de la diversité des symptômes, la SEP est connue com-
me la «maladie aux 1000visages». En particulier chez les jeu-
nes, lensemble des symptômes est souvent plus complexe que
PLUS D’ENFANTS ET
DADOLESCENTS
ATTEINTS DE SEP
De nombreuses études montrent que la SEP peut également survenir chez les enfants et
les adolescents, un phénomène sous-estimé. Elle est plus fréquente qu’on ne le
croyait jusqu’à présent et dans 10% des cas, le diagnostic est posé avant la 20
e
année.
AUSKLANG
FORTE N° 2 | Mai 2015 | 2
VIVRE AVEC LA SEP
chez les adultes. Il n’est pas rare que plusieurs symptômes se
manifestent en même temps. En conséquence, lors du diagno-
stic chez les enfants et les jeunes, il convient de considérer de
nombreuses autres maladies possibles qui sont spéciques à ces
tranches dâge (aectant les défenses immunitaires), dorigine
neurométabolique (aectant le métabolisme des neurones) ou
dorigine infectieuse (due à un agent pathogène).
Par ailleurs, la SEP de lenfant progresse presque exclusivement
par poussées, avant dévoluer entre 15 et 20 ans vers une forme
progressive secondaire, qui se caractérise par laccumulation
continue des symptômes, sans qu’il soit possible d’identier des
poussées distinctes. Autrement dit, la SEP de lenfant progresse
plus lentement entre le début de la maladie et le handicap chro-
nique mais ce dernier stade survient en moyenne 10 ans plus tôt
chez le patient ayant contracté la SEP enfant ou adolescent que
chez les patients touchés après leur 18e année.
Développement des performances intellectuelles
Il faut avant tout préciser que le développement cérébral est
loin dêtre ni à la naissance: lexpérience et les inuences de
lenvironnement stimulent progressivement la connexion des
neurones de manière à obtenir une fonctionnalité optimale.
Par exemple, pour permettre la reconnaissance dun objet, sa
dénomination et lappréciation de son rapport à dautres ob-
jets, un grand nombre de neurones diérents doivent commu-
niquer le plus rapidement possible au sein du cerveau: à cet eet,
des groupes entiers de neurones se «connectent». La myéline,
gaine protectrice des bres nerveuses, joue ici un rôle crucial
dans la mesure où elle assure assez rapidement la liaison ent-
re les diérentes zones du cerveau. Des études scientiques ont
montré que, dans certaines régions cérébrales, ce processus de
connexion se prolonge jusqu’au jeune âge adulte. Dès lors, les
perturbations de ce processus liées à la SEP (qui provoque une
dégradation partielle ou totale de la myéline) peuvent avoir de
graves conséquences pour les personnes atteintes. Elles peuvent
entraîner une altération des performances intellectuelles de
lenfant, qui se traduit, comme chez ladulte atteint de SEP, par
des dicultés dattention, de concentration et de mémorisation
ainsi que par un ralentissement de la réexion. Contrairement
à ce que lon observe chez les adultes, les fonctions du langage
sont également aectées chez les enfants et les jeunes atteints de
SEP. Ceci pourrait être dû au fait que l’acquisition du langage
ne se limite pas à lapprentissage d’un volume donné de vocabu-
laire: pour maîtriser les nuances linguistiques, il faut disposer
de bonnes connexions nerveuses et dune certaine rapidité de
réexion. Lensemble de ces facteurs peut aboutir à une nette
dégradation des performances scolaires des enfants et des ado-
lescents atteints de SEP. Il est alors dautant plus important que
les patients eux-mêmes, ou leurs parents et enseignants, agissent
face aux faiblesses qu’ils détectent. Dans ces conditions, il est re-
commandé deectuer des examens neuropsychologiques et de
prendre des mesures daide et de soutien directement aups des
jeunes patients (p. ex. sous la forme de soutien scolaire et sportif
spécique) comme des proches (parents, frères et soeurs, amis)
an de veiller à une bonne compréhension de la situation.
En présence de problèmes particuliers, il peut être utile déla-
borer des stratégies adaptées en commun. Enn, selon les cas,
des entretiens avec le service psychologique scolaire et des séan-
ces de thérapie familiale peuvent fournir une aide précieuse. On
peut heureusement supposer que le potentiel de régénération
de lenfant et de ladolescent est nettement supérieur à celui des
adultes plus âgés et ore ainsi un terrain particulièrement fertile
aux mesures de soutien thérapeutiques et de réhabilitation.
A lheure actuelle, il n’existe aucune étude spécique qui analy-
se systématiquement les possibilités de traitement établies de la
SEP chez les enfants et les jeunes. Résultat: le traitement reprend
essentiellement le même concept que pour les adultes, concept
qui tient compte de lévolution de la maladie. Le traitement de
la SEP récurrente/rémittente ore le plus grand choix dalterna-
tives tandis que des recherches sont menées sans relâche pour
améliorer le traitement de la SEP primaire progressive.
Comme pour les adultes, il convient de mettre en place un trai-
tement complet et cohérent, c’est-à-dire médicamenteux et non
médicamenteux, le plus tôt possible an de prévenir les handi-
caps permanents ou les malformations qui peuvent en découler.
Problèmes psychosociaux
Un aspect essentiel à prendre en compte dans ce groupe dâge est
le stade de développement psychosocial dans lequel il se trouve.
Liberté totale de mouvement, identité de rôle, mais aussi évolu-
tion des performances scolaires et désir dautonomie: autant de
besoins et de composants essentiels à un développement psycho-
logique sain que la SEP est susceptible de compromettre. Ain-
si, les modications de la substance cérébrale et les absences à
lécole dues aux poussées peuvent entraîner une chute des résul-
tats scolaires et, partant, une «attitude déchec» qui freinera le
développement ultérieur du jeune patient.
En parallèle, les absences et la participation réduite aux activités
collectives à lécole ou pendant les loisirs risquent d’entrner un
manque, voire une absence totale de reconnaissance de la part
des jeunes du même âge. A son tour, cette situation peut être à
lorigine de baisses de moral et de tendances à lisolement pour
les jeunes concernés. Le cumul de ces répercussions peut aboutir
à un repli social, voire à la dépression.
Puberté, image du corps et SEP
A la puberté, les changements corporels s’accompagnent dune
nouvelle image du corps que les jeunes doivent intégrer progres-
sivement. Cependant, lintégration dune nouvelle image cor-
porelle nécessite également de la part du jeune concerné dac-
cepter le corps qui se transforme durant la phase de puberté.
Les jeunes atteints de SEP sont souvent limités par certains
symptômes; ils ne se sentent pas toujours bien dans leur corps,
se comparent avec dautres jeunes et ressentent parfois un senti-
ment de déception lié aux déciences corporelles. Ce sentiment
peut également s’accentuer si le corps ne correspond pas à un
idéal. Ainsi, un processus faussé de lintégration de la nouvelle
image corporelle équivalent à une déception risque dentraîner
une sorte de «réaction de tristesse». Celle-ci peut s’accompagner
de sentiments contradictoires comme le fait de «ne pas vouloir
admettre» (désaveu), de la colère mais aussi un sentiment de cul-
pabilité. Dans ce cas, il faut faire appel à un accompagnement
et à une assistance an de procéder aux adaptations nécessaires
pour nalement aboutir à une acceptation. Enn, il n’est pas fa-
cile pour les jeunes atteints de SEP dassumer la responsabilité
dun traitement à vie de leur maladie.
Dés à relever pour les parents
Il s’agit dune phase de vie dicile pour tous les jeunes car elle
implique une aspiration à lautonomie et le besoin de décider
en toute indépendance. Comme tous les jeunes, ceux atteints de
SEP n’échappent pas à un processus de démarcation par rap-
port à leurs parents dans le cadre du développement de leur
personnalité. Cette phase est souvent caractérisée par des sautes
dhumeur et par une uctuation des résultats scolaires.
C’est bien pour cette raison quil n’est pas facile pour les person-
nes concernées, mais aussi pour les parents, de faire la distin-
ction entre les perturbations liées à la SEP et les changements
«normaux» de performance des jeunes. Les parents des jeunes
concernés ressentent alors une certaine insécurité, qui s’accen-
tue par des messages du type «Est-ce qu’il ne veut pas ou ne peut
pas?». Ici, il faut savoir que, souvent, les deux facteurs interagis-
sent... dune part la phase de vie particulière qui signie pour les
jeunes la recherche dindépendance et, dautre part, les change-
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VIVRE AVEC LA SEP
ments liés à la SEP pouvant entraîner des limites, qui, dun point
de vue psychologique, ne sont pas toujours faciles à distinguer
dune «attitude de révolte».
Réunies, ces dicultés représentent un obstacle de taille dans
le développement psychosocial des jeunes concernés. Il est donc
important dêtre bien conscient de ces conditions et de proposer
des mesures de soutien susamment tôt aux jeunes gens touchés.
D’une part, les parents devraient comprendre que derrière un «je
ne veux pas», ne se cache pas forcément une attitude de refus ty-
pique des adolescents, mais parfois également un «je ne peux pa
lié à la maladie. Il est important de comprendre que sur leur che-
min vers lâge adulte, les jeunes atteints dune maladie chronique
vivront, dune part, une période instable, typique de l’adolescen-
ce, et devront, dautre part, fournir des «eorts» psychologiques à
maints égards an de parvenir à franchir cette étape. Il est donc
important de rester à leurs côtés et de les accompagner avec con-
ance tout en faisant preuve dobligeance. En revanche, la maladie
n’est pas une raison pour les parents de couver leurs enfants outre
mesure. Aussi, il nest pas toujours facile de trouver le bon équi-
libre et il faut parfois demander un conseil psychologique que les
parents et les pédagogues ne devraient pas craindre.
Texte: Prof. Dr Pasquale Calabrese,
conseiller en psychothérapie, neuropsychologie et neurologue
comportemental auprès de la Société suisse SEP
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