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ENS/Ulm – Séminaire de recherche
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Ethique et armes nucléaires,
une approche interdisciplinaire (philosophie, droit, histoire, sciences)
Les armes nucléaires, par leurs effets physiques et les représentations qui les entourent, posent aux
démocraties depuis 1945 un dilemme de nature morale et juridique. La période qui s’étend de 1945
à 1991 voit ainsi se multiplier, notamment en Occident, les interrogations et questionnements,
philosophiques, religieux et conceptuels, sur la moralité, l’immoralité ou l’amoralité de la dissuasion
nucléaire. Depuis la fin de la Guerre froide, avec la disparition de la menace totalitaire soviétique et
plus encore depuis la fin des années 2000, les débats théoriques qu’elle suscite ont pris un nouveau
tour, plus moralisateur, plus absolu, plus accusatoire. Depuis 2014, alors que le spectre d’une guerre
majeure à l’Est a été ranimé en Europe par les provocations russes, elle s’est faite plus pressante.
Ce séminaire de recherche se propose de revenir aux questions de fond que pose la menace d’une
arme de destruction massive telle que l’arme nucléaire pour une démocratie moderne, en mêlant
approche scientifique et théorique, analyse juridique, interrogation philosophique et éclairage
historique. Il se présentera sous la forme d’un atelier de réflexion collective, associant étudiants,
chercheurs, professeurs et professionnels. Sept séances de trois heures sont prévues à cet effet entre
fin mars et mai 2016. Les trois animateurs de ce séminaire feront une présentation initiale d’environ
une heure au début de chaque séance, pour ouvrir la discussion. Une bibliographie sera fournie sur
les principaux thèmes de chaque séance.
1. Séance n°1 (jeudi 31 mars, 17h/20h) – Introduction technique et théorique au problème
moral : les armes nucléaires, leurs effets, leurs doctrines d’emploi, les options de ciblage
Toute réflexion sur les paradoxes moraux et éthiques de la dissuasion nucléaire doit se fonder sur la
connaissance de quelques faits et concepts stratégiques, sur la maîtrise minimale d’une certaine
grammaire nucléaire. Trois domaines plus particulièrement utiles à la réflexion philosophique seront
notamment explorés en introduction. L’arme nucléaire tient sa singularité stratégique et historique
des effets dévastateurs de son emploi, démontrés à Hiroshima et Nagasaki. Depuis 1945, toutefois,
de nombreux concepts différents d’arme nucléaire ont été développés qui ouvrent la possibilité
d’usages différents ; pour un esprit français, arme et dissuasion nucléaires se confondent
généralement, mais l’histoire de l’ère nucléaire militaire montre que des doctrines très différentes, y
compris d’emploi, ont été adoptées. Enfin, à la croisée de ces deux aspects technologiques et
stratégiques, des options diverses de ciblage, c’est-à-dire de choix de cibles pour les armes, ont été
développées par les grands Etats nucléaires. Cette introduction technique et doctrinale sera
complétée d’une mise en perspective historique des grands débats sur la moralité, l’immoralité ou
l’amoralité de l’arme depuis 1945.
2. Séance n°2 (mercredi 6 avril, 17h/20h) – Introduction philosophique à l’éthique de l’arme
nucléaire et de la dissuasion : concepts et doctrines
Cette deuxième séance sera consacrée aux concepts et doctrines de l’éthique normative
contemporaine mobilisables pour penser l’arme nucléaire et la dissuasion (déontologisme,
conséquentialisme, éthique de la vertu), et au domaine d’éthique appliquée dans lequel ces
réflexions ont lieu : l’éthique de la guerre (jus ad bellum, jus in bello, jus post bellum), et plus
précisément l’éthique des armes. On s’intéressera notamment à la manière dont l’arme nucléaire et
les doctrines de dissuasion transforment le cadre classique de problématisation philosophique de la
guerre juste, et du droit de la guerre. Ces éléments introductifs permettront de cadrer une question