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Faire mémoire - la notion de mémorial dans l’Ecriture Sainte.
La notion de faire mémoire, de mémorial est extrêmement importante dans la Bible. Dans
l’Ancien Testament, le terme hébreu Zaḳhar - se souvenir, faire mémoire, revient plus d’une
centaine de fois.
Ce mot est à l’origine du prénom Zacharie « Dieu se souvient » ; Dieu s’est souvenu de sa
promesse et a donné à Zacharie et aux hommes le plus grand des prophètes Saint Jean-Baptiste.
La question du souvenir, de faire mémoire, est liée à l’amour, toute la Bible est une question de
mémoire, d’amour et d’Alliance entre Dieu et les hommes.
Cette notion de mémoire explique que l’on trouve souvent deux passages relatant un même
évènement dans le même livre, le même chapitre et souvent à la suite (la création, le passage de la
Mer Rouge…). Le passage de la Mer Rouge est cité dans le livre de l’Exode, le Psautier, Le livre
de la Sagesse, Jésus et Saint Paul en parlent dans les Evangiles.
La Bible ne fait que répéter la même chose mais jamais de la même manière, la répétition est
essentielle : elle permet l’imprégnation de l’information jusqu’à sa pénétration dans le cœur des
hommes.
Souviens-toi, Se Souvenir est un commandement biblique. Se souvenir pour raconter et pour
vivre maintenant de ce que Dieu a fait, dit, raconté et enseigné :
« Ce jour-là sera pour vous un mémorial. Vous en ferez pour le Seigneur une fête de pèlerinage. C’est un
décret perpétuel : d’âge en âge vous la fêterez. » (Ex 12-14)
« Souviens-toi du jour du sabbat pour le sanctifier. » (Ex 20-12)
« Ces paroles que je te donne aujourd’hui resteront dans ton cœur.
Tu les rediras à tes fils, tu les répéteras sans cesse, à la maison ou en voyage, que tu sois couché ou que tu
sois levé ; tu les attacheras à ton poignet comme un signe, elles seront un bandeau sur ton front, tu les
inscriras à l’entrée de ta maison et aux portes de ta ville […]
Alors garde-toi d’oublier le Seigneur, lui qui t’a fait sortir d’Égypte, de la maison d’esclavage. » (Dt 6,
6-9 Dt 6-12)
« Souviens-toi de la longue marche que tu as faite pendant quarante années dans le désert ; le Seigneur
ton Dieu te l’a imposée pour te faire passer par la pauvreté ; il voulait t’éprouver et savoir ce que tu as
dans le cœur : allais-tu garder ses commandements, oui ou non ? » (Dt 8,2)
De même, la généalogie de Jésus dans l’Evangile de Saint Matthieu (chapitre 1, versets 1 à 17) et
dans l’Evangile de Saint Luc (chapitre 3, versets 23 à 38) nous dit que Dieu est fidèle (à un
homme, Abraham ; à une famille ; à un clan ; à un peuple) et nous permet de nous souvenir que
Dieu a agi à travers les générations ce qui nous met dans un dynamique de foi et d’espérance. On
se souvient que le salut a été donné et qu’il se donne encore. L’histoire et les paroles des
prophètes n’ont d’intérêt que parce qu’ils sont des modèles de foi et pas seulement des
personnages historiques.
Souvent avec la notion de mémorial la Bible associe des objets telle la stèle comme Josué qui
plante 12 pierres (pour chaque tribu d’Israël) comme témoin pour que les hommes se
souviennent des engagements pris librement et qu’ils en vivent :
« Et quand, demain, vos fils demanderont : “Que signifient pour vous ces pierres ?”,
Vous répondrez : “Les eaux du Jourdain se sont séparées devant l’arche de l’Alliance du Seigneur
quand elle passa dans le Jourdain. Les eaux du Jourdain ont été séparées, et ces pierres deviendront un
mémorial pour les fils d’Israël à jamais”. » (Js 4, 6-7)
« Josué inscrivit tout cela dans le livre de la loi de Dieu. Il prit une grande pierre et la dressa sous le chêne
qui était dans le sanctuaire du Seigneur.
Il dit à tout le peuple : « Voici une pierre qui servira de témoin contre nous, car elle a entendu toutes les
paroles que le Seigneur nous a dites ; elle servira de témoin contre vous, pour vous empêcher de renier votre
Dieu. » (Js 24, 26-27)
Cette notion de se souvenir des engagements est présente dans la notion d’anniversaire, en
particuliers celui de mariage ou de d’ordination, se souvenir de cette date comme fondatrice et
s’appuyer sur ce que nous avons reçus à cette date pour construire sa vocation, jour après jour.
Peu à peu la notion de mémorial va passer par l’écrit, la tradition est plutôt orale. On raconte
puis on met par écrit, particulièrement en temps de crises et de conflits.
Il faut trouver une solution pour continuer à se souvenir, à raconter afin d’observer le
commandement de Dieu et on choisit de mettre tous les témoignages qui se juxtaposent ou
s’explicitent. La tradition orale s’est enrichie au cours de l’histoire car Dieu, au fur et à mesure,
donne des éléments qui annoncent son Fils. Le mot Bible met en avant cette notion, le mot grec
ta biblia veut dire bibliothèque, la Bible est donc une collection de livres.
Après la destruction du Temple de Jérusalem en l’an 70 ap. JC sous le règne de Titus, se pose,
avec urgence, la question de la délimitation du canon (canon règle) des livres sacrés qui norment la
vie religieuse. Ayant perdu le Temple et ses autorités sacerdotales, le judaïsme a ressenti le besoin
de se doter du corpus de l’Ecriture sainte qui constituerait désormais le cœur du judaïsme. Le
« concile » de Yavné (ou Yavna) clôt le canon de la Torah, ce que nous appelons l’Ancien
Testament. C’est le début du judaïsme moderne. Tout ce qui va venir enrichir la Torah sera du
domaine de la tradition orale. Le livre devient très important : on fait des processions avec les
rouleaux de la Torah dans les synagogues, sur la place du mur du Qotel (appelé aussi à tort le
mur des lamentations, pour les garçons devenant bar mitsvah, c’est-à-dire fils du
commandement). Ainsi la Tradition précède l’Ecriture et s’approfondit en l’interprétant.
LE GRAND MEMORIAL : LA PAQUE.
Pessaḥ = le passage, Dieu est passé au-dessus des maisons des juifs pour frapper seulement celle
des Egyptiens ; grâce à Dieu les juifs sont passés de l’esclavage à la liberté, du désert à la Terre
promise.
Le mémorial était représenté par un objet, une parole qu’on se transmet puis qui est écrite. Le
mémoriel devient une action liturgique. Pour la Pâque, il passe par un repas très codifié = le
seder pascal.
- On mange accoudé à la table comme les romains en signe de liberté même si on est
esclave car, par la Pâque, Dieu a rendu l’homme libre (d’où le geste rituel du prêtre
lors de la consécration qui s’accoude à l’autel dans la forme extraordinaire du rit
romain).
- On y mange le pain Azyme sans levain (40 jours avant la Paque on nettoie la maison
pour y enlever toute trace de levain ; de même pendant les 40 jours de Carême, les
-
chrétiens nettoient tout le levain intérieur qui pourrit le cœur – le péché – d’où
l’obligation de la confession pascale).
On y mange les herbes amères pour se souvenir de l’amertume du peuple juif avant
sa libération
On y mange le harroset, mélange de fruits et de noix pour rappeler la douceur de Dieu.
On y mangeait l’agneau (depuis la destruction du Temple on met juste sur la table un
os avec de la chair rôtie).
Rituel des 4 coupes de vin (à la Messe, on ne garde, pendant la consécration, que la
bénédiction sur la 4eme et dernière coupe dite « coupe de bénédiction »).
A travers ce repas sacré et codifié, on fait mémoire de l’action divine pour se rendre présent à
l’action divine. Le plus jeune convive pose plusieurs questions rituelles : Pourquoi ne mange-t-on
que des pains azymes ? Pourquoi ne mange-t-on que des herbes amères ? Pourquoi mange-t-on
de la viande que rôtie ?... Le père répond soit librement en racontant la libération soit avec les
réponses écrites dans la Haggadah (le récit – le livre rituel décrivant l’ordonnancement de la
célébration).
Tous les signes de l’Ancien Testament préparent les hommes à recevoir les sacrements.
LE MEMORIAL DE LA MESSE.
La Messe fait mémoire des actions de Dieu dans le passé et qu’il fait encore pour nous
aujourd’hui : c’est la liturgie de la Parole qui nous prépare à célébrer et recevoir les sacrements.
La Messe est le mémorial de la mort et de la résurrection de Jésus d’où l’Anamnèse (anamnesis en
grec = se souvenir). Le Prêtre, par ses paroles, ses gestes, son action liturgique, rend présent le
Christ et les effets de sa Passion, de sa mort et de sa Résurrection (Nous rappelons ta mort, Seigneur
Jésus, nous célébrons ta résurrection, nous attendons ta venue dans la gloire).
La Messe est également un mémorial du temps liturgique et de la vie de Jésus.
- Accueil/ Prière d’ouverture = se mettre en présence de Dieu = Temps de l’Avent.
- Le Gloria = chant des anges après la naissance du Sauveur.
- Les Lectures = la vie publique de Jésus (c’est Jésus qui est annoncé dans l’Ancien
Testament et qui nous enseigne dans l’Evangile).
- Le Credo = profession de foi de Pierre avant la montée vers Jérusalem.
- Offertoire = la préparation de la salle par les disciples avant le repas de la Pâque.
- Sanctus = comme aux Rameaux, on chante « Hosannah au plus haut des cieux ».
- Le Jeudi Saint = les paroles de la consécration le avec les mêmes gestes et les mêmes
paroles : c’est Jésus Lui-même, à travers les paroles et les gestes du Prêtre qui
consacre le pain et le vin.
- Le Vendredi Saint : le pain et le vin sont séparés en signe de mort, représentant –
rendant présent – le corps exsangue du Sauveur sur la Croix
- Le Samedi Saint : le Corps du Christ est posé sur le corporal qui symbolise le linceul
et dans la patène, rappelant la pierre roulée qui cachait le corps du Christ au Sépulcre.
- Puis le prêtre rompt la sainte hostie et en met une parcelle dans le calice
(commixtion), le Corps et le Sang de Jésus sont réunis – signe de la Résurrection –
comme au matin de Pâques.
-
Lors de l’élévation on voit l’hostie rompue signe de Jésus ressuscité mais marqué des
sacrés stigmates : c’est Jésus ressuscité qui montre ses plaies aux Apôtres.
Puis Jésus ressuscité se donne aux disciples d’Emmaüs au cours d’un repas : c’est le
temps de la communion.
L’envoi correspond aux derniers mots que Jésus adresse à ses disciples après sa
résurrection : « Jésus s’approcha d’eux et leur adressa ces paroles : « Tout pouvoir m’a été donné
au ciel et sur la terre. Allez ! De toutes les nations faites des disciples : baptisez-les au nom du Père,
et du Fils, et du Saint-Esprit, apprenez-leur à observer tout ce que je vous ai commandé. Et moi, je
suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde. » (Mt 28, 18-20).
Je vais à la Messe pour rendre grâce pour les actions divines passées, pour demander à Dieu qu’Il
continue son œuvre dans ma vie, et recevoir la grâce salvifique de la Passion, de la vie et de la
mort, de la Résurrection du Christ. Chaque geste, chaque parole, chaque objet, couleur… tout,
même ce qui est symbolique, me met en contact avec le Christ ressuscité. Ainsi, quand je vais à la
Messe, je ne suis pas à Paris, en 2014, dans telle Paroisse, avec tel Prêtre, je suis avec le Christ,
rendu présent à son action salvifique. Je suis dehors du temps et de l’espace, déjà dans le
Royaume, au milieu des Anges et des Saints mentionnés plusieurs fois dans la liturgie. La Messe
est un mémorial et un avant-goût du Ciel et de l’éternité.
Faire mémoire, c’est faire quelque chose de vivant, c’est plus que se souvenir d’un acte passé et
terminé. On fait mémoire pour en vivre aujourd’hui et en faire vivre les autres.
Ainsi, en grec, le verbe peut prendre deux formes au passé : soit une forme qui indique un acte
passé et terminé ; soit une forme qui indique un acte passé mais qui se poursuit dans le présent.
C’est cette seconde forme qui est utilisée pour parler de la Résurrection : Il est ressuscité dans le
passé mais demeure, pour toujours, dans l’état de ressuscité.
Quand on fait mémoire, on puise à la source divine de ce qui a déjà été offert une fois pour
toute, pour, à notre tour, nous ressourcer et l’offrir au monde entier.
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