nos recherches, y jette le trouble et la confusion". Platon sous-entend par là que nous sommes
toujours trompés par nos sens. Prenons pour exemple le chêne contre lequel nous nous sommes
adossés: nous avons bel et bien l'impression qu'il est immense. Pourtant, il suffit que l'on s'élève
un petit peu au-dessus de notre planète pour constater que l'arbre n'est pas si grand qu'on le
pensait, qu'il n'est qu'une poussière à l'échelle de l'univers. Alors que nous avons cru atteindre la
vérité, il n'en est rien... Le monde sensible est donc apparent, irréel, illusoire. L'objectivité (
caractère de ce qui existe indépendamment de l'esprit humain) que requiert la recherche de la
vérité, semble impossible à atteindre. Notre enveloppe matérielle agit donc comme un voile
opaque séparant notre esprit du réel et "nous paralyse au point qu'il nous rend incapables de
discerner la vérité". Il "nous paralyse" car il nous enferme dans nos opinions, toujours
particulières et fondées sur des rapports de pouvoir matériels. Pour Platon, philosopher serait
donc être capable de se détacher de son corps, de s'éloigner du monde des sensations, de prendre
de la distance par rapport à l'existence pour atteindre le monde des idées et approcher la Vérité.
Ainsi, le corps et l'âme, bien que rassemblés en un seul homme, sont en total désaccord:
l'âme veut atteindre la vérité par la raison, mais le corps, agissant en véritable parasite, ne lui
laisse pas le loisir de s'épanouir et l'induit sans cesse en erreur, rendant son entreprise impossible.
Cependant, la théorie de Platon soulève de nombreuses questions auxquelles il serait à présent
bon de s'intéresser.
Il convient donc maintenant de porter un regard critique sur les idées qui sont au coeur de
ce texte.
Tout d'abord, l'objet du conflit entre l'âme et le corps peut être débattu. Dès la première
phrase, Platon est catégorique :"l'objet de nos désirs, c'est la vérité". Cette affirmation peut
paraître surprenante au premier abord. La vérité est-elle l'objet de nos désirs? Nous sommes nous
déjà dit, au saut du lit, que la journée qui s'annonçait était particulièrement propice à la recherche
de la vérité? Non, notre plus grand désir à ce moment-là, c'est de prendre un bon petit déjeuner...
La vérité est une idée, elle ne correspond à rien de sensible. Si elle ne correspond à rien de
sensible, alors elle ne saurait être utile, au sens de vital. On ne se nourrit pas de vérité, on ne se
désaltère pas de vérité, on ne se soigne pas de vérité... Pourquoi vouloir la vérité à tout prix?
Vaut-elle la peine d'être recherchée? On peut préférer d'autres valeurs à la vérité, telles que le
Bonheur par exemple. On peut trouver beaucoup plus agréable de rechercher un état de
satisfaction globale et durable que de rechercher la vérité, surtout si elle est inaccessible! Mais
alors, pourquoi est-il important de chercher la vérité? Peut-être parce qu'il arrive à notre
conscience (capacité qui est en nous, de nous rendre compte de ce que nous vivons, au fur et à
mesure que nous le vivons) de nombreuses questions et, qu'essayer d'y répondre, même si cela
peut sembler vain, c'est en quelque sorte le signe de notre dignité d'homme. On pourrait alors
plutôt envisager la quête de la vérité comme un devoir.
De plus, le jugement de Platon à l'égard de notre enveloppe matérielle est extrêmement
tranché et mériterait d'être discuté. Selon lui, le corps serait responsable de tous nos maux et de
tous les malheurs qui existent sur Terre. Il le considère tel un "mal". Faut-il être à ce point
catégorique? Le corps impose bien des contraintes, certes, mais il peut aussi être source de
plaisir. La vie ne perdrait-elle pas toute saveur si l'on ne possédait plus de corps, si l'on ne
pouvait plus admirer un paysage, croquer dans un fruit mûr, aimer quelqu'un...? D'après le
principe épicurien, le bonheur consisterait à accumuler les plaisirs résultant de satisfaction de nos
besoins naturels (manger, boire,...) et à écarter de notre esprit les idées gênantes. Le corps est
alors valorisé, il engendrerait le bonheur, et non pas les "guerres, dissensions, batailles" dont il
est question ici. De plus, le corps pourrait aussi être une voie sur le chemin de la vérité. Selon la