2
Introduction (Michel Van Aerde)
1. L’Union Européenne est difficile dit-on. Mais je ne sais pas quand elle a
pu être facile ! L’Union Européenne est constituée d’anciens ennemis
réconciliés qui ont perçu un intérêt commun. Aujourd’hui, mais peut-être
n’est-ce que le seul fait d’une démographie en implosion, l’Europe se
présente comme en paix et ne menace aucunement les autres continents.
2. Ce n’est pas cette Europe là qu’a connue Levinas. Exilé de Lituanie, il a
dû, en France, protéger sa famille des persécutions nazis.
3. C’est en Europe que s’est développée la civilisation actuellement
dominante, où se trouve posée de façon tragique la question de la violence
au 20ème siècle. Guerres mondiales, Auschwitz, libéralisme, etc.
4. N’y a-t-il pas dans la logique profonde qui anime et sous-tend la
civilisation occidentale, l’explication de cette violence, une ‘ratio’ ? Où
se trouve le germe ? La violence serait-elle au commencement de la
pensée (lucidité) rationnelle, une rationalité qui, par nature serait
violente ? La nature même de l’ontologie occidentale est violente.
Voilà la lecture de Levinas. Il ne s’agit pas d’une erreur contingente, écrit-
il.
5. Dans cette pensée très critique à l’égard de la civilisation européenne,
Levinas n’est pas seul. Notre conférence est centrée sur cet auteur mais
dès ces premiers mots d’introduction, je voudrais signaler qu’il y a là
comme une famille de pensée qui s’origine chez Husserl en particulier
dans son ouvrage La crise des sciences européennes et la
phénoménologie transcendantale, trad. Granel, éd. Gallimard, 1976, se
retrouve chez Patocka ainsi que chez Michel Henry.
Puisque j’ai parlé de Husserl, je ne peux m’empêcher de vous livrer cette
citation si elle n’a rien à voir avec notre sujet : « Le plus grand danger qui
menace l’Europe est la lassitude » Husserl Krisis appendice III p 382.
Mais quel rapport y a-t-il entre la philosophie et l’Europe ? Il est en fait
essentiel, dit Husserl :
« En fait, c’est la philosophie qui a créé le caractère fondamental de
l’Europe en en faisant une configuration cohérente animée par l’esprit et
par une vie douée d’unité (…) » 2
2 HUSSERL, La crise des sciences européennes et la phénoménologie transcendantale, trad. Granel, éd.
Gallimard, 1976, p. 13 (Husserl parle aussi d’une tension vers un pôle infini, comparable à une tour
babylonienne voir La crise des sciences européennes et la phénoménologie transcendantale, trad Ricoeur, éd
bilingue, Aubier Montaigne, 1977, PP46-47)