Le modèle chomskyen de la description linguistique : Des Principes

Equipe de Recherche Théories & Modèles linguistiques/ Séminaire sur la Grammaire Générative./août 2007/
Dr Bogny Yapo J. / ILA/Dépt. Des Sciences du Langage [email protected]/ [email protected] 1
Le modèle chomskyen de la description linguistique :
Des Principes et Paramètres au Programme Minimaliste
1. Fondements théoriques
C’est en réaction contre le caractère taxinomique des études linguistiques, dans le
structuralisme en général et dans le distributionnalisme en particulier, que l’américain Noam
Chomsky1 met au point la Grammaire générative, théorie linguistique constamment en
évolution, dont le postulat de départ est que le langage est inné et appartient au patrimoine
génétique de l’espèce humaine. Tout comme l’ADN est construit à partir de quatre éléments
qui se combinent, permutent pour « donner des informations différentes », source de
caractères différents, le langage est aussi fait d’un petit nombre d’unités qui s’associent,
permutent pour engendrer des structures acceptables. Les éléments ne se combinent pas
n’importe comment ; il existe des contraintes qui les sous-tendent. Ces contraintes sont
universelles et en nombre fini ; ce sont elles qui forment la Grammaire Universelle, partie
intégrante du bagage biologique de l’homme. L’application de ces contraintes est
paramétrique c’est-à-dire qu’elle varie d’une langue à l’autre. Construire la Grammaire d’une
langue revient à décrire comment sont appliquées les Contraintes. Cette appréciation
particulière des faits du langage est donc biologique. Cette approche du langage offre des
critères permettant d’évaluer les hypothèses. Cette situation crée des conditions propices à
l’évolution constante de la théorie. C’est pourquoi, les recherches en Générative sont axées
sur l’acquisition du langage, sur la typologie des langues (la variation d’une langue ou d’un
groupe de langues à l’autre) et sur l’intelligence artificielle (i.e. la possibilité de représenter en
langage machine la capacité linguistique des humains).
Le but de la Générative est de rendre compte de la Créativité du langage qui permet au sujet-
parlant de comprendre et de produire des phrases qu’il n’a jamais entendues. Chomsky
distingue alors la performance, ou activité linguistique réelle du sujet-parlant (équivalant à la
parole saussurienne) de la compétence, ou savoir implicite de la langue. Ce que la Grammaire
Générative décrit et explique, c’est la compétence linguistique i.e. cet ensemble fini de règles
qui permet d’engendrer (de dériver) un nombre infini de phrases.
1 Noam Avram Chomsky est disciple des philosophes West Churchman et Nelson Goodman et du linguiste
Zellig Harris.
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Selon la GG, la Grammaire est un ensemble constitué de modules, c’est un système de sous-
systèmes indépendants mais interagissants. Cette conception est abandonnée dans le dernier
développement de la théorie (Cf. §3).La Grammaire, elle-même selon la conception
chomskyenne est considérée comme un module indépendant à l’intérieur des capacités
cognitives de l’humain. « Le point de vue cognitif voit dans le comportement et ses effets
non un objet d’étude mais une source d’information apte à nous renseigner sur les
mécanismes internes de l’esprit et sur la façon dont ces mécanismes sont mis en œuvre dans
l’action et l’interprétation »2. Ce qui intéresse la GG, c’est moins l’étude du comportement et
de ses effets que les mécanismes qui sous-tendent la pensée et l’action humaines.
2. Les différents développements de la théorie
La Grammaire fait partie de l’étude générale de la cognition (i.e. la connaissance humaine. Le
langage est donc étudié comme un système cognitif internalisé dans le cerveau de l’homme.
Le but ultime de la GG est d’identifier la nature du système linguistique internalisé (le I-
langage) qui permet au locuteur de comprendre sa langue maternelle. Cette compétence
grammaticale se manifeste non seulement à travers l’intuition que le sujet-parlant possède de
la grammaticalité des structures syntaxiques mais aussi à travers l’intuition qu’il manifeste à
propos de l’interprétation des données. Etant donné que la Grammaire d’une langue est un
modèle de la compétence d’un sujet parlant idéal et que, cette compétence se révèle dans
l’intuition de la grammaticalité et de l’interprétation, la grammaire d’une quelconque langue
naturelle doit pouvoir décrire convenablement (descriptive adequacy) les faits (par exemple,
les propositions ambiguës, les phrases agrammaticales)
Exemple (1) Les étudiants regardaient la scène de la pelouse.
(2) *Nous se lavons ;
Comme corollaire du premier critère (le critère précédent), une telle grammaire doit avoir un
caractère universel, i.e. pouvoir décrire convenablement n’importe quelle langue dans le
monde (des langues indo-européennes autant que des langues niger-congo, pour ne citer que
celles-ci). Une telle grammaire doit pouvoir, en troisième lieu, expliquer convenablement les
faits (explenatory adequacy) i.e. pourquoi les grammaires des langues naturelles ont telles ou
telles propriétés ?
2 Chomsky, in Pollock 1997, P. XIV.
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Exemple : Pourquoi certaines langues sont tête finale et d’autres sont tête initiale ?
(Paramètre des têtes)
En quatrième lieu, une telle grammaire doit être le maximum restrictif possible, i.e. qu’elle ne
doit décrire rien d’autre que les langues naturelles.
La cinquième condition qu’une grammaire doit remplir est de permettre d’apprendre
n’importe quelle langue en un temps record (learnability)
Une telle grammaire doit permettre à un jeune enfant d’apprendre à parler une langue en une
période relativement courte. Une théorie linguistique efficiente est celle qui tend à élaborer un
appareil minimal susceptible de décrire adéquatement le phénomène du langage. C’est la
recherche de cette « minimalité » qui a conduit Chomsky à lancer le Programme Minimaliste
(Minimalist Program ou MP) dès 1993 ! Cette étape est l’aboutissement d’une longue
« errance générative » commencée depuis 1957 par la parution de Syntactic Structures3.
La Théorie Standard (1964-1967) ; la Théorie Standard Etendue (1967-1977) ; la Théorie
Standard Etendue Révisée (1977-1979), le Gouvernement et Liage / les Principes et
Paramètres (1980), le Programme Minimaliste (1993). Dans le MP, les niveaux de
représentations sont réduits au Minimum nécessaire (FP et FL), les Principes & Paramètres
sont éliminés au maximum. Ainsi le système de fusion (Merging System) remplace la D-
Structure et l’Epel (Spell-out) est proposé en remplacement de la S-Structure. On fusionne
(merge) des items syntaxiques primitifs ou déjà construits de la même manière : c’est une
opération binaire qui associe deux éléments a et b, et en construit un troisième (de même
nature que a ou b… Les traits syntaxiques (ou les matrices de traits syntaxiques doivent être
vérifiés (Checking Theory) en Epel (notamment en FL et FP) sinon l’opération échoue
(Crash)…
Exemple : (3) * Me want to go home.
Dans cette structure, le trait Accusatif de Me ne peut être vérifié parce qu’il ne
peut être interprété. L’opération a échoué et la structure est donc rejetée…
3 Publié par Mouton à La Haye. En fait, la Théorie Standard est “annoncée” par la publication, en 1965, de
Aspects of the Theory of Syntax. Cambridge (Mass.) : MIT Press.
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En phonologie, Chomsky fonde avec Morris Halle, la Phonologie standard étendue en
publiant en 1968, au MIT, The Sound Pattern of English (SPE). La Phonologie
Autosegmentale, puis maintenant la Théorie de l’Optimalité poursuivent cette initiative.
3. Les Principes et Paramètres
La variabilité des langues a toujours constitué une contradiction à l’unicité du langage et un
défi à une Théorie Générale (du langage), à la Grammaire Universelle. L’étape des Principes
et Paramètres est élaboré pour relever ce défi.
Le point de vue des Principes & Paramètres est que la quasi-totalité des
“connaissances linguistiques” dont l’homme fait montre n’est pas apprise mais fait plutôt
partie intégrante de l’esprit humain. Mais alors, si une quelconque connaissance langagière est
construite dans l’esprit de l’homme, cela doit être valable pour tous les humains et donc
universelle. De ce point de vue, les langues ne sont pas si différentes qu’on le pense et les
différences sont apparentes (ordre des mots dans l’énoncé, différences de mots, de sons, etc.).
Les différences de surface sont ramenées à un paramètre abstrait de variation dans le but de
réduire les diverses options observées dans les grammaires individuelles. On impose des
contraintes sur le système des règles des langues naturelles ! Ces règles sont des principes
universels de grammaire qui autorisent l’existence d’options pour les langues individuelles :
ces options sont des paramètres de variation ! Chaque paramètre apparaît comme un choix
doté de deux valeurs : l’une positive et l’autre négative. Cette connaissance Universelle, la
Grammaire Universelle se constitue de Principes (des lois) qui fondent l’architecture de base
de n’importe quel système linguistique, et de Paramètres qui régissent les variations que
pourrait manifester cette architecture.
3.1 La Théorie X-barre
Ce module de la GG rend compte de l’architecture interne des syntagmes. Selon cette
théorie, tout syntagme est la projection maximale d’une tête. Le syntagme est de la même
catégorie que sa tête : c’est le principe d’endocentricité.
(4) [ L’ [ étudiant] ]
N
NP
Selon cette théorie un constituant ne peut assumer de fonction grammaticale que s’il a atteint
le niveau de projection maximale. Nous désignerons cette projection maximale par XP (x
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étant une variable pouvant prendre la valeur N(om), V(erbe), Adj(ectif), Adv(erbe),
P(réposition) ou P(ostposition), etc.
Soit la variable x, un constituant de niveau zéro ; en lui associant un Complément éventuel, ce
constituant se projette au niveau intermédiaire (ou niveau 1) appelé X’ ou X-barre (c’est
d’ailleurs ce constituant qui a donné son nom à ce module) ; ce constituant de niveau 1
associé à un Spécifieur éventuel atteint le niveau de la projection maximale appelée XP.
Soit le schéma :
XP
Spéc X’
X Compl
NP
D N’
N PP
P’
P NP
Les étudiants de Cocody
La notion de Catégories
On distingue deux sortes de constituants : les constituants pleins i.e. qui ont une réalisation
lexicale et les constituants vides (appelés cagories vides ou traces) qui sont dépourvus de
contenu phonique. La présence de catégories vides dans les structures syntaxiques découle du
Principe de Projection Etendu (EPP) et de la position non canonique de certains constituants
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