Lettre ouverte de l`UFML à représentation nationale

Lettre ouverte de l'UFML à représentation nationale
27 novembre 2014
Mesdames, Messieurs les Sénateurs,
Mesdames, Messieurs les Députés,
Mesdames, Messieurs les Maires,
Vous avez été élus au suffrage universel ou par les grands
électeurs, quelle que soit votre fonction, vous représentez vos
concitoyens. Issus de la république, vous êtes garants de son
fonctionnement, de sa protection et responsable de la cohésion
sociale. C’est à ce titre que l’UFML s’adresse à vous.
Il est des moments de rupture, dans une nation, où les choix
politiques peuvent amener un bouleversement du modèle sociétal
jusque-là établi. Des moments où tous les représentants du peuple
se doivent de se prononcer en leur âme et conscience, face au
possible changement. Le projet de loi de santé, porté par Mme
Marisol Touraine, ministre de la Santé et des affaires sociales, est
de ces moments.
Le projet de loi de santé propose de transformer notre modèle
sanitaire fondé sur la liberté et l’indépendance de ses médecins,
dans le respect de l’obligation de moyen, et d’une pratique
s’appuyant sur les dernières données acquises de la science et du
code de déontologie, par une médecine d’état, ou la puissance
publique décide de tout :
• L’article L. 1411-1 (CSP) : « La Nation définit sa politique de
santé afin de garantir le droit à la protection de la santé de
chacun. » Le projet de Loi précise : « La politique de santé relève
de la responsabilité de l’État. ». Auparavant le texte précisait : «
L'évaluation de cette politique relève de la responsabilité de l'État.
»
Le projet de loi santé élabore une étatisation du soin, ou les ARS,
relais de l’État construisent le système sanitaire, où les médecins
dépendent des orientations du financeur, également organisateur
des pratiques et des soins :
• Art. L. 1411-2. : « Les organismes gestionnaires des régimes
d'assurance maladie concourent à la réalisation des objectifs de la
politique de santé… Ils poursuivent les objectifs définis par l’État
et déclinés par les agences régionales de santé, visant à la
continuité, à la coordination et à la qualité des soins offerts aux
assurés, ainsi qu'à la répartition territoriale homogène de cette
offre. »
Faut-il vous rappeler que l’indépendance de vos médecins et leur
liberté de pratique sont garantes de la protection des droits les
plus élémentaires de vos concitoyens à bénéficier de la médecine
et des soins dont leur état relève ?
Assujettir le médecin, prescripteur en acte comme en traitement,
au financeur, au sein du tiers payant généralisé ouvre grand la
porte aux dérives les plus dangereuses, dans un contexte
économique difficile et au sein d’une enveloppe contrainte assortie
d’un ONDAM prévu régulièrement dégressif.
Donner priorité à l’intérêt économique sur l’intérêt sanitaire, c’est
construire une médecine où l’intérêt collectif prime sur l’intérêt
individuel, alors même que tout doit être fait pour que l’intérêt de
chacun prime sur l’intérêt collectif.
Le projet de loi de santé fait pourtant ce choix, et lie l’art médical
aux décisions politiques du moment.
Le secret médical, pilier de l’éthique médicale, se voit effondré par
la création d’un Dossier médical national partagé aux données
médicales et administratives sous contrôle de l’assurance maladie.
Le patient n’est plus propriétaire de son histoire au sein d’un
modèle où son accord est seul présent au départ du transfert de
ses données et jamais plus à chaque étape de leur utilisation par
telle ou telle équipe.
À la menace d’une médecine assujettie à d’autres intérêts que le
soin, s’ajoute donc celle de la fin du secret médical dans son
modèle hippocratique que l’accès de sociétés financières privées
aux données du Système national d'information inter-régimes de
l'Assurance maladie (SNIIRAM) renforce de manière dramatique.
Le projet de loi santé modifie le modèle hospitalier Français. Il lie
les établissements public ou privé aux décisions des ARS en
matière d’implantation, de fermeture, de regroupement,
d’organisation des services et des équipes hospitalières.
Il crée un service public hospitalier auquel peuvent prétendre les
seuls établissements hospitaliers dont tous les médecins exercent
en Secteur 1, et de fait, menace l’existence même de pans entiers
de la pratique médicale qui participent à l’excellence de la
médecine française du fait de l’existence d’honoraires
complémentaires, face au déremboursement organisé par des
années de blocage tarifaire.
Le projet de loi santé change définitivement le modèle hospitalier
français fondé sur l’existence de deux secteurs d’hospitalisations
pour un modèle unique, du fait de l’impossibilité organisée pour
les cliniques privées de participer au service public hospitalier.
C’est pour le patient la fin du libre choix de son secteur
d’hospitalisation.
Médecine assujettie à l’État et au financeur organisateur du soin,
atteinte au secret médical, mise sous tutelle administrative,
financière et médicale des hôpitaux, perte du libre choix de son
secteur d’hospitalisation, le projet de loi santé est, de fait, un
projet de loi de rupture sociétale. Il entraîne donc votre
responsabilité et nécessite votre plus grande attention afin de
vous prononcer en conscience devant vos concitoyens.
C’est pour cela que, dans le courant des mois de décembre et de
janvier l’UFML vous demandera de vous prononcer par écrit et de
façon publique pour ou contre la loi de santé.
Je vous prie d’agréer, Mesdames, Messieurs, mes sincères
salutations.
Jérôme Marty,
Président de l’UFML
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