RECHERCHE EN SOINS INFIRMIERS N° 86 - SEPTEMBRE 2006
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Les auteurs qui se sont intéressés à la relation qui
existe entre formation et comportement éthique des
étudiants infirmiers ont trouvé que la capacité de
prise de décisions éthiques des infirmières peut être
renforcée par l’enseignement de l’éthique dans les
programmes de cours de soins infirmiers et par l’ana-
lyse des conflits éthiques (Bertholet-Sini, 2000).
Le type et le niveau de formation, la relation instau-
rée entre l’enseignant et l’enseigné ainsi que la
manière dont l’étudiant perçoit ses études sont déter-
minants pour développer le comportement éthique.
De plus, s’il existe un développement du comporte-
ment éthique, cette évolution n’existe pas en forma-
tion initiale mais seulement au niveau post-acadé-
mique (Dierckx de Casterlé in Bertholet-Sini, 2000).
A ce stade du travail, nous savons que la compétence
éthique se construit dès la formation initiale, se pour-
suit dans la formation continue, s’affine avec l’exper-
tise professionnelle et se situe dans le champ de la
multidisciplinarité.
Avec quel formateur ?
Enseigner l’éthique ne s’improvise pas. L’éthicien a une
formation spécifique et un rôle bien déterminé pour
enseigner ou pour participer aux comités d’éthique.
Les compétences du formateur doivent s’étendre non
seulement à l’éthique mais aussi en sociologie de la santé,
en administration du système de santé et en psychologie.
Des attitudes spécifiques sont requises : l’éthicien est
capable de mettre en œuvre la méthode casuistique
d’analyse éthique, de maîtriser des processus de décision
au sein d’une équipe pour analyser des problèmes
éthiques dans une perspective multidisciplinaire (Parizeau
in Hottois – Missa 2001). Précisons que la méthode
casuistique centre l’attention sur le cas particulier, la sin-
gularité de la situation, le sujet ou le patient (son his-
toire, son bien, son intérêt) sans minimiser l’apport des
principes (Durant, 1999). Il possède une capacité de déli-
bérer en argumentant (Espace Ethique, 2003).
L’éthicien facilite et amène à la réflexion. Il recueille
l’intuition et l’articule en concept. Il aide à préciser
le débat, à dégager les enjeux, à clarifier les points de
convergence et de divergence, à élaborer des élé-
ments de compromis voire esquisser une proposition
d’avis (Durant, 1999). En aucun cas, il ne décide à la
place de celui qui doit agir.
Il propose une méthodologie et met au point les
formes d’argumentation à travers lesquelles la
confrontation des points de vue peut se développer
de façon constructive. Il assure une communication
optimale entre les intervenants (Ladrière, 1993).
La capacité relationnelle du formateur apparaît régu-
lièrement dans la littérature (Dierckx de Casterlé in
Bertholet-Sini, 2000). Personnellement, le fait de
mener de front les métiers d’étudiant et d’enseignant
m’a permis de vérifier ce postulat. Ce double statut
m’a fait prendre conscience qu’il est indispensable que
de bonnes relations réciproques s’installent entre
l’étudiant et le professeur. L’un comme l’autre se réa-
lisent en entretenant des relations propices à l’ensei-
gnement et l’apprentissage.
Il est primordial de spécifier que la mise en œuvre
d’une méthodologie la plus adaptée ne constitue
jamais une sécurité absolue. La complexité des situa-
tions concrètes et personnelles ainsi que la difficulté
à établir un consensus rendent incertain le choix
d’une décision. Elle est au mieux la meilleure ou la
moins mauvaise (Besanceney, 1999).
La littérature ajoute que l’enseignant éthicien est
modeste (Durand, 1999), attentif, patient, souple, sen-
sible aux enjeux psychologiques, ni trop directif, ni
trop paternaliste (Parizeau in Hottois – Missa 2001).
Relevons aussi que les qualités et la personnalité
des individus semblent primordiales dans le domaine
de l’éthique. Les principes de « Sensibilité » et de
«Réceptivité », même s’ils ne sont pas reconnus
comme des principes standards des théories morales,
devraient être défendus sur le plan universel (Kuhse,
1998 et Logstrup in Birkelund, 2000).
Des interrogations persistent : Doit-on profes-
sionnaliser le rôle de l’éthicien ? Peut-on détermi-
ner un statut d’expert en éthique ? La profession-
nalisation de l’éthicien ne risque-t-elle pas de
déresponsabiliser les soignants ? L’éthique est-elle
une affaire d’expertise, de connaissances, ou est-
elle l’expression de cette bonne volonté morale qui
habite chacun d’entre nous ? (Parizeau in Hottois –
Missa 2001).
Par ailleurs, au sein d’un établissement d’enseigne-
ment de soins infirmiers, je pense que l’enseignement
de l’éthique ne doit pas être réservé aux experts et
je prends l’option de privilégier un enseignement
transversal dans lequel chaque module de cours se
réserve un chapitre «Ethique ». Des référents en
éthique doivent être choisis parmi des personnes
engagées dans la prise en charge des patients et for-
més à la pédagogie de l’éthique.
En résumé, l’éthicien enseignant les soins infirmiers
doit avoir une formation en éthique, des connais-
sances en bio médecine, en soins infirmiers, maîtriser
la prise en charge d’un patient, un savoir-faire dans la
résolution de conflits éthiques, et des qualités
humaines.