L`inégalité des accroissements finis. Applications.

DOCUMENT 31
L’in´egalit´e des accroissements finis. Applications.
1. Introduction
La fonction x]0,1[sin 1
xest born´ee mais il n’en est pas de mˆeme de sa fonction d´eriv´ee
x→ − 1
x2cos 1
x. Dans ce document nous allons voir qu’en revanche si une fonction a une d´eriv´ee
born´ee sur un intervalle born´ee alors cette fonction est elle-mˆeme born´ee. Plus pr´ecis´ement,
nous allons d´emontrer diff´erentes formes de l’in´egalit´e des accroissements finis et en donner des
applications aux fonctions et aux suites.
2. L’in´egalit´e des accroissements finis
Sauf mention du contraire, on suppose a < b dans tout ce paragraphe.
Th´
eor`
eme 31.1.Soit fune application continue sur un segment [a, b]et d´erivable sur ]a, b[.
S’il existe MRtel que f0(x)Mpour tout x]a, b[alors
f(b)f(a)M(ba)
Preuve. Soit  > 0. Consid´erons la fonction hd´efinie sur [a, b] par
h(x) = f(x)f(a)M(xa)(xa).
Si l’on montre que h(b)alors la proposition est d´emontr´ee. En effet
h(b)f(b)f(a)M(ba)
ba+ 1
d’o`u, l’in´egalit´e ´etant vraie pour tout  > 0, f(b)f(a)M(ba)
ba+ 1 0.Or ba+ 1 >0 et
donc f(b)f(a)M(ba). Montrons donc que h(b).
Soit A={x[a, b]|h(x)}. Comme h(a) = 0, aAet, la fonction h´etant continue en
a, il existe d]a, b] tel que h(d)/2. Donc A6={a}. Soit c= sup A]a, b]. Il existe une suite
(xn) d’´el´ements de Aqui converge vers c. Pour tout n,h(xn)et donc, la fonction h´etant
continue en c,h(c)d’o`u cA.
Supposons que c < b. Il existe t]c, b] tel que f(t)f(c)
tcf0(c)+car lim
xc,x>c
f(x)f(c)
xc=
f0(c). On a
f(t)f(c)(tc)f0(c)+(tc)M(tc)+(tc).
Comme cA,
f(c)f(a)M(ca) + (ca) +
d’o`u, par addition,
f(t)f(a)M(ta) + (ta) +
329
330 31. L’IN´
EGALIT´
E DES ACCROISSEMENTS FINIS. APPLICATIONS.
ce qui signifie tA. C’est absurde et donc c=bet h(b).
Remarques.
1) L’examen de la preuve pr´ec´edente montre qu’il suffit de supposer l’existence pour fd’une
d´eriv´ee `a droite sur ]a, b[ v´erifiant f0
d(x)M. Il y a ´evidemment une version ”d´eriv´ee `a gauche”
du th´eor`eme.
2) Lorsque f0est inegrable sur [a, b]1alors l’in´egalit´e des accroissements finis a une preuve
tr`es simple : de f0(x)Mon d´eduit f(b)f(a) = Zb
a
f0(x)dx M(ba). Cette hypoth`ese
est en particulier satisfaite si f0est continue.
Etant donn´e l’importance de l’in´egalit´e des accroissements finis, nous allons en donner
plusieurs formes qui se d´eduisent presque imm´ediatement du th´eor`eme 31.1
Corollaire 31.1.Soit fune application continue sur un segment [a, b]et d´erivable sur
]a, b[. S’il existe mRtel que mf0(x)pour tout x]a, b[alors
m(ba)f(b)f(a)
Il suffit d’appliquer le th´eor`eme 31.1 `a f.
Corollaire 31.2.Soit fune application continue sur un segment [a, b]et d´erivable sur
]a, b[. S’il existe met Mtels que mf0(x)Mpour tout x]a, b[alors
m(ba)f(b)f(a)M(ba)
Donnons un interpr´etation g´eom´etrique de ce
corollaire. Dans un plan affine euclidien, muni d’un
rep`ere orthonorm´e, on consid`ere pour x0[a, b] les
droites D1et D2d’´equations respectives
y=f(x0) + m(xx0), y =f(x0) + M(xx0).
Soit x[a, b]. Si x > x0alors m(xx0)f(x)
f(x0)M(xx0) et si x < x0,M(xx0)f(x)
f(x0)m(xx0). Cela signifie que le graphe de f
est contenu dans l’un des deux cˆones limit´es par D1et
D2.
En prenant x0=apuis x0=b, on voit aussi que pour x[a, b] le graphe de fest `a
l’inerieur du parall´elogramme limit´e par les droites y=m(xa) + f(a), y=m(xb) + f(b),
y=M(xa) + f(a) et y=M(xb) + f(b).
Corollaire 31.3.Soit fet gdeux applications continues sur un segment [a, b], d´erivable
sur ]a, b[et telles que pour tout x]a, b[,f0(x)g0(x). On a
f(b)f(a)g(b)g(a)
On applique le th´eor`eme 31.1 `a la fonction h(x) = f(x)g(x) avec M= 0 car h0(x)0.
On a donc h(b)h(a)0.
1Il existe des fonctions fd´erivables sur [a, b] avec une fonction d´eriv´ee born´ee mais non int´egrable au sens
de Riemann. Un exemple classique est celui des fonctions de Volterra que l’on peut trouver en exercice dans
l’ouvrage de Chambadal et Ovaert, Cours de Math´ematiques Sp´eciales.
2. L’IN´
EGALIT´
E DES ACCROISSEMENTS FINIS 331
Corollaire 31.4.Soit fet gdeux applications continues sur un segment [a, b], d´erivables
sur ]a, b[et telles que pour tout x]a, b[,|f0(x)| ≤ g0(x). On a
|f(b)f(a)| ≤ g(b)g(a)
En particulier, s’il existe mRtel que |f0(x)] mpour tout x]a, b[alors
|f(b)f(a)| ≤ m|ba|
(Ici l’hypoth`ese a < b n’est pas n´ecessaire.)
Preuve. On a f0(x)g0(x) et f0(x)g0(x) d’o`u, par application du corollaire pr´ec´edent,
f(b)f(a)g(b)g(a) et f(b)+f(a)g(b)g(a) ce qui se traduit encore par |f(b)f(a)| ≤
g(b)g(a).
Si |f0(x)] malors si b>aon a |f(b)f(a)| ≤ m(ba) avec g(x) = mx. Maintenant si
b < a alors |f(a)f(b)| ≤ m(ab) et donc dans les deux cas |f(b)f(a)| ≤ m|ba)|.
Remarques. 1). Sous cette forme, l’in´egalit´e des accroissements finis est semblable `a son
´enonc´e dans le cas des fonctions `a valeurs dans Rn. Rappelons cet ´enonc´e :
Soit f: [a, b]Rnet g: [a, b]Rdes applications continues sur [a, b] et d´erivables (resp.
d´erivables `a droite) sur ]a, b[ telles, que pour tout x]a, b[, ||f0(x)|| ≤ g0(x) (resp. ||f0
d(x)|| ≤
g0
d(x)). Alors on a :
||f(b)f(a)|| ≤ g(b)g(a)
Pour la preuve on remplace dans celle du th´eor`eme 31.1 la fonction hpar la fonction kdonn´ee
par
k(x) = ||f(x)f(a)|| − g(x) + g(a)(xa).
2). Il existe une m´ethode plus classique pour d´emontrer l’in´egalit´e des accroissements finis.
On d´emontre d’abord le th´eor`eme de Rolle puis l’´egalit´e des accroissements finis en appliquant
ce th´eor`eme `a la fonction φ(x) = f(x)[f(b)f(a)
ba(xa) + f(a)]. On en d´eduit facile-
ment l’in´egalit´e des accroissements finis. La m´ethode utilis´ee ici `a l’avantage d’ˆetre facilement
g´en´eralisable aux fonctions de Rdans Rnalors que l’on ne dispose plus du th´eor`eme de Rolle et
de l’´egalit´e des acroissements finis si n > 1. Un autre avantage de la preuve est qu’elle n’utilise
que des propri´et´es tr`es ´el´ementaires des limites et que l’on peut la g´en´eraliser aux fonctions
seulement d´erivables `a droite. Dans ce cas on ne dispose pas d’un th´eor`eme de Rolle `a droite
(penser `a x[1,1] → |x|).
3). Dans l’enseignement secondaire, on admet en classe de premi`ere que toute fonction
ayant une d´eriv´ee positive sur un intervalle est croissante sur cet intervalle et l’in´egalit´e des
accroissements finis est une cons´equence presque imm´ediate de ce r´esultat. Comme on verra que
cette hypoth`ese est en fait une cons´equence de l’in´egalit´e des accroissements finis, il aurait ´et´e
tr`es contestable de l’utiliser ici. Donnons cependant la preuve de l’in´egalit´e des accroissements
finis en supposant que toute fonction avec une d´eriv´ee positive est croissante et en conservant
les notations et les hypoth`eses du th´eor`eme 31.1.
Soit φ(x) = M(xa) + f(x)f(a). La fonction φest d´erivable sur ]a, b[ et φ0(x) =
Mf0(x)0. La fonction φest donc croissante sur [a, b] d’o`u φ(a)φ(b) et finalement
f(b)f(a)M(ba).
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EGALIT´
E DES ACCROISSEMENTS FINIS. APPLICATIONS.
Exemple. Consid´erons la suite (un) d´efinie par un= 1 + 1
1! +. . . +1
n!. Pour tout nN, soit
fnla fonction de [0,1] dans Rdonn´ee par
fn(x) = ex(1 + x
1! +. . . +xn
n!).
Cette fonction est d´erivable sur [0,1], f0
n(x) = exxn
n!et donc |f0
n(x)| ≤ 1
n!. En appliquant
l’in´egalit´e des accroissements finis sur [0,1] (version corollaire 31.4) on obtient |fn(1) fn(0)| ≤
1
n!, c’est-`a-dire |un
e1| ≤ 1
n!. On a donc lim
n→∞ un=e.
3. Applications aux fonctions
3.1. Application au sens de variation.
Proposition 31.1.Soit fune application continue sur un segment [a, b]et d´erivable sur
]a, b[.
(1) La fonction fest constante sur [a, b]si et seulement si, pour tout x]a, b[,f0(x) = 0.
(2) La fonction fest croissante sur [a, b]si et seulement si, pour tout x]a, b[,f0(x)0.
(3) La fonction fest d´ecroissante sur [a, b]si et seulement si, pour tout x]a, b[,f0(x)0.
Preuve. 1) Si pour tout x]a, b[, f0(x) = 0 alors on peut appliquer le corollaire 31.4 `a fsur
[a, x] et [x, b] avec m= 0 d’o`u |f(a)f(x)|=|f(b)f(x)|= 0 et fest constante sur [a, b].
R´eciproquement, si fest constante sur [a, b] alors sa fonction d´eriv´ee est nulle sur cet intervalle.
2) Supposons la d´eriv´ee de fpositive et soit x, y [a, b] tels que x<y. En appliquant
le corollaire 31.1 sur [x, y] avec m= 0 on obtient 0 f(y)f(x) et fest croissante. Si
maintenant fest croissante sur [a, b] alors, pour tout x0]a, b[ et tout x[a, b] avec x06=x,
f(x)f(x0)
xx0
0 d’o`u f0(x0)0. La preuve de 3) est analogue.
Remarque. Les r´esultats pr´ec´edents peuvent ˆetre faux si la fonction fn’est pas d´efinie sur un
intervalle. Par exemple, xR1
xposs`ede une d´eriv´ee n´egative et n’est pas d´ecroissante sur
R. De mˆeme, la restriction de la fonction partie enti`ere `a R\Za une d´eriv´ee nulle et n’est pas
constante.
Proposition 31.2.Soit fune application continue sur un segment [a, b]et d´erivable sur
]a, b[. La fonction fest strictement monotone sur [a, b]si et seulement si fest monotone sur
[a, b]et si K={x]a, b[|f0(x) = 0}ne contient aucun intervalle non r´eduit `a un point .
Preuve Supposons fstrictement monotone. S’il existe [x, y]Kavec x6=yalors fest
constante sur [x, y] ce qui est contradictoire avec la stricte monotonie.
R´eciproquement si fest monotone sur [a, b] et si K={x]a, b[|f0(x) = 0}ne contient
aucun intervalle non r´eduit `a un point alors supposons que pour x, y [a, b] avec x < y, on ait
f(x) = f(y). La fonction fest monotone donc si z[x, y] alors f(z) est compris entre f(x)
et f(y) d’o`u f(z) = f(x). La fonction fest constante sur [x, y]. Sa fonction d´eriv´ee est nulle
sur ]x, y[ ce qui contredit l’hypoth`ese faite sur K. On a donc f(x)6=f(y) et fest strictement
monotone.
3. APPLICATIONS AUX FONCTIONS 333
3.2. Caract´erisation des fonctions lipschitziennes. Soit kR+. Une fonction fest
dite k-lipschitzienne sur un intervalle IDfsi , pout tout (x, y)I2avec x6=y,|f(x)f(y)| ≤
k|xy|.
Proposition 31.3.Soit fune application d´erivable sur l’int´erieur d’un intervalle I. La
fonction fest k-lipschitzienne sur Isi et seulement si, pour tout x`a l’int´erieur de I,|f0(x)| ≤ k.
Preuve. Supposons f k-lipschitzienne sur I. Soit x0un point de l’int´erieur de Iet xI,
x6=x0. On a |f(x)f(x0)
xx0
| ≤ kd’o`u |f0(x0)|=|lim
xx0
f(x)f(x0)
xx0
| ≤ k.
La r´eciproque est imm´ediate en utilisant le corollaire 31.4
3.3. Applications `a des prolongements de fonctions. Dans le document 26 ”Nombre
d´eriv´e. Fonctions d´eriv´ees ” on d´emontre le r´esultat suivant en utilisant l’´egalit´e des accroisse-
ments finis :
Proposition 31.4.Soit fune application continue sur [a, b]et x0]a, b[. Si fest d´erivable
sur ]a, x0[]x0, b[et si lim
xx0,x6=x0
f0(x)existe et vaut lalors fest d´erivable en x0,f0(x0) = let
f0est continue en x0.
Ce r´esultat est aussi une cons´equence de l’in´egalit´e des accroissements finis.
En effet, soit  > 0. Il existe η > 0 tel que si x]a, b[ et 0 <|xx0|< η alors |f0(x)l|< .
Consid´erons g: [a, b]Rd´efinie par g(x) = f(x)lx. Si x]a, b[ et 0 <|xx0|< η, en
appliquant l’in´egalit´e des accroissements finis (corollaire 31.4) `a gsur l’intervalle de bornes xet
x0on obtient :
|g(x)g(x0)|=|f(x)f(x0)l(xx0)| ≤ |(xx0)|
car g0(x) = f0(x)l. Donc :
|f(x)f(x0)
xx0
l|< .
La fonction fest donc d´erivable en x0et f0(x0) = l. Comme f0(x0) = lim
xx0,x6=x0
f0(x) la fonction
f0est continue en x0.
On obtient une proposition analogue lorsque x0est une borne de ]a, b[.
Un r´esultat semblable concerne le prolongement par continuit´e.
Proposition 31.5.Soit fune fonction d´efinie sur ]a, b[.
(1) S’il existe η > 0tel que fsoit d´erivable sur V=]bη, b[et si la d´eriv´ee de fest born´ee
sur Valors fest prolongeable par continuit´e en b.
(2) S’il existe η > 0tel que fsoit d´erivable sur V=]bη, b[et si lim
xbf0(x)existe alors fest
prolongeable par continuit´e en bet ce prolongement poss`ede sur ]bη, b]une fonction
d´eriv´ee continue en b.
Preuve. 1) Soit Mest un majorant de |f0(x)|sur V. La fonction fest M-lipschitzienne sur V.
Soit (xn) une suite de Vqui converge vers bet soit  > 0.La suite (xn) est de Cauchy : il
existe n0tel que nn0et pn0implique |xnxp| ≤
Md’o`u |f(xn)f(xp)| ≤ M
M=.
La suite (f(xn)) est donc de Cauchy. Soit lsa limite et b
fle prolongement de f`a ]a, b] d´efinie
par b
f(b) = l.
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