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symboles d’une société donnée. Le jeu est donc à la fois jeu et langage5, et intègre d’emblée une
dimension sociale.
Dans tous les cas, les chercheurs cités et d’autres encore s’accordent pour affirmer que non
seulement le jeu fait partie intégrante de toute « naissance culturelle », mais aussi qu’il joue un
rôle considérable dans la création de la pensée (relative au mythe ou à toute forme d’idée
nouvelle), dans la création de langage et de communication, de rites d’institution et de schèmes
socialisants6.
Ainsi inséré dans toute forme de société, le jeu est, selon Huizinga, une action libre, usant de la
fiction et qui se situe au-delà de la vie quotidienne. Il est capable d’absorber le joueur, il
constitue une action dénuée d’intérêt matériel et de toute utilité, il s’accomplit dans un temps et
un espace donné, se déroule selon des règles données, suscite des relations de groupes et
accentue le « déguisement » et son étrangeté par rapport au monde habituel7. Le jeu est une
forme de « désengagement » de la vie formelle puisqu’il oblige le joueur à prendre du recul par
rapport à lui-même et le monde qui l’entoure8.
Toutefois, la question de l’utilité mériterait d’être approfondie. En effet le jeu de balles maya
démontre une utilité cultuelle dans cette société par son aspect sacrificiel. Bien qu’étant « jeu » à
l’origine, ou naissant sous forme de jeu, il ne s’ensuit pas qu’il subsiste comme tel. Dans
l’histoire des religions, il est en effet avéré que le mythe ou le rite peuvent naître par le jeu ou
non, et maintenir cette forme ou non : l’aspect ludique n’est pas inhérent à la naissance des
traditions religieuses, de même qu’il ne l’accompagne pas systématiquement dans son évolution
et dans la construction du mythe ou du rite. Cependant, s’il y a jeu, il y a les diverses formes
qu’il peut recouvrir en évoluant, et enfin, le produit final du jeu (mythe, rite, cérémonial, danse,
institution, etc.)9, et alors, le sérieux s’empare du ludique. Pour Mauriras Bousquet, ludique et
sérieux ne s’opposent d’ailleurs pas, mais s’engendrent dialectiquement l’un l’autre10.
5 McLuhan, Marshall, Understanding media : The extension of man, London : Sphere Books, 1967, p. 261.
6 Mauriras Bousquet, Martine, Théorie et pratique ludique, Paris : Economica, 1984, p. 17.
7 Huizinga, op.cit., p. 35.
8 Henriot, Jacques, Le jeu, Paris : PUF, 1969, p. 66 et p. 73.
9 Mauriras Bousquet, op. cit., p. 27
10 Ibid., p. 27. Voir également Brougère, Gilles, Jeu et éducation, p. 261.