Les chapitres six à neuf situent ensuite le déplacement épistémologique que propose la
dialectique négative d’Adorno par rapport à cette conclusion de Hegel. Nous prenons
soin de montrer qu’Adorno ne la juge pas fausse mais unilatérale. Il conçoit qu’exprimer
et assouvir les souffrances historiques revient au concept mais il soutient en même temps
que celui-ci échoue à cette tâche tant qu’on ne nuance pas la portée et la signification de
sa « compulsion à identifier ». Nous démontrons que si cette dernière est d’après Adorno
à la fois inévitable et fautive, c’est parce que le besoin qui motive la pensée rationnelle
n’est pas d’abord la nécessité de concevoir l’unité dans la division mais celui de réaliser
les conditions de la survie et du bonheur de l’organisme vivant qui soutient la pensée. Or
pour Adorno, la société capitaliste bloque les pratiques émancipatrices qui s’attachent à
combler ce besoin matériel parce qu’elle absolutise le principe d’identité. Nous
soutenons que, dans ce contexte, l’approche adornienne de la philosophie comme
relevant de l’essai (Essay) et développant des concepts discontinus orientés vers le non-
identique n’est pas moins, mais plus rationnelle que la posture hégélienne qui considère
la philosophie comme une science absolue.
Mots clés :
Philosophie – Adorno – Hegel – besoin – dialectique – histoire – raison – souffrance –
expérience