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sentiment d’identité ; ce sentiment d’identité, sentiment d’être semblable à l’autre, a une
conséquence importante »
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pour le bouddhisme quand il se traduit dans la compassion car il
s’agit alors d’ « être avec et en » l’autre, parce qu’il est identique à moi. Alors que dans le
christianisme, la compassion c’est de « souffrir avec » l’autre, par amour, par agapè, dans le
sens où l’autre, différent de moi fait partie de la communauté humaine, d’une communauté
entre des personnes individuelles à savoir qui ont une substance en soi avec ce caractère de
l’agapè, « l’acceptation de celui qui est inacceptable »
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; l’identité seule ne suffit pas pour une
communauté selon le christianisme. C’est ce qui permet de dire que la compassion du
bouddhisme n’est pas la compassion du christianisme et vice versa.
Alors se pose la question suivante : qu’est-ce qui fait « agir » dans la compassion
bouddhique ?
II – Comment cette vision bouddhique de la compassion nous interpelle-t-elle ?
Si dans le christianisme, le « moteur » de la compassion est Dieu, le Dieu Un et Trine
pour lequel nous agissons parce que chaque être humain est créé à l’image de Dieu, où chaque
acte posé ou élan du coeur est relié, qu’est-ce que je perçois du bouddhisme ? Et qu’est-ce que
cela veut dire si la compassion ne part pas d’un cœur « touché » par la souffrance et surtout le
souffrant ? alors quelle est l’ « épaisseur » de cette compassion bouddhiste exercée ? Quel est
le « moteur » de cette bienveillance compassionnelle exercée dans le bouddhisme pour les
êtres souffrants ? Faire disparaître la souffrance de l’être vivant et ainsi poser un acte bon afin
d’accéder à l’éveil, au nirvana ? En ce cas, la loi karmique, l’interdépendance des êtres
semble être la réponse à la compassion du bouddhisme avec la délivrance de la souffrance ; et
c’est ce phénomène là qui peut attirer notre attention dans le sens ou une bienveillance entre
individus s’exerce par le développement de l’empathie dont il a été question et qui génère une
non-violence qui sert l’humanité présente « ici et maintenant ».
« Opter pour la non violence », disait Tenzin Gyatso à Nantes
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l’an dernier, « conduit
à la compassion et au dévouement ; et cette attitude donne la force intérieure. Le plein
épanouissement de la dimension d’amour et de compassion s’étend à tous les êtres sensibles,
sans laquelle on ne peut accéder à la parfaite réalisation ». C’est pourquoi, semble-t-il que le
Mahayana dans lequel s’inscrit le bouddhisme tibétain, met, à l’instar du christianisme, la
compassion au cœur de la vie spirituelle. « La compassion du bouddhisme provient de la
claire compréhension que nous avons de la souffrance des êtres ; la compassion est ce
sentiment très profond qui pousse à agir pour délivrer les êtres de leurs souffrances » dit
Tenzin Gyatso.
Le moine bouddhiste vietnamien Thây, développe la notion de « la pleine conscience
et du regard profond » . Le moine chrétien Thomas Merton dit de lui qu’ « il agit en faveur de
ses frères, porté par une dynamique spirituelle d’une tradition de compassion religieuse »,
qu’est-ce à dire ? Les enseignements à la pleine conscience sont tirés des enseignements sur
les quatre nobles vérités. « Vous voyez la souffrance. Vous savez que vous en avez assez de
souffrir ou de voir souffrir. Vous voulez que la guérison puisse avoir lieu ». Le premier
entraînement s’applique donc à développer la compassion précisément, la compassion lue ici
comme une « force intérieure » spirituelle qui permet de résister pacifiquement devant toute
forme de mal, de violence.
6
AVELINE Jean-Marc, Paul Tillich, in « La prétention d’absoluité du christianisme et les religions du monde »,
coll. Artisans du dialogue, Publications Chemins de Dialogue, 2007, p. 105.
7
TILLICH Paul, Le christianisme et les religions, Aubier, 1968, p. 144.
8
Sixième cycle d’enseignements bouddhistes par Sa Sainteté, le XIVème Dalaï Lama, Tenzin Gyatso.
Programme : Nagarjuna. Zenith de Nantes, 12-23 août 2008.