Registre foncier Principes et mécanismes Page 1
Olivier Dind
INSPECTEUR DU REGISTRE FONCIER VAUDOIS
REPRODUCTION AUTORISEE AVEC LINDICATION DE LA SOURCE
0 - PREAMBULE
La réglementation du registre foncier est principalement basée sur le droit fédéral : Titre 25 du
Code civil (CC) et l'Ordonnance fédérale du 22 février 1910 (ORF). Il faut y ajouter le droit
cantonal en la matière, généralement les lois d'application du Code civil et les lois spécifiques sur
le registre foncier (voir Steinauer, "Les Droits réels", Tome premier, 3e éd. p. 149).
Ce cours expose les principes et mécanismes généraux, issus du droit fédéral, que l'on retrouve
dans les divers cantons romands, même s'ils peuvent être représentés sous des formes
différentes : "papier" ou "informatique" (voir annexe 1).
I - INTRODUCTION AU REGISTRE FONCIER FEDERAL
Le 1er janvier 1912 entrait en vigueur le Code civil suisse du 10 décembre 1907. L'unification du
droit civil signifiait non seulement l'abrogation des lois civiles des cantons, mais aussi
l'élaboration de dispositions fédérales transitoires pour permettre la mise en place de la nouvelle
législation.
L'un des plus profonds changements apportés fut, sans conteste, d'unifier le système de publicité
foncière en consacrant l'institution du registre foncier des art. 942 à 977 CC.
1. Le système du registre foncier
Ce système, retenu par le législateur fédéral pour assurer la publicité foncière, repose sur
l'idée que c'est en principe l'inscription dans un registre public (tenu précisément par les
organes du registre foncier) qui opère le transfert de la propriété ou la constitution d'un droit
réel limité.
Ce système existait déjà sous une forme pleinement élaborée dans les Cantons de Soleure,
Bâle-Ville et Vaud. On en rencontrait des éléments dans les Cantons des Grisons, de Glaris,
dans les demi-cantons d'Obwald et de Nidwald et, sous une forme plus développée, dans le
Canton de Schwytz.
Les droits cantonaux connaissaient encore deux autres systèmes destinés à assurer la publicité
foncière.
2. Le système français de la transcription
Selon ce système, le contrat passé entre les parties dans les formes voulues transfère à lui
seul la propriété ou crée le droit réel limité. L'acte est transcrit – sans examen préalable
dans un registre, afin de constituer la preuve de l'acquisition intervenue.
Le système de la transcription s'appliquait, outre dans divers districts de l'ex-Jura bernois,
dans les Cantons de Genève, du Valais, de Fribourg et de Neuchâtel, avec diverses
variantes. Le Tessin connaissait la transcription pour les hypothèques seulement.
3. Le système de l'homologation
Dans ce système, le contrat d'acquisition doit être soumis par les parties à une autorité aux
fins d'homologation (examen de l'acte) ; celle-ci a pour effet de créer ou de transférer le droit
réel.
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Le régime de l'homologation était en vigueur dans les Cantons de Berne, de Lucerne,
d'Argovie, de Zurich, de Schaffhouse, de Zoug, des deux Appenzell, de Thurgovie, de Bâle-
Campagne, d'Uri et enfin – pour ce qui concerne les droits de gage – dans ceux de Glaris et
d'Unterwald.
Le législateur a donné la préférence au système du registre foncier parce que ce système
présente les avantages d'assurer la sécurité des droits réels immobiliers et de permettre à
chacun de se renseigner facilement et rapidement sur l'état des droits en relation avec les
immeubles.
Concrètement, l'introduction du registre foncier déral consiste à réunir pour un même immeuble
les droits et les charges qui le concernent. C'est la fonction principale du feuillet fédéral qui doit
donner une image complète et exacte de tous les rapports juridiques inhérents à un immeuble.
Une telle opération suppose que les droits constitués avant 1912 (inscrits ou non sur les registres
cantonaux) soient contrôlés avant d'être inscrits sur le feuillet fédéral. Cette procédure
d'épuration fait l'objet des art. 43 à 45 titre final du Code civil. Les cantons en ont précisé les
modalités dans leur loi d'application ou d'introduction du Code civil.
Ainsi, l'établissement du registre foncier fédéral est l'occasion d'une épuration des droits relatifs
aux immeubles : d'entente avec les intéressés, le conservateur cherche à clarifier la formulation
des inscriptions, à éliminer les droits qui n'auraient plus de portée, à inscrire les droits qui ne
l'auraient pas été. Bien que le Code civil soit en vigueur depuis 80 ans, de nombreux cantons
sont encore concernés par cette procédure (voir annexe 2).
II - GENERALITES
Le registre foncier est un service public chargé de donner l'état de droit sur les immeubles (voir
art. 942 CC).
Les droits révélés par cette institution sont des droits privés, des droits réels concernant des
choses immobilières. Un régime de faveur a été également accordé à certains droits personnels
dont l'annotation au registre foncier est prévue expressément par la loi, qui obtiennent par là un
effet quasi-réel.
Le droit public n'est en principe pas révélé par le registre foncier, sauf quelques exceptions
prévues au chapitre des mentions de droit public. Pour connaître par exemple les possibilités de
bâtir une parcelle, il convient de consulter les plans d'extension et les règlements relatifs à la
police des constructions.
Le registre foncier est l'institution suisse de publicité foncière. L'histoire en a connu d'autres :
l'acte devant témoins, l'acte authentique notarié, le dépôt ou homologation ou encore la
transcription dans un registre officiel ; tous ces moyens apportaient une présomption d'exactitude
du document issu de la procédure mise en œuvre. Le moyen le plus évolué est celui de
l'inscription des actes dans un registre unique et tenu officiellement, en tant que condition sine
qua non de l'existence même du droit immobilier.
Aucun titre de propriété n'est délivré en Suisse car un tel document n'est pas nécessaire,
contrairement à la pratique de bien d'autres pays. Le propriétaire établit sa qualité d'ayant droit
en prouvant son identité par une pièce d'état civil justifiant la correspondance avec le nom porté
au registre foncier.
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III - ELEMENTS CONSTITUTIFS DU REGISTRE FONCIER
1. Le registre foncier comprend (art. 942 al. 2 CC) :
Les documents principaux
- le journal
- le grand livre (actuellement fiches-feuillets)
- le plan cadastral
- les pièces justificatives (collection des actes et annexes)
Les registres accessoires (art. 108 ORF) :
- le registre des propriétaires
- le registre des créanciers
Cette terminologie est utilisée dans le domaine professionnel, quelle que soit la présentation
du document. L'appellation de grand livre ou de feuillet subsiste même après leur saisie
informatique.
Sont immatriculés comme immeubles au registre foncier (art. 943 CC) :
Les biens-fonds ou parcelles (définition art. 1 ORF)
Les droits distincts et permanents(DDP) de superficie ou de source (art. 7 ORF)
Les mines et les concessions hydrauliques (art. 8 et 10 ORF)
Les parts de copropriété d'un immeuble, spécialement les lots de propriété par
étages, (PPE) (dès 1965, ensuite de modification du Code civil)
L'immatriculation consiste en :
pour un bien-fonds : tracé sur le plan cadastral et ouverture d'un feuillet avec, en plus,
l'inscription au rôle des biens-fonds pour les cantons qui n'ont pas l'état descriptif au
feuillet (art. 2 et 4 ORF). Dès 1995, possibilité de saisir par informatique les données de
la mensuration officielle ;
pour les autres objets : ouverture d'un feuillet, art. 7 et 9 ORF pour les DDP ; art. 8 ORF
pour les concessions, 10 ORF pour les mines et 10a ORF pour les parts de copropriété,
ordinaire ou par étages, sur un immeuble.
Bien que les art. 952 CC et 6 ORF prévoient la faculté d'immatriculer un immeuble dans
plusieurs arrondissements, dans le Canton de Vaud par exemple, chaque portion est
immatriculée comme un immeuble indépendant, cela pour des raisons de simplification.
2. Les différentes rubriques du feuillet
Un feuillet fédéral renseigne sur les éléments suivants :
a) l'état descriptif
b) la propriété
c) les gages
d) les annotations
e) les mentions
f) les servitudes et les charges foncières
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a) L'état descriptif
L'état descriptif indique, pour l'essentiel, la situation et la surface de l'immeuble, le genre
des cultures et les bâtiments qui s'y trouvent. Les données descriptives (à l'exception de
celles qui fixent les limites mêmes du fonds) ne produisent pas les effets du registre
foncier prévus aux art. 971 à 974 CC.
Lorsque les données descriptives sont accessibles par voie de connexion informatique
(notamment avec une banque de données cadastrales), le conservateur n'a pas besoin
de saisir à nouveau ces données (art. 4 ORF).
b) La propriété
Les propriétaires peuvent être des:
- personnes physiques
- personnes morales
- communautés de personnes, soit
. communauté de biens résultant d'un régime matrimonial
. indivision de famille
. communauté héréditaire (hoirie)
. société simple
. société en nom collectif
. société en commandite
c) Les gages
Un gage immobilier peut être constitué sous forme d'hypothèque, de cédule
hypothécaire (au porteur ou nominative) ou de lettre de rente (art. 793 CC). En pratique
toutefois dans les cantons romands, la lettre de rente n'a qu'une existence purement
formelle.
Un gage immobilier peut grever plusieurs immeubles lorsque ceux-ci appartiennent au
même propriétaire, ou à des personnes différentes mais codébitrices solidaires de la
créance garantie par le gage (art. 798 al. 1 CC).
On parle de gage collectif dans l'hypothèse où les immeubles répondent chacun pour
l'entier de la créance, et de gage réparti lorsque chaque immeuble est grevé pour une
part déterminée de celle-ci. La combinaison de ces deux formes aboutit à la création d'un
gage collectif-réparti.
d) Les annotations
L'annotation est une écriture donnant un effet renforcé à un droit autre qu'un droit réel. Le
droit annoté prend alors rang parmi les droits réels ; il devient opposable à toute
personne qui acquiert ultérieurement un droit sur l'immeuble.
Dans l'intérêt de la clarté du registre foncier, qui perdrait une grande partie de son
efficacité si une variété infinie de droits pouvaient y être indiqués, la loi n'autorise qu'un
certain nombre d'annotations. Autrement dit, pour qu'un droit puisse être annoté, il faut
que cela soit expressément prévu dans la loi.
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Les art. 959 à 961 CC distinguent 3 espèces d'annotations :
Art. 959 CC : Droits personnels
- préemption
- emption
- réméré
- baux à ferme et loyer
Bien que les droits personnels annotés ne soient pas de véritables droits réels, la
tendance à la reconnaissance d'une obligation "réelle" se manifeste dans la
jurisprudence (ATF 92 147 JT 1967 174).
Par l'annotation, un droit personnel obtient un effet de priorité sur tout droit acquis
postérieurement ; l'annotation ne crée pas un droit réel indépendant, mais confère à la
prétention qui résulte de l'obligation contractuelle une protection renforcée (effet de
rattachement), en ce sens que l'on peut faire valoir cette prétention non seulement contre
celui qui est obligé personnellement, mais qu'elle peut aussi être opposée aux tiers qui
ont acquis postérieurement des droits sur l'immeuble ; la prétention personnelle est, par
l'annotation, renforcée par un droit réel accessoire (ATF 114 III 18 JT 1990 II 60).
Art. 960 CC : Restrictions du droit d'aliéner
- par jugement
- saisie, séquestre, réquisition de vente
- substitution fidéicommissaire
- expropriation
Art. 961 CC : Inscriptions provisoires (IP)
Elles ont pour effet que le droit, s'il est constaté plus tard, généralement en vertu d'une
décision judiciaire, devient opposable aux tiers dès la date de l'IP.
e) Les mentions
La mention est une écriture ayant pour effet d'attirer l'attention de tout intéressé sur une
particularité de droit ou de fait concernant l'immeuble grevé. Le droit existe sans le
registre foncier ; l'indication sur le feuillet ne fait qu'attirer l'attention des tiers.
On ne peut pas mentionner n'importe quel droit au registre foncier, pour ne pas le
surcharger : la mention doit être prévue par la loi. On distingue les mentions de droit
public et celles de droit privé.
de droit public fédéral
Exemples : - Améliorations foncières
- Restrictions du droit de propriété LFAIE (loi sur l'acquisition
d'immeubles par des personnes à l'étranger)
- Restrictions du droit de propriété (logement)
- Faillite, sursis concordataire : désormais mentionnés ensuite de la
modification de la loi sur la poursuite pour dettes et la faillite (LP)
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