Application Communication sans fil Les émetteurs-récepteurs à basse consommation, fins prêts pour les réseaux de capteurs Les technologies des émetteurs-récepteurs à ultrabasse consommation permettent aujourd’hui d’alimenter des capteurs sans fil par microbatteries dans les applications médicales et industrielles. Le choix de ces émetteurs-récepteurs est critique pour optimiser l’efficacité énergétique. Grâce à eux, les réseaux de capteurs industriels peuvent effectuer des mesures périodiques sans avoir à changer de batterie et les capteurs sans fil pour le médical peuvent surveiller en continu des signaux biologiques sur de longues périodes. AUTEUR Reghu Rajan, responsable marketing produits communication et médical (Microsemi Corporation). A vec le succès de la mise en œuvre sur le terrain de réseaux de capteurs sans fil de courte portée, apparaît un besoin croissant pour les alimenter par de petites batteries de faible coût ou par le biais de technologies de récupération d’énergie ambiante. La domotique, l’automatisation de bâtiments et l’automatisation industrielle comptent parmi les grands domaines d’application de ces réseaux. Avec des systèmes qui récupèrent l’énergie ambiante pour jauger et surveiller un environnement sévère, là où les batteries sont difficiles d’accès et coûteuses à remplacer. Un autre grand marché est celui des capteurs médicaux portés par les patients qui fonctionnent avec de très petites batteries, tout en assurant un suivi continu de paramètres physiques ou physiologiques (tension, taux de glucose…). Dans les deux cas de figure, l’efficacité énergétique est critique. Mais aujourd’hui, il existe des émetteurs-récepteurs radio faible portée à ultrabasse consommation qui peuvent fonctionner avec des « nœuds capteurs » alimentés par récupération d’énergie pour créer une variété de réseaux sans fil capables de transmettre des mesures cycliques sans qu'il soit nécessaire de changer de batterie. Ces mêmes transceivers étendent notablement la durée de vie des batteries de très petite puissance dans des applications de surveillance médicale qui génèrent un flot continu de données 24 / L’EMBARQUÉ / N°3 / 2013 et peuvent fonctionner jusqu’à deux semaines avec la même batterie. Mais, quelle que soit l’application, c’est la capacité des émetteurs-récepteurs à optimiser l’efficacité énergétique du réseau qui est l’aspect fondamental à traiter. Réseaux sans fil de faible portée : des différences entre l’industriel et le médical Les réseaux de capteurs sans fil de faible portée pour des ateliers industriels ou des bâtiments commerciaux sont conçus pour améliorer l’efficacité de la production, la sûreté de fonctionnement, la fiabilité, l’automatisation et la sécurité. Leurs applications vont du contrôle d’accès à la surveillance d’ambiance ou d’environnement, en passant par les cartes à puce multifonctions pour capteurs autonomes, la sécurité et l’automatisation des bâtiments, la surveillance du niveau des réservoirs et de la pression des pneus, et le contrôle de la chaîne du froid dans l’industrie pharmaceutique. Jusqu’à récemment, quasiment tous ces réseaux de capteurs industriels utilisaient des systèmes de câblage coûteux pour les données et pour l’alimentation. Le passage à une architecture sans fil élimine certes le câblage, mais ne résout pas le problème de son alimentation. Les batteries classiques à cellules (type AAA) offrent bien une solution, mais le coût de leur remplacement peut s’avérer prohibitif, en particulier lorsque les capteurs sont installés derrière des parois ou dans des endroits difficiles d’accès. Les réseaux personnels sans fil (WPAN pour Wireless Personal Area Network) et les réseaux corporels sans fil (WBAN pour Wireless Body Area Network) ont des problèmes similaires vis-à-vis des opérations de ● A.- On voit ici quelques exemples d’utilisation de liaisons radio sans fil dans diverses applications médicales, à l’hôpital et à domicile. Communication sans fil Application 1 BLOC-DIAGRAMME D'UN CAPTEUR SANS FIL ALIMENTÉ PAR UN SYSTÈME DE RÉCUPÉRATION D'ÉNERGIE Nœud de gestion de la consommation Gestion de l’énergie thermique et batterie Générateur d’énergie thermique Capteur de température remplacement de batteries. Ces deux types de réseaux sont au cœur des appareils médicaux à porter sur soi, pour la surveillance médicale sur site ou à distance, la thérapie en mobilité et la gestion de maladies comme l’apnée du sommeil. Ils s’utilisent dans les hôpitaux et cliniques, dans les systèmes de surveillance clinique à domicile et ambulatoire, ou dans les appareils de santé et de fitness grand public. Les WPAN ont une portée d’environ 10 m et utilisent des protocoles comme Bluetooth et ZigBee. Les WBAN ont une portée réduite d’environ 1 m et sont utilisés avec des capteurs placés sur le corps. Ces réseaux de capteurs ont étendu leurs applications, depuis les mesures cycliques jusqu’aux mesures continues exigeant des liaisons de plus haut débit (photo A). Dans ces deux domaines, industriel et médical, l’objectif est de trouver une alternative aux batteries traditionnelles. L’industrie semble avoir adopté la voie de la récupération d’énergie ambiante mais le domaine médical, qui exige des flux continus de données, se tourne plutôt vers les cellules « bouton » compactes et peu coûteuses et aussi vers les petites batteries lithium-ion. Chacune de ces sources d’alimentation peut satisfaire aux besoins de ces applications, du moment que l’efficacité énergétique est optimale. Les contraintes d’efficacité énergétique des capteurs sans fil alimentés par récupération d’énergie sont plus pointues que celles des capteurs sans fil traditionnels (figure 1). Le micro- SPI GPIO TWI Analog Microcontrôleur + MAC + couche réseau + application contrôleur et la puce radio doivent passer en mode basse consommation dès que possible pour augmenter la durée de vie de la réserve d’énergie. L’importance de la sollicitation de la source, à l’état stable ou à l’état actif, dépendra de paramètres tels que le courant de veille de la puce radio et du microcontrôleur, l’alimentation de l’émetteur-récepteur et son type de cycle de service, et la complexité et la durée du traitement de signal. Au sein d’un nœud capteur typique, le capteur détecte et quantifie divers paramètres environnementaux requis par l’application ; le transducteur d’énergie convertit une forme quelconque d’énergie ambiante en électricité ; le module de gestion d’alimentation collecte, stocke et délivre l’énergie électrique nécessaire au nœud capteur ; et finalement, le 2 BLOC-DIAGRAMME D’UN CAPTEUR À RÉCUPÉRATION D’ÉNERGIE On voit ici les principaux composants de base d’un nœud capteur typique alimenté par récupération d’énergie Stockage d’énergie Récepteur de réveil Gestion d’alimentation Radio sub-GHZ ultra-basse consommation MCU 8 ou 16 bits Convertisseurs élévateurs Capteur applicatif Transducteur d’énergie récupérée Thermique, solaire, lumière ambiante, RF, induction, piézo, etc. ZL70250 ISM 900 MHz TxRx Adaptateur d’antenne 24,576 MHz microcontrôleur se charge du traitement du signal émis par le capteur et des communications radio, avec ou sans fonction de récepteur de réveil du module RF (figure 2). La sortie du capteur est donc connectée au microcontrôleur qui traite le signal issu de la mesure du paramètre requis (température, pression, accélération, etc.). Ce processeur fournit l’information à la puce radio, et contrôle aussi l’activation de cette dernière, soit selon une période donnée, soit en réponse à un événement généré par exemple par un récepteur de signal de réveil du transceiver. Un moyen de réduire la consommation d’énergie est alors de jouer sur le firmware du microcontrôleur à l’aide d’algorithmes qui gèrent les séquences de mise sous et hors tension, les conversions analogique-numérique et les interruptions sur événements. Mais cela ne suffit pas. De plus en plus, les réseaux de capteurs sans fil s’appuient sur des technologies radio à ultrabasse consommation pour optimiser l’efficacité énergétique, que ce soit avec des capteurs industriels à récupération d’énergie ou des capteurs médicaux à microbatteries. Les technologies radio à ultrabasse consommation pour optimiser l’efficacité énergétique Pour sélectionner un émetteur-récepteur radio dans le but d’optimiser l’efficacité énergétique d’un réseau de capteurs industriels ou médicaux à courte portée, de nombreux paramètres sont à évaluer. La tension d’alimentation est notamment impor- L’EMBARQUÉ / N°3 / 2013 / 25 Application Communication sans fil tante. En effet, la plupart des capteurs fonctionnent avec une seule cellule de batterie, aussi est-il opportun de choisir une alimentation de moins de 2 V. Il faut donc que l’émetteur-récepteur radio courte portée soit conçu pour fonctionner sous une basse tension d’alimentation (idéalement, aussi basse que 1,1 V) afin d’optimiser la flexibilité et réduire les contraintes de gestion d’alimentation. Il faut savoir que les puces radio qui fonctionnent sous 2,5 V brûlent deux fois plus d’énergie que celles alimentées sous 1,25 V, pour la même consommation de courant. Et comme la puissance de sortie excède rarement 0 dBm dans les applications à courte portée, il est possible et bénéfique d’alimenter la radio sous moins de 2 V. Les autres points à vérifier, concernant l’alimentation de l’émetteur-récepteur, sont la performance obtenue en transmission comme en réception, et la courbe de courant qui doit s’adapter à l’impédance de l’alimentation sans valeur crête excessive. Le courant de crête est le second point important à regarder. En effet, la grande majorité des réseaux de capteurs sans fil fonctionnent, d’une manière ou d’une autre, par cycles de service (« duty cycling »), ce qui économise de l’énergie et limite l’occupation de la bande radio. D’un autre côté, le duty cycling génère des crêtes de consommation de courant dans le « nœud capteur ». Un émetteur-récepteur radio à faible courant de crête aidera à réduire les contraintes sur l’alimentation du capteur sans fil, ce qui est particulièrement important pour les capteurs à récupération d’énergie. Car il arrive souvent que l’impédance de sortie des transducteurs de récupération d’énergie soit supérieure à celle des batteries. La couche de gestion de micropuissance entre le transducteur et le capteur convertit alors les paramètres caractérisant l’alimentation, dont l’impédance de la source. C’est pourquoi une faible crête de consommation au niveau de l’émetteur-récepteur radio aidera à réduire les contraintes de l’alimentation du capteur. Le troisième paramètre à prendre en compte est la consommation de l’amplificateur de puissance de 26 / L’EMBARQUÉ / N°3 / 2013 l’émetteur-récepteur radio, qui peut être considérable. De nombreuses radios 802.15.4 ou Bluetooth consomment en effet de 25 à 40 mW pour une portée de 25 m sans obstacle, et gaspillent une bonne partie de cette énergie. Les principaux facteurs influant sur la consommation de l’amplificateur de puissance sont son impédance de sortie, sa fréquence de porteuse et ses caractéristiques de modulation. Ensemble, ces facteurs combinés peuvent faire varier sa consommation de deux ordres de grandeur pour une portée identique. La sensibilité du récepteur est ici par- B.- L’émetteur-récepteur ZL70250 de Microsemi est encapsulé dans un boîtier CSP (Chip-Scale Package) de 2 x 3 mm. ● ticulièrement importante, car elle détermine la puissance que l’amplificateur doit émettre pour une portée donnée. De leur côté, la sensibilité des puces radios peut évoluer de - 85 dBm à - 95 dBm, ce qui fait varier la consommation de l’amplificateur de puissance d’un facteur 10. L’impédance de sortie de cet élément affecte aussi sa consommation. Cette impédance est liée à la fréquence de porteuse, à l’architecture du circuit et à d’autres paramètres, tandis que l’impédance de l’antenne dépend de sa taille, de sa forme et de la fréquence de porteuse. En général, un réseau d’adaptation assure l’interface entre l’amplificateur de puissance (et le récepteur) et l’antenne. La tension d’alimentation, l’architecture de l’amplificateur de puissance, la fréquence de porteuse et la conception de l’antenne impactent la conception du réseau d’adaptation et les pertes d’insertion associées. Ce qui peut représenter plusieurs dB. Dans les bandes ISM, ne pas sous-estimer le sub-GHz Deux sous-bandes disponibles dans les gammes de fréquence industrielle, scientifique et médicale (ISM) sont la bande 2,4 GHz et la bande située sous le gigahertz (sub-GHz). Les protocoles 2,4 GHz les plus répandus en contrôle industriel, en automatisation de processus et dans les services publics sont Wi-Fi, Bluetooth et ZigBee. Les concepteurs développant des solutions pour applications ultrabasse consommation devraient envisager d’utiliser la bande sub-GHz avec le protocole le mieux adapté à leur besoin. Les systèmes sub-GHz offrent en effet plusieurs avantages pour les applications sans fil industrielles et médicales de bas débit, dont une consommation réduite et une plus longue portée pour une puissance donnée. L’équation de Friis permet ainsi de quantifier la meilleure adéquation des paramètres de propagation d’une porteuse sub-GHz. L’affaiblissement de propagation à 2,4 GHz surpasse de 8,5 dB l’affaiblissement à 900 MHz. Ce qui se traduit en une portée 2,67 fois plus grande pour une radio de 900 MHz, puisque la portée double approximativement à chaque montée en puissance de 6 dB. Une solution à 2,4 GHz demande plus de 8,5 dB de puissance en plus pour atteindre la portée d’une radio de 900 MHz. Un autre avantage des porteuses situées sous le GHz est leur plus grande immunité aux obstacles physiques par rapport aux porteuses à 2,4 GHz. Le risque d’interférence est également réduit puisque les bandes subGHz sont moins fréquentées que les bandes 2,4 GHz, qui sont utilisées par les signaux Wi-Fi, Bluetooth et ZigBee des concentrateurs sans fil, Communication sans fil Application Jauge de pression, température, etc. Circuit ZL70250 Contrôleur Osc. cristal Générateur de polarisation et générateur d’horloge Rbias Data CTRL Data CTRL Application CAN Couche liaison CNA Contrôle GPIO Codec Contrôleur USB EXT CLK Flash/ Eeprom 24,576 MHz ordinateurs, téléphones cellulaires et fours micro-ondes. Les bandes ISM sub-GHz sont surtout utilisées par des protocoles propriétaires et standard à cycles de service peu exigeants, et elles sont ainsi moins susceptibles d’interférer entre elles. De plus, le fait de fonctionner dans un spectre plus calme facilite les transmissions et réduit les retransmissions, ce qui est plus efficace et économise les batteries. Finalement, pour les liaisons sans fil à cycles de service, le débit de la transmission est l’un des paramètres qui affecte le plus la consommation. Le temps que passe la radio à transporter les données utiles par les airs dépend du débit, de la surcharge de calcul liée au protocole d’établissement et de maintien de la liaison, et de la latence du réseau. Le débit est particulièrement important car la puissance moyenne consommée est presque inversement proportionnelle au débit ; ainsi, une radio de 100 kbit/s consommera presque la moitié d’une radio de 50 kbit/s pour la même charge utile, en supposant que les deux radios aient des consommations de courant similaires. Pour comparer des émetteurs-récepteurs RF, le paramètre « énergie par bit » est un meilleur indicateur d’efficacité énergétique que la consommation de courant. Cependant, les radios à haut débit sont aussi celles qui présentent les courants de crête les plus élevés, ce qui est extrêmement indésirable pour la plupart des petites batteries ou des Commutateur, moteur, valve, etc. Audio MAC Données Tx/x RF Actuateur Capteur 3 SCHÉMA TYPIQUE D’UN CAPTEUR SANS FIL Le convertisseur analogique-numérique (CAN) du microcontrôleur se connecte à un frontal analogique à ultrabasse consommation. Le microcontrôleur et le composant ZL70250 forment ici une solution pour électrocardiogramme sans fil pouvant fonctionner en continu pendant une semaine avec une cellule bouton CR, sans changement de batterie. récupérateurs d’énergie et rajoute des contraintes de gestion d’énergie. De leur côté, certaines piles de protocoles génèrent plus de surcharge que d’autres pour le transport de la charge utile. Des standards comme le ZigBee et le Bluetooth offrent des couches sophistiquées de liaison et de réseau, mais leur surcharge génère de 50 à 75 % de la consommation de la radio. Pour les systèmes à ultrabasse consommation, l’option standard « taille unique » est rarement optimum. Les concepteurs devraient choisir le protocole le mieux adapté à leur besoin. Enfin, la latence du réseau impacte quant à elle la durée de transport de la charge utile et la consommation associée, en incluant le temps passé par les nœuds à « écouter » (fonction « sniffer ») la ligne. Dans les systèmes dominés par la gestion des cycles de service, l’énergie consacrée par le récepteur à l’écoute représente la majeure partie du budget. Ainsi, dans les réseaux maillés 802.15.4, environ 9 % de l’énergie du système est consacrée aux fonctions de réception. Dans les systèmes où la charge utile est plus importante, le « sniffing » domine moins mais la consommation du récepteur représente encore quelque 50 % du budget RF. Il est donc essentiel de choisir un récepteur présentant la consommation la plus basse possible pour obtenir une télémétrie RF à ultrabasse consommation. Tous les facteurs qui viennent d’être mentionnés sont critiques pour des applications comme les réseaux de capteurs sans fil médicaux, où l’énergie est précieuse et où la charge utile excède 10 bit/s. Auparavant, les capteurs portés sur soi mesuraient uniquement des paramètres variant lentement. Les nouvelles technologies RF permettent d’observer des paramètres physiologiques tels que l’activité cardiaque, l’activité électrique du cerveau ou l’oxygénation du sang, ce qui demande des débits de l’ordre de 0,5 à 5 kbit/s pour obtenir des formes d’ondes ayant de la signification. Une solution pour capteurs médicaux offrant ce niveau de performance est l’émetteur-récepteur ZL70250 de Microsemi (photo B). Encapsulé en boîtier CSP (Chip-Scale Package) de 2 x 3 mm, il comporte les interfaces standards pour signaux de contrôle et données SPI et 2 fils, communs aux microcontrôleurs. Dans l’exemple de la figure 3, le convertisseur analogique-numérique (CAN) du microcontrôleur se connecte à un frontal analogique à ultrabasse consommation. Le MCU et le ZL70250 forment une solution pour électrocardiogramme sans fil pouvant fonctionner en continu pendant une semaine avec une cellule bouton CR, sans changement de batterie. Il est possible de concevoir des solutions de même efficacité énergétique pour des appareils tels que des accéléromètres trois axes, des oxymètres de pouls et d’autres plates-formes « prêtes à porter » de surveillance médicale. n L’EMBARQUÉ / N°3 / 2013 / 27