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Quand je considère la petite durée de ma vie, absorbée devant l’éternité précédant et suivant, le petit
espace que je remplis et même que je vois,
abîmé dans l’infinie immensité des espaces que j’ignore et qui m’ignorent,
je m’effraie et m’étonne de me voir ici plutôt que là,
car il n’y a point de raison pourquoi ici plutôt que là, pourquoi à présent plutôt que lors.
Qui m’y a mis ? Par l’ordre et la conduite de qui ce lieu et ce temps a-t-il été destiné à moi ?
Car enfin qu’est-ce qu’un homme dans la nature ?
Un néant à l’égard de l’infini, un tout à l’égard du néant, un milieu entre rien et tout,
infiniment éloigné de comprendre les extrêmes.
La fin des choses et leurs principes
sont pour lui invinciblement cachés dans un secret impénétrable.
Egalement incapable de voir le néant d’où il est tiré et l’infini où il est englouti,
que fera-t-il donc, sinon d’apercevoir quelque apparence du milieu des choses
dans un désespoir éternel de connaître ni leur principe ni leur fin ?
Le silence éternel de ces espaces infinis m’effraie.
Pascal, Pensées, Édition de Michel Le Guern, Folio classique
Nos architectes ont rêvé leurs cathédrales comme des pierres d’éternité,
ceux d’Isé ont rêvé la leur comme le plus grandiose des nuages.
Et cet éphémère parle d’éternité plus puissamment que les cathédrales, que les Pyramides. [...]
Comme les Esprits des forêts, de la cascade de Nachi qui tombe de cent mètres
et semble jaillir [...] ; piliers tendus, cascade tendue, lame de sabre perdue dans la lumière.
André Malraux, Le Japon, Antimémoires, Folio.
Les fleurs d’hier sont les rêves d’aujourd’hui.
Proverbe nippon
La Voie du Samouraï se trouve dans la mort.
En face de la mort, il n’y pas plus qu’elle à choisir...
S’il veut être prêt à mourir, un Samouraï doit se considérer comme déjà mort.
La voie du Samouraï est la passion de la mort.
Il faut développer la passion de la mort.
Ce dont chacun a besoin c’est la passion de la mort.
Tout le reste découlera naturellement de cette passion...
L’absolue loyauté vis à vis de la mort doit être mise en œuvre tous les jours.
On doit aborder chaque aube en méditant tranquillement,
en pensant à sa dernière heure et en imaginant les différentes manières de mourir :
- tué par une flèche, par un boulet, tranché par le sabre, submergé par les flots,
- sautant dans un incendie, foudroyé par l’éclair, écrasé dans un tremblement de terre,
- tombant d’une falaise, victime d’un malaise ou de mort soudaine.
On doit commencer sa journée en pensant à la mort.
Jocho Yamamoto (1659-1719), Hagakure, Le livre secret des Samourai.
Quand tu te retrouveras au carrefour des voies
et que tu devras choisir la route, n’hésite pas :
choisis la voie de la mort.
Ne pose pour cela aucune raison particulière
et que ton esprit soit ferme et prêt.
Quelqu’un pourra dire que si tu meurs
sans avoir atteint aucun objectif,
ta mort n’aura pas de sens :
ce sera comme la mort d’un chien.
Mais quand tu te trouves au carrefour,
tu ne dois pas penser a atteindre un objectif :
ce n’est pas le moment de faire des plans.