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ETHIQUE ET TRANSPARENCE : LES DEUX PILIERS D’UNE
BONNE GOUVERNANCE
Carole Doueiry Verne - Maître de conférences à la FGM
Introduction
Suite à de nombreux scandales financiers qui ont entaché l’économie de nombreux
pays depuis plusieurs années, le terme de bonne gouvernance n’a jamais autant suscité
l’intérêt des chercheurs en sciences de gestion. Mais la gouvernance est un concept
large et sa définition n’est pas unique puisque d’une part, elle concerne autant le
secteur privé que le domaine public et d’autre part, elle peut être vue comme un
résultat ou bien comme un processus.
Ainsi, en ce qui concerne le secteur pri, c’est-à-dire les entreprises et les
organisations, on utilisera plutôt le terme de gouvernance d’entreprise ou de corporate
governance qui désigne un système permettant à l’entreprise de gérer ses affaires non
seulement de façon efficace mais également en respectant certaines recommandations
éthiques (MERCIER, S., 1999 ; PASTRE, O et VIGIER, M., 2003). La notion
d’éthique apparaît explicitement au sein même de la définition de la gouvernance
d’entreprise, ce qui indique limportance de celle-ci en tant que composante d’une
bonne gouvernance. Au niveau du secteur public, comprenant l’Etat et les
administrations, on parlera de gouvernance publique qui signifie l’interaction des
gouvernements avec les citoyens et groupes de la socté civile dans un cadre
institutionnel transparent et efficace pour la promotion d’un bien-être social et
économique (World Bank, 2007) . La notion de transparence est, par conséquent,
cette autre composante essentielle pour l’obtention d’une bonne gouvernance.
L’éthique et la transparence sont donc les deux piliers qui soutiennent une bonne
gouvernance. Qu’entend-on par « bonne gouvernance »? La réponse dépend de la
définition de ce terme. Si l’on finit la bonne gouvernance comme un processus, on
peut dire, à l’instar de l’OCDE, que celle-ci « aide à renforcer la démocratie et les
droits de l’homme, à promouvoir la prospérité et la cohésion sociale, à duire la
pauvreté, à soutenir la protection de l’environnement et l’utilisation des ressources
naturelles et à renforcer la confiance publique dans l’action et l’administration de
l’Etat » (OCDE, 2007). De même, pour la banque mondiale (World Bank 2007, op.
cit.), elle inclut également le processus par lequel les gouvernements sont élus,
contrôlés et remplacés et la capacité des gouvernements à mettre en œuvre des
politiques qui respectent les citoyens et les institutions, ces derniers interagissant entre
eux économiquement. En revanche, si l’on définit la bonne gouvernance comme un
résultat, on dira que celle-ci est la conséquence des actions privées volontaires qui,
notamment au sein des entreprises, sont menées par les individus contribuant à
l’amélioration de la transparence de la divulgation des informations (aux parties
prenantes) et de la qualité des managers. En ce qui concerne l’Etat, la gouvernance
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comprend les traditions et les institutions par lesquelles l’autorité dans un pays est
exercée.
A la lumière de ces différents points de vue, nous constatons que l’éthique et la
transparence intègrent un processus permettant latteinte d’une bonne gouvernance ;
cette dernière permettant à son tour d’obtenir, pour un pays, la performance
économique.
Pour étayer notre propos, une premre partie étudiera la bonne gouvernance comme
le résultat de la mise en place de principes éthiques et de transparence au sein d’une
organisation. Une seconde partie analysera, à travers une étude empirique portant sur
30 pays de l’OCDE, la bonne gouvernance comme processus contribuant à la
performance économique.
I. La bonne gouvernance comme résultat de l’application des principes
d’éthique et de transparence
Les principes d’éthique et de transparence constituent deux composantes essentielles
d’une bonne gouvernance. Ils comprennent également plusieurs indices qui mesurent,
pour un pays, le niveau de la bonne gouvernance.
A. L’éthique et la transparence : les deux composantes d’une bonne
gouvernance d’entreprise
Au sein des organisations, l’éthique et la transparence sont intimement liées ; la
transparence étant la conséquence du comportement éthique des organisations. Par
comportement éthique, nous entendons des attitudes qui contribuent, au sein des
organisations, à la divulgation des informations (aux parties prenantes) et à la quali
des dirigeants (honnêteté, respect des contrats, sens du bien commun…). Pour cela, au
niveau de la sphère privée, les entreprises se doivent d’établir des codes de bonne
gouvernance consistant à indiquer le rôle et la composition du comité d’entreprise, les
relations avec les actionnaires et la direction, la divulgation des résultats de
l’entreprise ainsi que la sélection, la munération et la démission, si la situation
financière l’exige, de léquipe dirigeante (ABDEL SHAHID, S., 2001).
Par conséquent, le comportement éthique consiste à ce que les acteurs de l’entreprise
appliquent la transparence de l’information, notamment comptable (appelée la
reddition des comptes) qui est une procédure visant à ce que l’organisation fournisse
aux auditeurs (ceux qui vérifient les comptes financiers) toutes les informations
relatives aux différents documents comptables et états financiers. L’assurance d’une
transparence de l’information comptable passe donc par une procédure d’audit, c’est-
à-dire par une vérification efficace d’un comportement éthique visant à transmettre de
l’information non tronquée aux parties prenantes de l’entreprise. En effet, l’audit est
« un mécanisme incitant ou obligeant le ou les individus à qui une responsabilité a été
déléguée à agir conformément aux intérêts des partenaires de l’organisation »
(CHARREAUX, G., 1997 b). L’audit est donc une procédure de contrôle externe
consistant à rifier la transparence des comptes de l’organisation favorisant le bien-
être des principaux détenteurs d’intérêts de l’entreprise. Une telle procédure garantit
la sincérité, la régulariet l’image file des états financiers de l’entreprise. Certains
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auteurs, comme B. PORTER et al. (1996) estiment que les dirigeants des entreprises
doivent également contribuer à l’intérêt général en tenant compte de l’impact de leur
décision au niveau de la socié, tout en permettant la réalisation des profits et le
maintien de la pérennité de l’entreprise. La transparence, résultant d’un comportement
éthique des managers, permet la bonne gouvernance des entreprises qui repose sur des
principes encouragés par l’OCDE (2004). Ces derniers peuvent être regroupés en nos
deux piliers : l’éthique et la transparence. Ainsi, protéger le droit des actionnaires, les
traiter équitablement, respecter les autres partenaires de l’entreprise (salars,
consommateurs, fournisseurs, banques) et responsabiliser la direction, relèvent de la
composante éthique. Divulguer les vraies informations à tous les partenaires de
l’entreprise concerne la composante transparence.
Subséquemment, la bonne gouvernance d’entreprise ne peut se dérouler que dans un
cadre institutionnel et réglementaire lui aussi éthique et transparent.
B. L’application des principes d’éthique et de transparence : catalyseur de
bonne gouvernance publique
La banque mondiale et le FMI encouragent les Etats à instaurer un cadre légal et
réglementaire permettant la mise en place d’une bonne gouvernance (ISKANDER, M
et CHAMLOU, N., 1999) résultant du respect de certains principes d’éthique et de
transparence. Ces principes en regroupent d’autres qui sont définis par l’OCDE (2004,
op.cit) : la primauté du droit ; la transparence et l’obligation de rendre compte aux
institutionsmocratiques ; l’équité, notamment des mécanismes de consultation et de
participation des citoyens ; l’efficience et l’efficacité des services publics ; des lois et
des réglementations claires et transparentes ; la cohérence de la formulation des
politiques ; l’éthique et la bonne conduite.
Obtenir une bonne gouvernance publique nécessite ainsi de promouvoir les bonnes
pratiques qui renforcent l’efficacité des institutions démocratiques basée sur l’éthique
et la transparence. A ce propos, l’OCDE (2003) estime que la transparence du secteur
public est le sultat de politiques, institutions et pratiques canalisant les informations
de telle sorte qu’elles servent à rendre les politiques publiques plus accessibles, à
augmenter l’efficacité des processus politiques et à réduire l’incertitude en matière de
politique. Parvenir à de tels résultats nécessite au préalable une bonne communication
entre le gouvernement et les autres parties concernées mais dépend également des
institutions et de la culture propres à chaque pays.
La communication des politiques implique qu’il existe des « émetteurs » et
« récepteurs » de l’information et des réseaux de transmission (publication écrite,
sites Internet, audiences publiques, etc.) (WINKLER, B., 2000). Aussi, les
informations doivent être présentées de telle manière qu’elles soient compréhensibles
au public, lequel ne doit pas se trouver hors de portée des réseaux de transmission. Par
conséquent, la véracité, la réputation et la crédibilisont également des facteurs de
transparence.
Toutefois, la manière dont l’information est véhiculée entre l’Etat et les administrés
est étroitement liée aux institutions, cultures et modes de vie nationaux, comme le
montre l’OCDE à travers une étude menée sur le Danemark (OCDE, 2000 a) et une
autre relative aux Etats-Unis (OCDE, 1999). L’examen du Danemark montre
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comment le contexte historique, les valeurs nationales et la mondialisation ont
convergé pour aboutir à la création d’une double structure de réglementation. Cette
dernière consiste d’une part en un dispositif codifié et transparent et, d’autre part, à un
second dispositif, coexistant avec le premier, qui repose principalement sur des
accords informels et des contrats privés et relativement peu sur le cadre juridique
officiel. Cela se traduit par une préférence pour une réglementation consensuelle du
comportement des entreprises et des individus. Par contre, aux Etats-Unis, le mode
réglementaire, reposant sur des valeurs profondément ancrées sur la liberté
économique, découle d’un contexte marqué par un certain juridisme (les individus ont
l’habitude d’intenter un procès pour résoudre leurs difficultés). Ce modèle, impliquant
une préférence pour la confrontation, est fondé sur des processus de prise de décision
ouverts et transparents, sur une stricte séparation entre les actions publiques et privées
et sur la neutralité, du point de vue de la concurrence, entre les différents acteurs du
marché.
Ces deux exemples montrent que les différences culturelles font de la transparence du
secteur public un phénomène complexe qui reflète les préférences et instituions des
pays. Néanmoins, quelle que soit la culture et comme l’indique A SEN (SEN, A.,
1999), la transparence est un processus permettant d’élever le niveau de bien-être
général et de promouvoir l’efficacité et l’efficience des gouvernements. Plus
largement, l’éthique et la transparence constituent les deux piliers d’une bonne
gouvernance, laquelle permet à un pays de conntre la performance économique.
II. La bonne gouvernance comme processus permettant la performance
économique
La performance économique peut se définir au sens strict et au sens large. Au sens
strict, la performance économique se mesure par la somme des valeurs ajoutées des
entreprises agissant sur un territoire donné et à un moment donné, autrement dit par le
produit intérieur brut (PIB). Au sens large, la performance économique se mesure
plutôt par le niveau de développement économique d’un pays. Quoiqu’il en soit, le
niveau de ces deux indicateurs s’explique par l’existence d’une bonne gouvernance
dont les deux piliers, l’éthique et la transparence, reposent sur plusieurs principes.
A. Les principes d’une bonne gouvernance à travers les deux piliers d’éthique et
de transparence
La banque mondiale, dans son rapport de 2007 (World Bank, 2007, op.cit p.6),
regroupe les principes d’éthique et de transparence en d’autres principes qui font
l’objet d’indices. Ces derniers intéressent quelques 212 pays et sont mesurés sur une
période allant de 1996 à 2006. Ils sont regroupés comme suit en six catégories :
- Le vote et la comptabilité des voix (VA) : cet indice mesure la facilité qu’ont
les citoyens d’élire leur gouvernement ainsi que la liberté d’expression, la
possibilité de former librement des associations et la liberté de la presse ;
- La stabilité politique et l’absence de violence (PV) est un indice montrant la
probabilité qu’un gouvernement soit destitou remplacé par des procédures
violentes et anti-constitutionnelles, incluant les violences nationales et le
terrorisme ;
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- L’efficaci du gouvernement (GE) mesure la qualité des services publics et
privés, le degré d’indépendance des pressions politiques, la qualité de la
formulation et de la mise en œuvre des politiques, la crédibili et
l’engagement des gouvernements pour de telles politiques ;
- La qualité de la régulation (RQ) indique la capacité d’un gouvernement à
mettre en œuvre des politiques saines permettant le développement du secteur
privé ;
- La règle de droit (RL) mesure l’étendue par laquelle les individus ont
confiance et respectent les règles de la société, en particulier l’application des
contrats, le respect des forces de police et la possibilité de punir les crimes et
les délits ;
- Le contrôle de la corruption (CC) montre la possibilité pour les pouvoirs
publics d’exercer leur activité à des fins privées, tenant compte à la fois des
formes plus ou moins marquées de corruption et de l’appropriation par l’Etat
des élites et des intérêts privés.
Ainsi, tous ces indices forment les deux piliers d’une bonne gouvernance : l’éthique et
la transparence. Selon la thode utilisée par la banque mondiale pour calculer ces
indices (World Bank, 2007, ibid p.13), l’unité dans laquelle les six indicateurs de la
gouvernance sont mesurés suit une distribution normale de moyenne nulle et d’écart
type de 1 pour chaque période. Ceci implique que les scores varient entre 2,5 et 2,5.
Cela signifie que les pays enregistrant des scores négatifs présentent une mauvaise
gouvernance et ceux affichant des scores positifs connaissent une meilleure
gouvernance. Evidemment le niveau maximum serait le niveau idéal qu’aucun pays,
en réalité, n’a obtenu en 2006. A l’inverse, aucun pays ne connaît une moyenne des
indices égale à 2,5, car cela signifierait qu’il n’existe aucune institution. En résumé,
le pays qui enregistre le plus haut score dans la plupart des six indices décrits ci-
dessus est donc celui qui connaît la meilleure gouvernance, c’est-à-dire que les
principes d’éthique et de transparence sont bien respectés. A l’inverse, les pays qui
obtiennent des scores gatifs dans la plupart des six catégories affichent une
mauvaise gouvernance. Il semble, d’après l’étude de la banque mondiale (World
Bank, 2007, ibid. p. 76), que les pays en veloppement connaissent, pour la plupart,
des scores faibles dans l’ensemble des six catégories d’indices finissant l’éthique et
la transparence. Par contre, les pays veloppés, enregistrent en ral de meilleurs
scores. Le Liban, figurant parmi les pays en veloppement affiche toujours, pour
l’instant, une mauvaise gouvernance.
Il est donc probable que le respect des principes composant les deux piliers d’une
bonne gouvernance, l’éthique et la transparence, constitue une condition sine qua
none pour qu’un pays affiche une bonne performance économique.
B. Le respect des principes d’éthique et de transparence : des facteurs
explicatifs de la performance économique
Comme on l’a vu, la performance économique, définie au sens strict, est mesurée par
l’indicateur de croissance économique qui est le PIB. Définie au sens large, la
performance économique se mesure par l’indice de veloppement humain indiquant
le niveau de développement économique d’un pays.
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