Université de Paris II Panthéon-Assas DEA de droit public interne Jacques Maritain, Michel Villey Le thomisme face aux droits de l’homme Mémoire présenté et soutenu publiquement par LOUIS-DAMIEN FRUCHAUD pour l’obtention du DEA de droit public interne Sous la direction de Monsieur le Professeur JEAN MORANGE Le 9 septembre 2005 1 Section 2. La genèse des droits de l’homme L’idée selon laquelle il faut retracer l’histoire du concept de droit de l’homme afin d’en comprendre la portée, notamment les erreurs qu’il porte, est au cœur de la réflexion villeyienne : en historien et en philosophe, il cherche à montrer comment et pourquoi l’apparition du langage des droits de l’homme reflète la décomposition progressive de la notion de droit. Ses ouvrages comprennent donc la plupart du temps, explicitement, un plan où, après l’étude du concept de droit, vient l’étude de l’émergence du concept de droit de l’homme 1 . En un sens, les deux questions qui forment l’essentiel de la philosophie du droit, celle de l’essence du droit (donc de sa définition) et celle de ses sources 2 , sont comme deux critères pour apprécier l’évolution des doctrines juridiques. Cette évolution, Villey la retrace de manière très complète et précise. Ce n’est pourtant pas le sujet de présenter l’intégralité de la doctrine villeyienne mais seulement cela qui pourra éclairer notre recherche : comment et pourquoi en est-on arriver à parler de droits de l’homme ? La réponse à cette question est la clef de compréhension des déficiences de ce langage. Or, selon Villey, le problème se noue entièrement au Moyen-Age et, plus particulièrement, aux XIIIème et XIVème siècles. C’est à cette époque que prend racine l’opposition des Anciens et des Modernes, qui est à la base de conceptions différentes et même antagonistes du droit. Villey remarque que les historiens se trompent, qui font naître la Modernité au XVIème siècle, avec la Renaissance et l’Humanisme. C’est, selon lui, un « simplisme » car si les grands penseurs de cette époque ont des doctrines qui contrastent en effet nettement avec celles des classiques, elles plongent leurs racines à des sources plus anciennes 3 . La thèse principale de Villey est que la modernité, surtout dans sa forme juridique, naît au XIVème siècle, avec le nominalisme, qui serait la cause 1 cf. par exemple Le droit et les droits de l’homme, p. 105, note 1 ; RIALS, Introduction in La formation de la pensée juridique moderne, p. 12 2 Villey insiste sur la crise que traverse la théorie des sources du droit : Questions de saint Thomas, p. 133 et 174 ; Les doctrines sociales chrétiennes, p. 58 ; CAMPAGNA, Michel Villey, le droit ou les droits, p. 16 3 La formation de la pensée juridique moderne, pp. 185-187 2 de la rupture d’avec l’Ecole du droit naturel classique et de la formation de l’Ecole du droit naturel moderne 4 . Nous allons donc centrer notre étude sur cette période charnière qui permet de rendre compte des logiques profondes à l’œuvre dans la philosophie et dans la science juridique. Les conclusions pratiques n’en sont que des conséquences. En mettant en lumière les points de conflits et les retournements effectués à cette époque, nous serons mieux à même de comprendre comment les droits de l’homme peuvent apparaître de manière réellement systématique au XVIIème siècle. Ce choix nous conduit à présenter successivement les deux écoles en présence, la via antiqua (§1) et la via moderna (§2), dans leurs représentants les plus illustres : Thomas d’Aquin et Guillaume d’Occam. §1. Thomas d’Aquin : la synthétisation du droit objectif Il semble à première vue étonnant de commencer l’histoire des droits de l’homme par Thomas d’Aquin puisque, nous l’avons dit, Villey y voit l’apogée de la doctrine classique du droit et la récapitulation d’Aristote et du droit romain, pour lesquels il ne peut y avoir de droits de l’homme. D’une certaine manière, c’est cette présentation assez simple qui prévaut dans les derniers ouvrages de Villey, où il passe sous silence les nuances qu’il avait apportées dans ses cours des années 1960. En effet, il y présente cette thèse paradoxale : quoique indubitablement classique, saint Thomas serait par d’autres aspects pré-moderne, non pas au sens qu’il viendrait avant les modernes, mais parce qu’il contiendrait en germe ce qui deviendra explicite chez eux. Villey n’hésite pas à dire que Thomas est le « précurseur des systèmes de droit modernes » 5 . Cette affirmation s’explique quand on sait les deux caractéristiques principales sur lesquelles aime à revenir Villey : saint Thomas est tout d’abord celui qui offre la philosophie la plus développée sur le concept de nature, grâce à sa métaphysique ; il est ensuite celui qui réalise la synthèse de l’héritage classique gréco-latin et de l’héritage chrétien 6 . Or, d’un côté, la philosophie moderne vit, selon Villey les « dépouilles » 7 de 4 La formation de la pensée juridique moderne, p. 179 La formation de la pensée juridique moderne, p. 188 6 cf. La formation de la pensée juridique moderne, p. 154, 166, 175, 176 7 La formation de la pensée juridique moderne, p. 195 5 3 la philosophie thomiste et il est impératif de comprendre la notion thomiste de nature pour comprendre celle moderne 8 ; d’un autre côté, ce qui était chez lui équilibre et synthèse, devient déséquilibre par la suite et les divers ordres sont confondus 9 . Le droit moderne n’est pas tant construit « contre » saint Thomas que « à partir »10 de lui et c’est là une des affirmations les plus typiques et les plus récurrentes de Michel Villey : la philosophie du droit est, d’un certain point de vue, liée à la théologie 11 . L’histoire de la pensée juridique moderne est donc synonyme pour Villey d’une progressive déconstruction de la philosophie de saint Thomas, malgré la persistance d’éléments fondamentaux, généralement présents à un état latent et déstructuré. Voilà pourquoi nous allons, pour comprendre l’apparition des droits de l’homme, partir de saint Thomas en montrant la façon dont il reprend, en les développant, les éléments que nous avons trouvés chez Aristote et le droit romain. Mais nous ferons ainsi au travers de l’interprétation qu’en donne Villey, qui centre sa réflexion autour de deux points 12 : les relations du droit et de la loi (1), la notion de droit naturel (2). 1. Les rapports du droit et de la loi chez saint Thomas Sur les sens du terme justice, saint Thomas peut reprendre à son compte les Ethiques à Nicomaque, commentées devant ses étudiants. 13 Or, Aristote distinguant la justice particulière de la justice générale, saint Thomas fait de même, ce qui produit deux conséquences : la distinction très nette du droit et de la morale et, corrélativement, la relativisation de la place du droit. Villey n’est pas très disert sur l’étude thomiste de la justice : saint Thomas reprenant Aristote, et ayant amplement développé celui-ci, il se borne généralement à montrer comment s’effectue cette reprise et quels ajouts Thomas d’Aquin effectue. Ainsi, Villey remarque que Thomas, s’il réutilise cette distinction et parle expressément d’une justice générale, se sépare des philosophes grecs en ce qu’il « refuse de l’identifier au Tout de la moralité » : 8 La formation de la pensée juridique moderne, p. 190 cf. La formation de la pensée juridique moderne, p. 154 et 176 10 La formation de la pensée juridique moderne, p. 201 11 cf. La formation de la pensée juridique moderne, p. 55 ; Le droit et les droits de l’homme, p. 105 ; Note critique sur les droits de l’homme, p. 695 et 697 ; Travaux récents sur les droits de l’homme, pp. 412-414 12 cf. Questions de saint Thomas, p. 133 13 Questions de saint Thomas, p. 121 9 4 La justice vise une relation. Il ne peut être de relation sans pluralité et altérité. La justice est ad alterum. On se méfiera donc de Platon lorsqu’il va chercher une justice à l’intérieur d’un terme unique, l’homme. 14 Villey montre de la même manière comment saint Thomas reprend la théorie de la justice particulière d’Aristote et des jurisconsultes romains mais il ne note pas de modifications importantes 15 . En fait, ce que Villey ne cesse d’observer quand il expose la doctrine de saint Thomas, c’est, selon lui, le souci de ce dernier de ne pas confondre droit et loi. Ces deux choses sont très différentes et relèvent de deux sphères particulières : le droit et la morale. a) Le droit, la loi et la morale Lorsqu’il étudie le droit naturel chez Thomas d’Aquin, Michel Villey en donne une interprétation très claire et personnelle : Laissons aux théologiens les analyses de la conscience, de la syndérèse, et même de la loi naturelle… tous sujets de première importance, mais dont ces auteurs devraient comprendre qu’ils ne concernent guère les juristes : la loi morale n’est pas le droit. 16 Tout est dit, en fait, dans cette simple phrase et Villey ne fera, par la suite, que se répéter : il pense rejoindre l’intention profonde de Thomas d’Aquin en identifiant la loi et la morale et en les distinguant radicalement du droit. Le droit n’est pas la morale, ce qui n’est pas original et n’est pas non plus la loi, ce qui est moins banal ; d’autant plus qu’il y a une telle insistance sur ce point qu’on pourrait croire que ces sphères n’ont même aucun rapport, Le point de départ de cette séparation nous semble être d’un côté une considération philosophique : le droit relève d’une étude de la justice alors que la morale s’attache à l’anthropologie 17 , d’un autre côté le souci de restaurer simultanément le droit et la morale 18 . Nous aurions cependant bien de la peine à développer un exposé rationnel complet sur cette question car il nous paraît que Villey n’a tout simplement 14 Questions de saint Thomas, p. 123 Questions de saint Thomas, pp. 124-127 16 La formation de la pensée juridique moderne, p. 159 17 cf. Le droit et les droits de l’homme, pp. 82-83 18 Correspondance, p. 39 : « Au système des droits de l’homme, j’avais opposé une morale… Si seulement la cléricature avait daigné le parcourir, le P. Y… eût aperçu que la moitié de notre livre avait apporté la défense et illustration d’une morale universaliste. » 15 5 jamais pris le temps de fonder, de démontrer son affirmation. Maintes fois répétée 19 elle n’est jamais prouvée. Les seuls éléments intéressants semblent donc de noter les caractères principaux de ces deux relations. En ce qui concerne le droit et la loi, il doit être souligné que Villey est parfois embarrassé : bien qu’il cherche, la plupart du temps, à séparer nettement les choses, il est bien obligé, de temps en temps, de reconnaître les ponts existants entre elles. Voilà pourquoi le droit peut avoir sa source dans la loi 20 , ou encore : Lois, instruments de la morale : ensembles de règles de conduite. Sans doute tiennent-elles judiciaire. d’autres offices : déterminer… les magistratures, l’ordre 21 Faudrait-il en conclure qu’à Rome le droit ait pris la forme de lois ?... Je ne voudrais pas sous-estimer le rôle des lois à Rome… En effet, la loi détermine l’organisation judiciaire et la procédure ; si bien que sans elle, indépendant d’elle, ne pourrait pas exister de jus civile. Par contre, on ne saurait soutenir que les sentences soient déduites des lois… Les lois et le droit constituent des sphères distinctes (encore qu’elles puissent interférer). 22 Le plus intéressant, sans doute, c’est quand Villey concède que le juste général, légal, puisse être dit, en un sens, du droit, mais cela est trop vague pour que cela serve aux juristes 23 . D’un autre côté, Villey développe dans tout un chapitre qui vise à démontrer qu’il est impossible qu’existât des droits de l’homme dans l’Antiquité 24 , une défense d’une morale universaliste fondée sur une anthropologie réaliste qui donne toute sa place à la loi morale 25 . Il veut répondre à ceux qui lui objecte que la morale est vague alors que les droits de l’homme sont garantis plus efficacement. Villey renvoi ses opposants à leurs propres arguments : le droit, dans sa compréhension authentique, est garantie par son objectivité, et la morale, si on veut bien prêter raison à la vérité de ses 19 cf. par exemple : La formation de la pensée juridique moderne, p. 84, 159 ; Le positivisme juridique moderne et le christianisme, pp. 200-201, 208 ; Note critique sur les droits de l’homme, p. 701 ; Questions de saint Thomas, p. 124 ; L’humanisme et le droit in Seize essais de philosophie du droit, p. 71 ; Les doctrines sociales chrétiennes, pp. 60-61 ; RIALS, Villey et les idoles, pp. 33-34 ; FREUND, Michel Villey et le renouveau de la philosophie du droit, APD, 37 (1992), p. 8 20 Questions de saint Thomas, p. 118 21 Le droit et les droits de l’homme, p. 88 22 Le droit et les droits de l’homme, pp. 64-65 23 Le droit et les droits de l’homme, pp. 44-45 24 cf. Le droit et les droits de l’homme, p. 92, 93, 95 25 Le droit et les droits de l’homme, pp. 81-92 6 conclusions, est beaucoup plus efficace que les droits de l’homme qui ne le sont pas du tout. Villey dénonce ce fait qu’est le retournement complet de ce qui lui paraît être les positions thomistes : les droits de l’homme se sont substitués à la morale quand, concrètement, on a cessé de respecter celle-ci mais cela a eu pour fruit, réellement : la confusion du langage juridique par la consécration de faux droits et l’illusion car le respect de la dignité humaine n’est pas plus garanti par le droit que par la morale 26 . La morale, au moins, avait de vrais fondements universalistes. b) La sphère modeste du droit Après avoir distingué soigneusement le droit de la loi, Villey aborde, à la suite de ses maîtres, les divers analogués de ces deux concepts, c’est-à-dire les différentes espèces de lois et de droit 27 . En ce qui concerne la Loi, le premier analogué est la Loi éternelle, qui correspond à l’idéal grec d’un cosmos hiérarchisé: tout lui est subordonné. A son propos, Villey cite la très fameuse phrase de Cicéron dans son De Republica (III, 22) : Est quidem vera lex… 28 et il retrace les réappropriations successives, notamment celle de saint Augustin. Après, la loi éternelle, gouvernement de la Raison divine par sa providence, Villey passe à la loi naturelle, participation de la loi éternelle dans la raison humaine et pour laquelle il fait référence aux célèbres mots de saint Paul parlant de loi écrite dans les cœurs (Rm 2, 14). Villey note bien que la participation se fait au niveau de l’intelligence qui a reçu le principe premier de la morale, de la raison pratique, et qui est capable de lire dans la nature, à la fois animale et raisonnable, de l’homme, sa tendance au bien 29 . Ce qui est intéressant, c’est qu’à l’occasion de l’étude de la loi naturelle, Villey cite cette même phrase de Cicéron. Cela ne nous semble pas anecdotique : rejetant la loi naturelle dans le domaine de la pure moralité et la séparant du droit, elle tend immanquablement, comme par un mouvement de balancier, à se confondre avec la loi 26 Le droit et les droits de l’homme, pp. 102-103, 92 Le droit et les droits de l’homme, p. 73 ; cf. Le positivisme juridique moderne et le christianisme, p. 208 28 Questions de saint Thomas, p. 97 29 Questions de saint Thomas, pp. 98-99 27 7 éternelle 30 , sauf à respecter le seul critère de différenciation qui demeure, la transcendance de celle-ci et l’immanence de celle-là. De toute manière, Villey ne s’étend pas sur la loi naturelle qui devient un synonyme de la justice générale 31 . Dans l’un et l’autre cas, il s’agit d’un accord avec l’ordre cosmique immuable et du fait de « commander à l’exercice de toutes les vertus » 32 . La loi humaine, quant à elle, est une « détermination » ou « dérivation » de la loi naturelle : son principal caractère est d’être écrite 33 et nous avons vu par quel processus dialectique et donc décisionnaire elle s’établissait 34 . Ainsi, l’étude des analogués de la loi est très limitée chez Villey qui s’y intéresse peu, beaucoup moins qu’à ceux du droit. Ceux-ci, d’ailleurs, ne l’intéressent que sous l’aspect des relations du droit naturel et du droit positif 35 . Son analyse est une reprise de celle de saint Thomas avec une interprétation personnelle. Il fallait relever ce fait car c’est une marque supplémentaire du désintéressement de Villey pour tout ce qui relève de la loi. C’est aussi et surtout important pour les droits de l’homme car ils apparaissent comme le fruit d’un retournement intellectuel d’une survalorisation de l’idée de loi et d’un manque d’attention à l’idée de droit. En tout cas, jamais les droits de l’homme ne sont, de quelque manière que ce soit, reliés à la loi naturelle, du moins dans le cadre d’une compréhension classique de celle-ci. Par contre, ses analyses de l’analogie du concept de loi l’amènent toujours à rappeler qu’il relève d’une manière habituelle de la justice légale, donc totale, générale, contrairement au droit. Tout ce que nous avons dit à propos des rapports du droit et de la loi, et ceux du droit et de la morale, conduisent donc à devoir souligner, selon Villey, le caractère restreint du droit tel que saint Thomas, à la suite d’Aristote et du droit romain, nous le livre. En effet, les remarques précédentes éclairent ce qui a été dit à propos des deux types de justice que saint Thomas distingue, avec Aristote. Quand il aborde la justice particulière, Villey note : « Cette justice-là est une partie (meros) de la justice totale » 36 . Tout s’explique alors des relations entre droit, morale et loi : Platon confondait sous les termes de nomos et de dikaion le droit et touta la morale. L’effort d’Aristote pour sortir de cette confusion culmine dans les 30 Comparer Le droit et les droits de l’homme, p. 88 et Questions de saint Thomas, p. 97 cf. Le droit et les droits de l’homme, p. 42 32 Comparer Le droit et les droits de l’homme, p. 42 et Questions de saint Thomas, p. 99 33 Questions de saint Thomas, p. 99 34 cf. La formation de la pensée juridique moderne, pp. 162-164 35 Ainsi, quand il les aborde en tant que tel chez les romains, il est peu disert : Le droit et les droits de l’homme, p. 73 36 Le droit et les droits de l’homme, p. 42 31 8 chapitres VIII et IX du livre V de l’Ethique à Nicomaque où nous le voyons parvenir jusqu’à une distinction du droit et de la justice ; la science du droit est une partie de la science de la justice, mais une partie bien distincte… Ainsi le droit se spécialise-t-il à l’intérieur de la morale. Et les lois seulement morales se distinguent-elles des lois juridiques ; toute loi n’est plus, comme c’était le cas chez Platon, loi juridique. La science du droit a conquis son autonomie. 37 L’objet de la morale et du droit est le même, c’est la notion d’ordre, d’un ordre finalisé et antérieur à l’homme mais qui se révèle à lui 38 . C’est d’ailleurs cette antériorité (autre forme de l’objectivité du droit) qui sera remise en cause par la philosophie moderne, qui reconstruira le réel à partir de l’individu, d’où l’effacement de la notion vraie de droit au profit de celle, fausse, de droit de l’homme 39 . Mais, alors que la morale, comme la loi, s’occupe des intentions 40 et relève donc avant tout d’un acte de connaissance 41 , le droit se préoccupe des fins, de l’objet qui est visé par la morale 42 , et cet objet, si sa découverte passe nécessairement et d’abord par un acte de connaissance, demande aussi et surtout un acte de volonté 43 . C’est ainsi que Villey ne cesse d’affirmer que chez saint Thomas, dans la conception classique du droit, le droit est quelque chose de bien précis, déterminé, fini, restreint, modeste 44 . Les qualificatifs veulent rendre cette idée que le droit a certes sa propre sphère autonome d’existence mais qu’il ne la conquiert qu’au prix d’une délimitation stricte 45 . Toute atteinte à celle-ci et, notamment, toute volonté, en redéfinissant le concept de droit, de le charger de plus qu’il ne peut porter, mène inévitablement à des confusions très dangereuses entre des ordres différentes de la réalité. L’émergence des droits de l’homme se situe précisément là. Nous avions remarqué, dans la critique villeyienne du langage des droits de l’homme, comment il déplorait leur idéalité. Nous pouvons maintenant comprendre ce qu’il signifiait par là, en passant par cet outil philosophique qu’est la distinction entre puissance et acte et la critique aristotélicienne de la théorie platonicienne des Idées. 37 La formation de la pensée juridique moderne, p. 84 cf. Questions de saint Thomas, p. 97, 116 et 122 39 Questions de saint Thomas, p. 109 40 La formation de la pensée juridique moderne, p. 84 41 Questions de saint Thomas, p. 106 ; cf. p. 118 : « La loi n’est pas une chose. Elle a son siège dans la raison. Elle est une pensée sur la chose. » 42 La formation de la pensée juridique moderne, p. 84 43 Questions de saint Thomas, pp. 103-104 44 Sur cette question, cf. Questions de saint Thomas, p. 139, 129 ; La formation de la pensée juridique moderne, p. 84, 161 ; Note critique sur les droits de l’homme, p. 698 et 701 ; Critica de los derechos del hombre, p. 247 ; RIALS, Villey et les idoles, p. 35 45 RIALS, Villey et les idoles, pp. 29-30 38 9 En confondant loi et droit, donc morale et droit, on charge le droit d’une densité trop lourde, en l’attirant sur un terrain qui n’est pas le sien. En un certain sens, pour Villey lisant saint Thomas, le droit est plus objectif que la morale, qui vise au bien des personnes, contrairement au droit qui ne s’occupe que de rétablir une égalité. En introduisant, comme le fait la notion de droit de l’homme, de l’idéal dans le droit qui est, au contraire, dans le réel, on évacue la vérité de sa signification 46 . Le droit naturel est le lieu privilégié de cette possible modification de contenu qui bouleverse tout 47 . 2. Le droit naturel et les droits de l’homme Aussi bizarre que cela paraisse, le droit naturel est très peu présent, à première vue, dans la réflexion villeyienne sur les droits de l’homme. L’expression elle-même n’apparaît, semble-t-il, qu’une seule fois dans Le droit et les droits de l’homme 48 . Il est d’ailleurs intéressant de noter qu’à cette occasion, Villey se trouve en porte-à-faux avec sa doctrine générale sur le sujet, telle que nous allons le voir : il définit le droit naturel comme le « juste en soi, qui peut être reconnu comme tel universellement, parce qu’il ne doit rien à nos conventions ». Cette signification s’approche en fait beaucoup plus de celle qu’il donne habituellement de la loi naturelle. Mais nous allons cependant étudier brièvement la présentation que fait Villey de la théorie aristotélicienne puis de celle thomiste du droit naturel, avant de voir quelle théorie propre il adopte, sur ces fondements. En effet, cette analyse du droit naturel permet de resituer les conclusions si tranchantes de Villey sur l’incohérence de la notion de droit de l’homme. a) Le droit naturel chez Aristote et saint Thomas Dans son exposé du droit naturel d’Aristote, Villey a cette particularité de souligner très fortement que, selon lui, le Stagirite ne construit pas vraiment une 46 cf. La formation de la pensée juridique moderne, p. 99 Lire les pages très éclairantes de BASTIT, Un vivant aristotélicien : Michel Villey, Droits, 29 (1999), pp. 61-62 et 65 48 P. 64. En ne tenant compte que des occurrences réellement signifiantes du mot, c’est-à-dire celles où Villey cherche vraiment à parler du concept en cause. 47 10 doctrine dualiste des sources du droit mais bien une doctrine moniste. Les deux sortes de justes qu’il est possible de distinguer en théorie n’existent pratiquement, la plupart du temps, jamais de manière séparée : ils ne subsistent que l’un et l’autre ensemble. Un tel dualisme nous apparaît assez éloigné d’Aristote. Sans doute distingue-t-il deux espèces de juste et de droit – le juste naturel et le juste positif – et prévoit-il qu’en certains cas on soit réduit à se contenter de ce droit informe, embryonnaire qu’est le dikaion phusikon. Le droit naturel acquiert alors une sorte d’existence autonome mais, on le verra, très imparfaite. Normalement, la solution de droit doit être atteinte conjointement par ces deux sources qui ne sont point opposées mais complémentaires : d’une part l’étude de la nature et ensuite, dans un second stade, la détermination précise du législateur ou du juge. 49 Nous voyons encore une fois ressortir le décisionisme de Villey qui se comprend mieux : toute règle de droit est le produit d’un acte simultanément de connaissance et de volonté, car le droit lui-même (qu’il faut bien distinguer de la règle) est essentiellement à la fois naturel et positif ; la distinction est donc purement théorique : Analysons tout d’abord le premier moment de l’élaboration du droit : c’est un moment intellectuel, théorique, spéculatif. Pour une partie, le droit procède de l’étude de la nature. 50 Bien sûr, parler de droit naturel nécessite de préciser ce qu’on entend par nature et Villey s’emploie à exposer l’ontologie aristotélicienne classique en la matière, en relevant les diverses acceptations de mots dont la polysémie est redoutable 51 . Mais le plus intéressant, c’est que Villey, quand il aborde les applications concrètes de la théorie aristotélicienne du droit naturel, veut illustrer la méthode par laquelle le droit naturel est connu et revient sans cesse sur « l’observation de la nature », observation toujours susceptible d’être complétée et modifiée 52 , d’où l’affirmation : « Le droit naturel est une méthode expérimentale ». Parmi les exemples qu’il prend, il faut remarquer que la nature est autant le cosmos que l’ordre social, puisque Villey revient à plusieurs reprises sur les conclusions « constitutionnelles » d’Aristote ; or, nous savons que la constitution signifie à cette époque quelque chose de très ample, l’ordre même et le régime profond d’une cité. Ainsi, d’une notion ontologique de la nature au sens de cosmos ou d’essence, Villey glisse vers une notion sociologique de nature au sens d’un ordre social donné : 49 La formation de la pensée juridique moderne, p. 85 La formation de la pensée juridique moderne, p. 85 51 La formation de la pensée juridique moderne, p. 87 52 cf. La formation de la pensée juridique moderne, p. 87 et 90 50 11 A la manière d’un botaniste, il [Aristote] collecte les expériences des empires et cités de son temps. Il annonce le droit comparé et la sociologie du droit. 53 Si nous abordons maintenant le droit naturel chez Thomas d’Aquin, Villey note comme caractères primordiaux qu’il est réaliste 54 et qu’il va plus loin encore qu’Aristote 55 . Son point de départ en est métaphysique : c’est aussi l’ordre naturel que l’homme a la capacité de maîtriser par sa raison libre56 . Il faut ensuite aborder les rivages de la morale où s’effectue le passage de la connaissance à la volonté et où est surmontée la séparation du sein et du sollen, la connaissance de la nature indiquant le chemin de l’accomplissement du bien. Cela est aussi rendu possible par l’épistémologie: Notre intellect, subdivisé en spéculatif et pratique, ne constitue dans ces deux fonctions qu’une seule et unique puissance et savoir l’essence d’une chose serait déjà connaître sa fin. L’être d’une chose, que poursuit l’intelligence spéculative, est son devoir-être, son bien. 57 Enfin, Villey revient une fois de plus sur ce qui l’intéresse avant tout : la méthode, l’observation des mœurs et des « inclinations spontanées » de la nature. Celleci se rapproche donc une nouvelle fois d’une sorte d’étude sociologique, ethnologique, fondée sur une anthropologie 58 . Le plus caractéristique, sans doute de la réflexion villeyienne, est l’affirmation maintes fois renouvelée de la mutabilité du droit naturel. En réponse à tous ceux qui critiquent le droit naturel pour son manque de certitudes et contre ceux qui confondent droit naturel et loi naturelle (qui, elle, est immuable), Villey expose longuement la nécessité de la mutabilité du droit naturel. La cause de celle-ci est simple : le droit naturel est connu par le moyen d’une méthode, la dialectique, qui n’est pas une science exacte et n’atteint donc pas à des résultats absolus ; de plus, son objet, l’ordre social naturel, n’est pas statique mais dynamique, évolutif. Ces deux éléments font que le juste est changeant par nature 59 . L’incertitude relative de la connaissance du droit naturel n’est pourtant pas inefficace car elle donne des directives qui s’imposent pour 53 La formation de la pensée juridique moderne, p. 90 ; cf. Questions de saint Thomas, p. 161 : « L’affaire du Philosophe était de spéculer sur l’existence du droit naturel ; il notait que spontanément se constituent dans les groupes sociaux des rapports de droit. » 54 La formation de la pensée juridique moderne, p. 155 : « Ses seuls maîtres étaient les choses. » 55 La formation de la pensée juridique moderne, p. 156 56 cf. La formation de la pensée juridique moderne, pp. 156-157 ; Questions de saint Thomas, pp. 8-10 57 La formation de la pensée juridique moderne, p. 158 58 La formation de la pensée juridique moderne, pp. 159-160 59 La formation de la pensée juridique moderne, pp. 91-96, 161-162 ; cf. Questions de saint Thomas, p. 140 (pour Aristote) et p. 143 (pour Thomas d’Aquin) ; Critica de los derechos del hombre, pp. 246-247; Les doctrines sociales chrétiennes, p. 60 ; cf. encore RIALS, Villey et les idoles, p. 48; FREUND, Michel Villey et le renouveau de la philosophie du droit, APD, 37 (1992), p. 10 12 l’interprétation par le juge du droit. C’est cette même incertitude des conclusions provisoires du droit naturel, qui se fonde donc sur une théorie de la connaissance juridique 60 , qui rend compte de la nécessité de penser le droit positif avec le droit naturel et conjointement à lui. En effet, le droit positif apporte, mais provisoirement, une certitude et une précision que ne peut donner le droit naturel 61 . Voilà pourquoi Villey peut écrire : Bien que cela soit très méconnu, je dirais que la loi positive occupe une place prépondérante dans la doctrine du droit naturel de saint Thomas. 62 b) La conception villeyienne du droit naturel La théorie villeyienne du droit naturel, dont il faut bien voir qu’elle se veut la récapitulation de ce que nous venons d’exposer concernant saint Thomas, est en fait assez complexe 63 . Elle procède en deux temps car il faut distinguer, à notre avis, deux étapes, deux moments intellectuels, qui rejoignent les deux questions de l’essence du droit et de ses sources. Villey, en fidèle aristotélicien, définit le droit comme le juste issu de la « nature des choses » : c’est l’attribut objectif que nous avons à plusieurs reprises souligné. Ailleurs, comme dans le passage précité de Le droit et les droits de l’homme il distingue le « juste naturel » du « juste positif ou conventionnel ». Il ne faudrait pas en conclure trop rapidement que les notions de droit naturel, de nature des choses et de juste naturel recouvrent la même réalité et sont identiques. L’expression « droit naturel » se dédouble en fait en deux concepts qui renvoient tous les deux à une même idée de « droit qui se donne à voir » et non pas de « droit qui se construit ». En effet, il y a d’abord le droit qui est toujours tiré de la nature des choses : c’est un élément consubstantiel à la définition qu’en donne Villey et, en ce sens, tout droit est naturel. Mais les choses dont on parle dans cette définition peuvent être la nature stricto sensu ou la volonté humaine et se pose alors la question de l’origine, de la source du droit proprement dit. 60 cf. Questions de saint Thomas, p. 153, 157, 161, 163, 166 (même si, le plus souvent, cela est mis en relation avec le jus gentium) 61 cf. La formation de la pensée juridique moderne, p. 91 (pour Aristote) et p. 163 (pour saint Thomas) 62 La formation de la pensée juridique moderne, p. 162 ; cf. pour une vision différente et que Villey aurait sans doute critiqué, CATTIN, L’anthropologie politique de Thomas d’Aquin, pp. 137-143 63 cf. RIALS, Villey et les idoles, pp. 15-16 13 Il nous semble qu’il vaut mieux parler, à propos de la doctrine villeyienne, de droit objectif 64 . L’objectivité du droit : voilà la caractéristique principale du droit, objectivité qui n’est pas à prendre, comme nous l’avons déjà dit, selon la définition actuelle de droit édicté, mais au sens classique de droit réaliste, existant dans le monde de l’être, des objets, extérieur au sujet humain. Le droit objectif a alors deux sources : la nature et la volonté, car les produits de ces deux sources sont des objets pour le sujet humain qui est confronté à eux. Il faut faire attention aussi à ce que Villey entend par « volonté » et par « nature ». Dans le premier cas, volonté renvoie en fait à convention, c’est-à-dire aux actes extérieurs de la volonté humaine, aux pactes et aux actes par lesquels elle s’oblige. Il n’est pas question chez Villey de la pure volonté dans un sens de liberté ou de revendication individuelle. Le droit objectif concerne toujours une pluralité de personnes : la source du partage antécédent des biens que le droit corrige peut seulement, dans certains cas, être la volonté des hommes. Le mot de nature, quant à lui, est à prendre, à notre avis, comme synonyme de celui d’ordre social. C’est un donné de fait, un ordre humain objectif, évolutif et complexe 65 , dans lequel se forme un partage des biens extérieurs sur lequel l’homme, en tant que personne singulière, n’a sinon aucune du moins très peu d’influence. Afin de soutenir cette thèse, nous aimerions revenir à quelques textes de Michel Villey qui montrent que le droit, de quelque source qu’il provienne, est toujours intrinsèquement, du fait de son essence même, de sa définition, naturel au sens d’objectif. Il dit ainsi : Le droit, au contraire, appartient au monde des objets. Et le milieu qu’il constitue (cette proportion adéquate dont on vient de parler) a son siège in re, dans les choses, dit le Commentaire de saint Thomas. On le cherchera par l’observation du monde extérieur. 66 Il dit encore : Selon le texte d’Aristote, l’office du juge est de vérifier la justice de répartitions préalablement opérées – nous ne savons pas trop par qui – mais point par le juge luimême. 67 64 cf CAMPAGNA, Michel Villey, le droit ou les droits, pp. 75-76 Cf. Critica de los derechos del hombre, p. 246 66 Le droit et les droits de l’homme, p. 52 67 Le droit et les droits de l’homme, p. 50 65 14 Les règles juridiques ne sont pas le droit ; elles décrivent le droit. Le droit est chose qui préexiste (jus quod est), objet de recherche permanente et de discussion dialectique, à laquelle ne coïncideront jamais nos formules. 68 On perçoit, au détour des affirmations de Villey, que dans tous les cas cités, il parle du droit en général. Or ce droit est dans tous les cas de la sphère de la nature extérieure à l’homme, du monde des choses. C’est seulement dans un second temps que, parfois, Villey aborde de front le problème des sources stricto sensu : Si je l’ai relatée [la thèse du pape Jean XXII], c’est qu’elle offre encore un exemple, à la veille de l’œuvre d’Occam, d’emploi correct du terme jus dans son sens romain : id quod justum est, la part juste, le bien dont on jouit – au total – conformément à la justice, que cette justice procède, au reste de l’ordre naturel ou de cette source complémentaire qu’est la législation positive. 69 Il nous semble que la première étape, celle de la définition du droit comme objectif, relève du langage du droit, tandis que la seconde étape, celle des sources du droit, relève d’une théorie du droit, qui intervient en aval. Un argument nous est fourni a fortiori par le grand ennemi de la pensée villeyienne, le nominalisme, dont il faut rappeler qu’il est à la fois une philosophie de la connaissance qui, en détruisant le réalisme épistémologique, abîme le langage lui-même et sa capacité d’objectivité, et une ontologie qui, en réduisant le réel à l’individuel, interdit d’y reconnaître un ordre et des relations et ne laisse subsister que la volonté humaine 70 . Un autre exemple nous semble fourni par la présentation, par Villey, de l’article de la Somme sur le droit naturel 71 . Il y dit que saint Thomas, après avoir défini ce qu’est le droit, parle des moyens par lequel il est trouvé. Il y en a alors deux : le droit qui se découvre dans la chose même (et on peut noter que, dans ce passage, la chose correspond plus à un ordre socio-économique qu’à un ordre naturel au sens ontologique du terme) et celui se réfère à une convention. Il y a bien deux temps et on aboutit bien à un double résultat : l’existence conjointe du droit naturel et du droit positif, qui est affirmée après la définition objective du droit. Villey tend donc à confondre deux sens pourtant bien différents de l’expression ordre naturel : Le propre de la doctrine d’Aristote et de saint Thomas… c’est de construire la science juridique… sur la nature cosmique : le juriste découvre le droit par 68 Le droit et les droits de l’homme, p. 67 La formation de la pensée juridique moderne, p. 256 70 cf. Questions de saint Thomas, p. 116 71 Sum. Theol., IIa-IIae, q. 57, a. 2, cf. Questions de saint Thomas, pp. 141-143 69 15 l’observation de l’ordre inclus dans le corps social naturel, d’où ne se peuvent tirer que des rapports, que des proportions, que des conclusions objectives. 72 Il faudrait enfin étudier en profondeur la réfutation villeyienne des thèses de Kelsen niant l’existence du droit naturel 73 : cette réfutation synthétise, sur fond de thomisme avoué, son enseignement en la matière, qui surmonte la coupure du sein et du sollen et le relativisme du droit naturel, en avançant justement comme argument une définition de la nature, une définition du droit exclusive de la morale et, en conséquence de cela, la mutabilité du droit. En conclusion, Villey peut se permettre d’ironiser et de dire que le droit naturel, ce « cadavre » dont on annonce toujours la mort, ressuscite périodiquement 74 . Tous les éléments que nous venons de voir sont donc fortement liés les uns aux autres et constituent un corps de doctrine qui est l’interprétation personnelle de Thomas par Villey. C’est cela qu’il définit comme la doctrine classique « classique » et qu’il oppose à celle moderne. En effet, dans la première, tous ces éléments sont autant de raisons qui rendent impossible la présence, à ses yeux, des droits de l’homme 75 et ce sont ces mêmes éléments, défigurés et désordonnés, qui expliquent leur apparition. Thomas d’Aquin représente pour Michel Villey un sommet, mais il a été trahi par ses propres disciples. La cathédrale intellectuelle qu’est son œuvre et qui réconciliait harmonieusement différentes traditions a été bouleversée. En effet, si chez lui la morale est chrétienne, le juridique est d’origine profane. Or les penseurs qui le suivront, rompront cet équilibre en mélangeant ces deux choses et en privilégiant une approche moralisante du droit 76 . Voilà pourquoi Villey répète que les droits de l’homme naissent avec une perte d’autonomie du droit et une valorisation excessive du christianisme 77 . Nous allons donc étudier la manière dont ils émergent dans le mouvement de remise en cause du thomisme. 72 La formation de la pensée juridique moderne, p. 243 Sur ce point, cf. Questions de saint Thomas, pp. 137-139 et 145-153 ; RIALS, Villey et les idoles, p. 59 74 Questions de saint Thomas, p 136 et 156 ; L’humanisme et le droit in Seize essais de philosophie du droit, p. 64 75 Note critique sur les droits de l’homme, p. 698 76 cf. Le droit et les droits de l’homme, p. 109, 111-112, 116 77 cf. Le positivisme juridique moderne et le christianisme, p. 214 ; Note critique sur les droits de l’homme, p. 696 ; Droit subjectif I in Seize essais de philosophie du droit, p. 141 73 16 §2. Le droit subjectif, fruit du nominalisme Michel Villey n’est pas ignorant des nuances qu’il faut apporter à tout travail de mise en perspective d’un ensemble de doctrines très différentes bien que reliées. En historien et philosophe, il sait que les systèmes de philosophie du droit venant après saint Thomas ne peuvent être réduits à un modèle unique. Il note qu’il y a au moins deux branches, deux courants distincts 78 : le rationalisme et l’empirisme, qui correspondent aux deux puissances de l’âme, la raison et la volonté, et qui trouveront comme une synthèse chez Kant puis chez Sartre. Mais derrière les multiples formes que prennent les idées, il cherche celles fondamentales, qui orientent tout : il ne s’arrête pas à la matière mais tente de restituer la forme de la philosophie moderne. Pour lui, celle-ci se trouve entièrement résumée par le qualificatif d’individualisme. L’humanisme qui met au centre l’homme, le sujet, en accentuant soit sa raison, soit sa volonté, a pour conséquence de ne voir que l’homme comme auteur et fin du droit, d’où le positivisme juridique et le subjectivisme du droit 79 . Or, à la source de ces signes distinctifs, il y a le nominalisme 80 : Quelle que soit la dette du droit moderne envers saint Thomas, il reste que les caractères les plus spécifiques de la pensée juridique moderne sont dérivés d’une autre Ecole : médiévale encore, mais contraire à la doctrine de saint Thomas… A la doctrine thomiste du droit, nous choisirons cependant d’opposer celle de Guillaume d’Occam. 81 Affranchissement de la personne, découverte de la personne, tandis que s’estompent ces écrans – les genres, les espèces, les natures – qui dans l’ancienne philosophie empêchaient de l’apercevoir nue, exaltation de la liberté : les sources de cette vision du monde sont chrétiennes, évangéliques et typiquement franciscaines. Mais quelles que soient ces origines, toute la philosophie moderne, fondée sur l’individualisme, est en germe dans cette doctrine. 82 Nous étudierons donc successivement la période de la naissance de la philosophie moderne : les thèses nominalistes, dans ce qu’elles ont de portée pour la 78 L’humanisme et le droit in Seize essais de philosophie du droit, pp. 62-63 ; La formation de la pensée juridique moderne, pp. 182-183 79 L’humanisme et le droit in Seize essais de philosophie du droit, p. 61, 62, 66 80 Sur le nominalisme lire les articles absolument essentiels suivant : BASTIT, Michel, Michel Villey et les ambiguïtés d’Occam in Droit, Nature, Histoire. Michel Villey, philosophe du droit, pp. 65-72 et GUTMANN, Daniel, Michel Villey, le nominalisme et le volontarisme, Droits, 29 (1999), « Michel Villey », pp. 89-104 81 La formation de la pensée juridique moderne, p. 202 82 La formation de la pensée juridique moderne, p. 209 17 philosophie du droit en général et la théorie des droits de l’homme en particulier ; puis nous étudierons comment, sur ces bases, le concept de droit de l’homme devient un objet de théorisation en soi. 1. La révolution nominaliste Villey considère que l’événement le plus capital de l’histoire de la philosophie du droit, celui ayant le plus de conséquence, est un débat théologico-politique : la Querelle de la pauvreté 83 , au sein des franciscains et entre eux et la Papauté. Cet événement cache en fait en arrière fond un autre débat, philosophique celui-là, la Querelle des Universaux. La conclusion de cette querelle est décisive pour la pensée et, en conséquence, pour le droit. Ces Querelles valorisent les théories issues de l’Ecole franciscaine et, parmi elles, en priorité celles de Jean Duns Scot et de Guillaume d’Occam. Pour chacun d’entre eux, Villey présentera globalement les thèses principales de leur philosophie générale puis il développera les répercussions qu’elles eurent sur leur philosophie du droit. a) La naissance d’une pensée individualiste et volontariste Le choix de Duns Scot, avant celui d’Occam, n’est pas anodin : il en est le prédécesseur immédiat à Oxford et bien que la philosophie occamienne se veuille une réaction contre celle scotiste, elle en reprendra bien des éléments. Villey caractérise la philosophie de Scot comme un essai de retour à l’augustinisme et, conséquemment, une moins grande considération des auteurs profanes et de la raison naturelle, au bénéfice des auteurs bibliques et de la théologie 84 . C’est déjà une première rupture d’avec saint Thomas. La grande révolution scotiste est ensuite, en ce qui concerne la vision du monde, le primat absolu accordée à la volonté divine : il est celui qui, le premier, durcit l’argument scolastique classique de la puissance de Dieu. En effet, sa conception de la potestas absoluta est intimement liée à l’affirmation théologique d’un Dieu parfaitement 83 La formation de la pensée juridique moderne, pp. 212-219, 215-260 ; Le droit et les droits de l’homme, p. 124 84 La formation de la pensée juridique moderne, p. 205 18 libre à l’égard de l’ordre naturel qui, s’il existe de potentia ordinata, ne lie en rien son Créateur 85 . La répercussion sur la volonté humaine est importante car, à l’intellectualisme thomiste, Scot substitue un volontarisme dans lequel la liberté n’est plus finalisée. Le second bouleversement qu’il introduit est d’ordre épistémologique : alors que le réalisme de Thomas d’Aquin le conduit à affirmer que les substances secondes, les fameux universaux, existent in re, Scot nie ce caractère et ne leur attribue qu’une existence conceptuelle. Le fondement de cette théorie réside dans la thèse, qui heurte totalement l’épistémologie thomiste, selon laquelle le singulier est cognoscible car la forme elle-même est principe d’individuation. La relativisation des substances secondes et la survalorisation des substances premières font que Scot remplace le monde de généralités de saint Thomas par un monde d’individus 86 . Les conséquences en philosophie du droit de ces conclusions sont immédiates : ce n’est plus la raison mais la volonté qui importe ; ce n’est plus le monde objectif mais la liberté humaine qui est la source ; ce n’est plus la cause finale mais la cause efficiente qui prime ; ce n’est plus le droit naturel mais le droit positif qui vient en premier. Villey voit donc en Scot le précurseur du positivisme juridique, même s’il ne veut pas trop forcer sa pensée 87 . Il est beaucoup moins nuancé avec Occam en qui il voit, non plus un précurseur, mais un fondateur 88 . D’autant plus que, contrairement à Scot, Occam, du fait des circonstances, fut dans l’obligation de développer une véritable philosophie du droit. Son étude remplie de nombreuses pages mais Villey souligne fortement la très grande importance de ce moment intellectuel : Je suis persuadé que peu d’études sont plus nécessaires pour l’histoire de la philosophie du droit que celle du nominalisme confronté à son opposé, le réalisme de saint Thomas. La querelle des universaux peut apparaître aujourd’hui archaïque, peut-être dépassée, nous dirions plutôt démodée… Mais on perdra moins de temps sur elle que sur de vieilles chartes ou de vieux coutumiers, si on a pour propos de saisir le contraste et la transition du droit antique au droit 85 La formation de la pensée juridique moderne, pp. 205-207 La formation de la pensée juridique moderne, pp. 207-209. Pour Scot, l’homme est une monade, une « ultima solitudo », ce qui est radicalement incompatible avec l’anthropologie thomiste, cf. CATTIN, L’anthropologie politique de Thomas d’Aquin, p. 100 87 La formation de la pensée juridique moderne, pp. 209-212 88 La formation de la pensée juridique moderne, p. 221 : « Peut-être est-ce à cause de son goût exacerbé de la dialectique que Guillaume d’Occam fut le fondateur (l’inceptor, dans un nouveau sens cet fois) d’une philosophie nouvelle, d’une voie nouvelle (via moderna) – c’est-à-dire d’une manière nouvelle de philosopher – promise à une grande fortune dans toute la fin du Moyen Age et encore au-delà : le nominalisme moderne et le nominalisme, à lui seul, signifie en philosophie du droit une révolution radicale. » 86 19 moderne. Car là est la ligne de partage entre le droit naturel classique, inséparable du réalisme d’Aristote et de saint Thomas, et le positivisme juridique. Là se trouve la clé du problème fondamental de la philosophie du droit. 89 S’il est d’une telle importance d’étudier Occam et le nominalisme, c’est à cause de l’extraordinaire influence et de la diffusion considérable de ses idées dans tout le monde, de manière durable puisque cette influence dure encore de nos jours 90 . Villey, pour mettre en relief la nouveauté du mouvement, présente brièvement les lignes de fond des deux thèses opposées. Tout se joue autour du statut des universaux. Aristote, en effet, distinguait les substances premières, êtres individuels, qui sont premiers dans l’ordre de l’être, et les substances secondes, les termes généraux, les idées de Platon, qu’il réinscrit dans le monde sublunaire. Pour les tenants du réalisme, les universaux sont réels, même si ce n’est pas dans le même sens que les individus. Le monde n’est pas atomistique mais ordonné et les relations et concepts qui rendent compte de cet ordre appartiennent au monde des choses objectives. Ainsi, la métaphysique est condition du droit naturel. Le nominalisme critique radicalement ce fait91 . En se fondant sur la logique aristotélicienne dont il est imprégné, Occam distingue les choses des signes, c’est-à-dire les ordres ontologique et logique (ou conceptuel), ce que faisaient aussi les réalistes mais sans introduire de séparation entre les ordres. Au contraire, Occam fait passer une coupure nette et renvoient les universaux dans le monde des signes, des nomen. Il n’existe donc plus que les substances premières qui sont réelles et la vraie connaissance devient celle des être individuels 92 : La métaphysique d’Occam transporte dans le monde du langage et de la pensée, dans l’univers conceptuel, ce qui appartenait, pour les thomistes, au monde de l’être : les genres, les formes communes et les relations… Universels et relations ne sont plus que des instruments de pensée. 93 Parallèlement à cette individualisation de la pensée, il faut encore noter chez Occam, qui use des mêmes arguments que Scot, son volontarisme : l’abandon du réalisme et la reconnaissance de l’existence exclusive des substances premières implique l’abandon d’une accession de la pensée à un ordre naturel objectif et donc le 89 La formation de la pensée juridique moderne, p. 223 ; cf. Le droit et les droits de l’homme, p. 121 : « Nous venons d’atteindre à la crête, à la ligne de partage des eaux : en arrière, vous avez le droit, audevant les droits de l’homme. » 90 La formation de la pensée juridique moderne, p. 223 91 La formation de la pensée juridique moderne, p. 224 92 La formation de la pensée juridique moderne, pp. 225-226 ; cf. p. 261 93 La formation de la pensée juridique moderne, p. 226 20 renoncement à une conception finalisée de la liberté. Celle-ci est alors détachée du monde de l’être, à l’image de celle divine. b) Les conséquences juridiques du nominalisme A propos de la doctrine du droit présente chez Occam, Villey fait cette remarque qui est importante car elle révèle sa méthodologie : « Occam juriste suit la voie d’Occam philosophe » 94 . Derrière ces mots se cache en effet une des propositions les plus caractéristiques de Villey : la compréhension du droit par un penseur dépend de sa philosophie générale. Il souligne à plusieurs reprises ce fait à propos des fondateurs de la via moderna, pour donner plus de poids à ses longs exposés de leurs opinions et en justifier la nécessité : Déjà nous pressentons les suites d’une telle philosophie sur la philosophie du droit. Toute vision globale du monde, fût-elle construite dans l’ignorance des phénomènes juridiques, lorsqu’elle triomphe, se répercute sur la pensée et la méthode des juristes. 95 Lorsqu’elle n’est pas que scolaire… toute philosophie rayonne dans les secteurs les plus divers de l’activité intellectuelle… Or, de même qu’il suscite une crise au sein de la théologie, et qu’à long terme il renouvelle les méthodes des sciences, le nominalisme devait encore envahir le droit. 96 On s’est parfois montré sceptique sur les relations existant entre la philosophie d’Occam et ses positions juridiques… Il m’apparaît au contraire que les intellectuels, fussent-ils juristes, ont le grave défaut de tenir à la cohérence de leurs opinions, dans quelque domaine qu’elles s’exercent. J’estime ainsi que la manière d’Occam, obligé d’écrire sur le droit, d’opérer le choix de ses sources, de prendre pour base de ses raisonnements juridiques seulement des sources positives, est parfaitement solidaire de sa philosophie. 97 Or la toute première conséquence du nominalisme sur le droit, est, selon Villey l’abandon du droit naturel, de ce droit objectif que nous avons trouvé chez les Anciens, et l’instauration d’une science du droit fondée sur l’individu et leur volonté, d’où ces 94 La formation de la pensée juridique moderne, p. 240 La formation de la pensée juridique moderne, p. 209 (pour Duns Scot) 96 La formation de la pensée juridique moderne, pp. 227-228 97 La formation de la pensée juridique moderne, p. 229 ; cf. encore p. 240 95 21 deux fruits néfastes que furent la naissance des droits subjectifs et celle du positivisme juridique 98 . Le positivisme est, pour Michel Villey, la doctrine juridique (qu’il faut prendre soin de dissocier de celle philosophique, généralement associée à Auguste Comte) selon laquelle le droit est tout entier fondé sur la loi. Il provient de ce que le nominalisme est volontariste 99 . L’argument de potentia absoluta Dei poussé à son apogée, qui devient l’hypothèse de la haine de Dieu méritoire du salut, montre que l’ordre moral dépend entièrement et immédiatement de la volonté divine. Ainsi le juste ne se trouve plus dans un ordre naturel mais dans la pure liberté divine : il est nécessairement l’effet d’un acte positif de la volonté. Le droit naturel n’est plus réellement issu du cosmos, de l’ordre objectif qui se découvre à la raison humaine : il devient le résultat de l’action divine ou la conséquence rationnelle des règles positives. Villey en analyse longuement les manifestations chez Occam 100 . Mais il est une autre conséquence du nominalisme en droit qui est encore plus grave et qui nous intéresse d’encore plus près : Il existe un autre thème fondamental des systèmes juridiques modernes, plus fondamental encore que le positivisme juridique : c’est celui du droit subjectif. L’idée du droit subjectif procède, à mon sens, elle aussi nu nominalisme, et s’explicite avec Occam. 101 Sur ce point encore, Villey est très nette : la notion de droit subjectif est incompatible avec celle du droit naturel classique et il est, pour lui, impossible d’en discerner la trace dans le droit romain. Voilà pourquoi, une nouvelle fois, il expose les principes de l’Ecole classique, en s’attardant plus particulièrement sur le droit romain. En effet, il veut montrer qu’il n’y a pas de droit subjectif, à proprement parler, avant Occam, sinon en germe 102 . Ces germes cependant doivent leur développement à la théorie occamienne : Il est revenu à Occam, contre les doctes, d’apporter à ces tendance mal définies, autant qu’on en puisse juger, leur achèvement théorique et, sans doute pour la 98 La formation de la pensée juridique moderne, p. 228 La formation de la pensée juridique moderne, pp. 229-230 100 La formation de la pensée juridique moderne, pp. 231-240 101 La formation de la pensée juridique moderne, p. 240 102 La formation de la pensée juridique moderne, pp. 241-251 ; Travaux récents sur les droits de l’homme, p. 416 (pour l’absence de droit subjectif dans le droit romain) 99 22 première fois, de concevoir le droit subjectif, de consacrer la jonction des idées de droit et de pouvoir. 103 Toute la question ici, est celle de la date d’apparition de la notion de droit subjectif et la réponse dépend en grande partie de la définition qu’on en donne. A ce sujet, il donne souvent celle de Savigny : « pouvoir de la volonté ». Mais il se réfère aussi aux définitions de Hobbes qui voit le droit, le « right », comme une « liberty », ou à Ihering pour qui le droit est un « intérêt juridiquement protégé » ; de toute manière, il note que les modernes voient tous le droit comme un attribut du sujet 104 . Certes, le droit romain connaît la notion classique de dominium, mais elle n’est pas, alors, subjectiviste. C’est sa réinterprétation par le nominalisme qui lui donne (en philosophie, car le réel est autrement plus compliqué) cette coloration, de la manière la plus complète qui soit. Il est donc juste de dire qu’il invente le droit subjectif, puisqu’il est le premier à en donner une théorie complète et cohérente 105 . La démonstration qu’en donne Villey est elle aussi très complète et longue 106 : qu’il nous suffise de dire qu’Occam évacue le droit naturel et le remplace par un ordre juridique qui est une somme de pouvoirs, de libertés individuelles, avec un ensemble de lois, qui proviennent d’elles, pour réguler le tout. Ce fait s’explique notamment par la tendance franciscaine à majorer la valeur de la personne et de la liberté, chrétiennement comprises, et à introduire ces éléments au sein de la réflexion juridique. C’est donc bien une révolution à laquelle on assiste avec le nominalisme, que Villey résume en quelques mots : De même que le droit naturel est, selon moi, le maître-mot de la science juridique romaine, de même le droit subjectif est le maître-mot du droit moderne. 107 Or ce constat est fondamental pour notre sujet, car il n’y a aucun doute pour Villey que les droits de l’homme sont une simple figure, une expression, la plus typique, du droit subjectif 108 . Celui-ci étant le trait caractéristique de la philosophie moderne du 103 La formation de la pensée juridique moderne, p. 260 cf. Le droit et les droits de l’homme, p. 69 (« Toujours subjectif, attaché ou bénéficiant à quelque sujet, quelque personne individuelle ») ; Questions de saint Thomas, pp. 112-113 (« Produits d’une manière de penser subjectiviste, substantialiste ») ; Travaux récents sur les droits de l’homme, pp. 411412, 415-416 105 La formation de la pensée juridique moderne, p. 251 106 La formation de la pensée juridique moderne, pp. 251-267 107 La formation de la pensée juridique moderne, p. 268 108 Le droit et les droits de l’homme, p. 69 ; L’humanisme et le droit in Seize essais de philosophie du droit, p. 71 ; Les doctrines sociales chrétiennes, p. 37 ; Note critique sur les droits de l’homme, p. 695 104 23 droit, il est juste de dire alors que les droits de l’homme sont le produit de celle-ci 109 . Les divers philosophes qui succèderont à Occam ne feront, aux yeux de Villey, que développer ses présupposés et les amener à leur terme logique 110 . 2. Les théories des droits de l’homme, héritières du nominalisme Il est aisé de saisir, en lisant Villey, que le second de ses adversaires, sur la pensée duquel il revient fréquemment, est Hobbes : avec Occam, ce sont les deux auteurs clefs de l’histoire des droits de l’homme 111 . Il note que c’est lui qui est véritablement le père des droits de l’homme, à cause de son argument de l’état de nature 112 . Mais il est lui-même dépendant de ces penseurs qui, entre lui et Occam, forment l’arbre généalogique du droit moderne subjectiviste. a) La Seconde Scolastique Villey ne manque pas de noter que la Réforme luthérienne est un prolongement de l’œuvre occamienne 113 . Luther, formé à son école, accentue encore ses thèses : voulant à tout prix préserver la liberté divine, il nie toute idée de nature, ce que facilite son anti-intellectualisme viscéral, et rejette donc tout droit naturel, au profit d’un strict positivisme. Chez lui, le droit est de plus en plus identifié à la loi et devient synonyme de contrainte, caractéristique essentielle du droit moderne selon Villey 114 . Ce qui est plus intéressant, c’est qu’il remarque combien ceux qui voulurent combattre le protestantisme en restaurant la doctrine thomiste, les théoriciens de la Contre-Réforme, subirent les mêmes influences. Ici apparaît ce grand mouvement intellectuel appelé Seconde Scolastique, ou scolastique espagnole, car elle s’enracine surtout dans l’université de Salamanque, foyer 109 Le droit et les droits de l’homme, p. 105, 131 ; L’humanisme et le droit in Seize essais de philosophie du droit, p. 41 ; Correspondance, p. 40. Pour une synthèse de la réflexion villeyienne sur Occam : Le droit et les droits de l’homme, pp. 118-125 110 Le droit et les droits de l’homme, p. 125 : « Luther, Hobbes, seront occamiens. » 111 RIALS, Stéphane, Généalogie des droits de l’homme, Droits, 2 (1985), p. 4 et 5 112 Questions de saint Thomas, p. 109 113 La formation de la pensée juridique moderne, p. 325 114 La formation de la pensée juridique moderne, p. 290 24 de renouveau de saint Thomas et du droit naturel 115 . Les plus célèbres religieux de l’époque participent à ce mouvement, qui produisit de nombreuses réflexions politiques et juridiques, étant donnés les évènements (découverte du Nouveau Monde, querelle sur le droits des indiens, lutte des premiers Etats…) et qui influença durablement les générations postérieures, grâce à leurs œuvre éducatives. Du côté des dominicains, il faut citer Vitoria, de Soto, de Castro, Medina, Bañez ; parmi les jésuites, on compte Vazquez, Molina, de Mariana, Suarez. Ces auteurs, malgré leurs essais de revenir à saint Thomas, le dénaturèrent en le mêlant à des thèses nominalistes. Villey juge infidèle à leur maître tous ses commentateurs et s’en méfie beaucoup 116 . Parmi ces philosophes, il en est un que Villey juge caractéristique : Suarez. Ce dernier est très connu pour son œuvre monumentale, le De legibus. Or, dès l’introduction de son livre, quand il cherche à définir le terme « jus », Suarez indique qu’il le comprend comme synonyme de « lex ». C’est le point d’aboutissement des thèses scotistes et occamistes, le point d’orgue du droit moderne, l’hérésie majeure pour Villey : l’identification du droit et de la loi, donc du droit et de la morale, est opérée. Cette confusion entraîne une modification fondamentale du sens du droit naturel qui n’est plus tiré du traité de la Justice de la Somme mais du traité des Lois ; il est donc confondu avec la loi naturelle, loi morale, reposant sur une base anthropologique. D’où la possibilité d’inférer de la nature humaine les droits de l’homme 117 . De la même manière, le droit est rattaché à la notion de dominium, ancienne mais réinterprétée, et donc à ces idées de pouvoir, de liberté et d’individu 118 . Villey n’hésite d’ailleurs pas une nouvelle fois à démontrer comment les conclusions de Suarez sont liées à sa métaphysique, son ontologie qui, méconnaissant la richesse de celle thomiste, uniformise l’être et introduit une coupure entre l’être et la valeur, le sein et le sollen 119 . D’où le positivisme et l’impossibilité de penser le droit naturel. Ce qu’il relève demeure cependant principalement la relation du droit et de la loi chez Suarez 120 : le droit est soit subjectif, au sens de faculté morale, soit objectif, au sens de posé par la loi ; mais le sens premier, c’est le second. Les facultés morales des 115 La formation de la pensée juridique moderne, pp. 326-335 ; cf. Le droit et les droits de l’homme, pp. 125-127 ; Questions de saint Thomas, pp. 170-173 116 cf. La formation de la pensée juridique moderne, pp. 336-338 ; Questions de saint Thomas, pp. 176177, surtout p. 170 117 Questions de saint Thomas, pp. 170-173 118 Le droit et les droits de l’homme, pp. 128-130 ; cf. Note critique sur les droits de l’homme, p. 695 ; La formation de la pensée juridique moderne, p. 355368 119 La formation de la pensée juridique moderne, pp. 350, 353-355 120 cf. La formation de la pensée juridique moderne, pp. 355- 25 sujets sont soumises à la loi, qui n’est pas une œuvre de raison mais de volonté, qui commande de manière inflexible et qui est constitué en un système hiérarchisé. Il faudrait encore montrer comment les thèses nominalistes se développent dans l’humanisme de la Renaissance et l’Ecole du droit naturel moderne (Grotius, Pufendorf, Wolff), qu’annonce et prépare la seconde scolastique. Chez Grotius notamment, disciple de Suarez, on verrait la morale prendre de plus en plus de place dans le droit et le droit subjectif s’installer d’une manière préludant au libéralisme moderne. Toutefois, on peut directement passer à la dernière grande période qui précède immédiatement les grands consécrations juridiques des droits de l’homme que sont les premières Déclarations. b) Les penseurs anglais du XVIIème siècle Les droits de l’homme ont été le produit de la philosophie moderne, éclose au XVIIème siècle. 121 Dans cette seule affirmation Villey nous donne trois informations : la date de naissance des droits de l’homme, leur origine (la philosophie moderne) et le fait qu’ils constituent le fruit typique de cette dernière. Un peu plus loin, il nous donne en plus le lieu de naissance : Ils surgissent, à notre connaissance, au XVIIème siècle, sous la plume d’écrivains anglais, dans une doctrine philosophique sécularisée. 122 Afin d’être le plus précis possible, Villey cite même le texte du Léviathan de Hobbes où il voit la première affirmation claire des droits de l’homme tels que nous les connaissons. Hobbes est donc une figure incontournable pour comprendre les droits de l’homme, car il permet de comprendre Locke, qui permet d’expliquer les déclarations des droits 123 . L’argumentation de Hobbes repose sur l’hypothèse de l’état de nature. Dans cet état, l’homme dispose d’une liberté indéfinie 124 , pure capacité d’action sans finalité. Voilà le droit naturel, entièrement lié à la liberté et au pouvoir de l’individu. Villey peut justement noter : 121 Le droit et les droits de l’homme, p. 131, cf. p. 22 Le droit et les droits de l’homme, p. 135 123 cf. CAMPAGNA, Michel Villey, le droit ou les droits, pp. 55-60 ; Le positivisme juridique moderne et le christianisme, pp. 201-206, 209-215 124 Le droit et les droits de l’homme, p. 140 ; cf. Note critique sur les droits de l’homme, p. 696 122 26 Le jus naturale de Hobbes est déploiement de l’action libre de l’individu qu’aucune loi ne vient entraver : émanation du sujet même, authentique droit subjectif. Tout homme le possède de soi-même. 125 Le droit présente donc ces deux caractéristiques : il est purement individuel et il est absolu. C’est l’exact inverse des positions thomistes. Ce qui est paradoxal, ce sont les conséquences de cette hypothèse chez Hobbes, que Villey appelle les deux fruits du droit de l’homme. Le premier est le conflit des droits individuels, qui impose l’existence d’un système législatif contraignant (positivisme) et donc la création d’institutions (le contrat social), qui viennent réguler les droits subjectifs mais rendent possible aussi, second fruit, le totalitarisme. La portée du système de Hobbes est telle que Locke réagira en produisant une œuvre politique avec une nouvelle synthétisation opposée 126 . Avec lui, on est entré totalement dans le mouvement doctrinal qui fonde actuellement la théorie des droits de l’homme, le libéralisme philosophique. La théorie lockienne 127 part du principe bien connu que, dans l’état de nature, l’homme ne jouit pas seulement de sa seule liberté. Le droit de propriété est tout aussi fondamental, ainsi que d’autres droits qui confortent la dignité de la personne. Lors du passage à l’état social, le contrat et les institutions politiques doivent reconnaître cela et donc protéger l’individu et sa propriété. Se constitue donc une sphère privée où l’autonomie personnelle est jalousement préservée des empiètements du pouvoir, chargée, au moyen des lois, de régler l’agencement de ces libertés individuelles. Locke préfigure ici Benjamin Constant, Alexis de Tocqueville et John Stuart Mill, penseurs de la situation actuelle. Villey a donc retracé les origines des droits de l’homme mais ne peut s’empêcher de clore sa recherche sur une dernière ironie : la notion est tellement ambiguë, oscillant entre respect intégral du droit subjectif et poids du positivisme juridique, qu’elle permet à l’un, Hobbes, de justifier le pouvoir absolu et à l’autre, Locke, de défendre l’individu contre lui 128 . Après ces deux penseurs, on retrouve le « point de départ » de la théorie des droits de l’homme contemporaine, positiviste : les grandes déclarations des droits. 125 Le droit et les droits de l’homme, p. 139 Le droit et les droits de l’homme, p. 145 127 cf. Le droit et les droits de l’homme, pp. 145-153 128 Le droit et les droits de l’homme, p. 153 126 27 Nous avons étudié comment et surtout pourquoi Michel Villey avait critiqué radicalement la notion de droits de l’homme. Ce qu’il lui reproche, au fond, c’est d’être une œuvre de non-juristes 129 et donc de méconnaître gravement les exigences d’une conception authentique du droit et de son langage. Sa plus grande contribution demeure sans doute sa précieuse histoire de la pensée juridique : c’est elle qui explique la critique car si les droits de l’homme ont pour fondement le droit subjectif, ce concept est contradictoire avec la conception classique du droit que Villey choisit comme référence. En fait, Villey accepte une ultime concession : l’expression droits de l’homme peut à la limite être valable dans le cadre de la justice générale130 . 129 Le droit et les droits de l’homme, p. 137 ; Note critique sur les droits de l’homme, p. 695 ; L’humanisme et le droit in Seize essais de philosophie du droit, p. 71 130 Les carnets, XXIII-134 28 Dans un article paru aux Archives de Philosophie du Droit en 1974 131 , Michel Villey fit la recension d’un livre de Gregorio PECES BARBA intitulé Persona, sociedad, estado, pensamiento social y politico de Maritain. Le titre de l’article est : Sur la politique de Jacques Maritain ; il est le seul texte de Villey, à notre connaissance, dans lequel il analyse et juge la philosophie de Maritain132 . Il est donc essentiel à notre sujet, car bien plus qu’une simple recension, Villey y effectue un examen critique précis de la pensée politique et juridique de Maritain. Il commence par rappeler quelques éléments de biographie à propos de Maritain, mais des éléments choisis : bien qu’il concède de Maritain « qu’il fut à titre principal le restaurateur de la philosophie de saint Thomas, indirectement d’Aristote » et qu’il eut une « vie exemplaire », son « ouverture d’esprit » qui l’a conduit à s’investir théoriquement et pratiquement dans le domaine politique l’aurait amené, selon lui, à une trop grande familiarité avec la philosophie moderne. Villey note en premier lieu les origines lointaines de l’engagement politique de Maritain, non sans déjà une certaine ironie : « Il y a le fait qu’il est issu d’une famille très républicaine, qu’enfant il vécut l’affaire Dreyfus et qu’il fut d’abord socialiste. Peut-être Maritain reviendra-t-il plus tard à ses premières amours. » Après la parenthèse de l’Action Française, Villey observe : « Rayonnant à Meudon comme chef d’école, entouré d’amis, il est le grand inspirateur de la Démocratie chrétienne ; il expose en plusieurs ouvrages (surtout Humanisme intégral) une politique démocratique ; et ne se contente pas d’être doctrinaire ; il aide à la constitution d’une nouvelle presse catholique (Sept – Esprit, dont plus tard il s’écartera), adopte en plusieurs circonstances de fermes positions pratiques (ainsi, dans la guerre civile espagnole). » Cette observation relative à l’action pratique est importante car elle 131 N° 19, pp. 439-445 Villey ne cite que deux fois Maritain dans ses Carnets (VIII-73 et XIX-16), deux références sans utilité pour notre sujet car ayant un tout autre objet. 132 29 reviendra dans l’appréciation de Villey sur le contenu théorique de la philosophie de Maritain. En second lieu, Villey note que : « Maritain eut à enseigner à Paris, non la Somme Théologique, mais la philosophie moderne et contemporaine ; qu’ensuite, vivant en Amérique, il n’échappe pas à l’emprise d’un système social constitué sur la philosophie moderne… » Ces faits ne sont pas anecdotiques pour Villey, mais « pertinents », car ils indiquent combien, « thomiste, Maritain refusa d’être réactionnaire. » La conséquence en est que, malgré la répugnance de Maritain pour la philosophie de l’histoire, celui-ci en a bien une, que Villey considère comme résolument fondée sur la notion de progrès. Il ne passe pas sous silence les dénonciations par Maritain des erreurs et déviations de la philosophie moderne, mais selon Villey : « Maritain, proche à cet égard de Teilhard de Chardin, croit au progrès historique providentiel. » « Alors Maritain va bâtir sa politique sur ce fondement » : d’où, pour Villey, des concessions (des « adoptions » ou des « acceptations ») à la « culture politique moderne », au « monde moderne » comme la laïcité, l’humanisme, le personnalisme, le pluralisme, la démocratie, même si, encore une fois, Villey fait la part des déplacements opérés par Maritain. Cette philosophie politique, Villey va donc en montrer les graves déficiences en deux temps. Tout d’abord, Villey la resitue au sein de la totalité de l’œuvre de Maritain : « L’apport majeur de Maritain demeure à nos yeux la redécouverte de la philosophie de saint Thomas, l’effort entrepris contre vents et marées pour la restituer à notre temps… On risque de mal interpréter la doctrine de Maritain, de trahir son intention profonde en isolant ses écrits politiques de l’ensemble de son œuvre… » Ce critère herméneutique posé, Villey peut ensuite relativiser la fidélité revendiquée par Maritain à saint Thomas : « Maritain ne se veut point esclave de la lettre de la Somme Théologique… Entre la doctrine politique qui est attribuée dans ce livre à Jacques Maritain et celle que, suivant Aristote, enseignait saint Thomas d’Aquin, il y a certainement désaccord. » Villey expose ici un certain nombre d’affirmations de Maritain qu’il compare à sa propre interprétation du Docteur Angélique. La conclusion est alors claire : « Oui, nous devons sans doute reconnaître une divergence substantielle entre l’enseignement de la Somme et les positions politiques de Jacques Maritain. » On peut noter qu’on est passé du constat d’un simple désaccord à une véritable divergence substantielle, ce qui est beaucoup plus fort. Or, et c’est là que 30 ce texte nous intéresse le plus, Villey souligne par deux fois un des points où s’observe le plus, selon lui, cette divergence : les droits de l’homme. Il remarque en passant : « Et Jacques Maritain d’enfourcher avec enthousiasme le vocabulaire des "droits de l’homme" », puis il affirme nettement : « Il en résulte que saint Thomas ne s’est pas embarqué dans le langage confus, illusoire, (seulement moderne) des "droits de l’homme". » Pour être complet, il nous faut ajouter deux opinions plus générales de Villey à propos de Maritain, qui nous aide à pénétrer plus complètement l'appréciation de celuilà sur celui-ci. La première lui est plus favorable : Villey ne peut que constater l'influence de Maritain. Il écrit : « Je crois que notre auteur a raison de juger importante l’influence exercée en fait par cette œuvre de Maritain. Modeste, demeuré toute sa vie loin des honneurs officiels, largement méconnu en France, sa doctrine a pourtant gagné de larges secteurs de la société politique contemporaine… La Déclaration de l’O.N.U. sur les droits de l’homme procède sans doute en partie de son enseignement… Surtout on retrouve la plupart des thèmes lancés d’abord dans les écrits politiques de Maritain, dans les encycliques de Pie XII, de Jean XXIII et de Paul VI, au concile de Vatican II, dans toute la doctrine sociale politique de l’Eglise catholique. » Sur ce dernier point, sans doute va-t-il un peu loin, mais cette interprétation suivante est sans doute assez juste, dans une certaine mesure : « Peut-être alors sa politique devrait-elle être analysée moins comme un effort pour ouvrir l’Eglise au monde de la pensée moderne que pour découvrir, dans la ligne de la doctrine de saint Thomas, une voie originale, moyenne entre les excès contradictoires où l’idéalisme constructeur de systèmes unilatéraux a conduit l’Europe moderne. » Cependant, ces mots ne doivent pas faire oublier que l'évaluation finale par Villey de la philosophie politique de Maritain est extrêmement critique, au sens négatif du terme. Villey ne s’arrête pas à relever ce qu’il appelle les divergences entre Maritain et saint Thomas ; il juge l’œuvre dans son ensemble : « Je n’estime pas pour ma part que la Politique soit le meilleur dans la doctrine de Maritain, du moins le plus clairement pensé… Son œuvre politique me paraît la moins réussie. Elle demeure confuse, ambiguë, oscillant entre l’inspiration naturaliste et réaliste, prise à saint Thomas et à Aristote, et à "l’humanisme" des modernes… Peut-être Maritain aura-t-il en cet endroit dévié de son programme, cédé à une soif d’action temporelle, liée aux contingences du moment… Il ne lui reste d’autre secours que de se jeter dans les bras 31 de la philosophie moderne ; aux applaudissements du public mais en trahissant sa vocation propre. » Le jugement est sévère. Villey ne peut, in fine, que relever « le modernisme de Maritain », alors même que, selon lui, saint Thomas se suffit à lui seul. En déviant de la pure ligne thomiste, Maritain aurait fauté en ce domaine qu’est la philosophie politique, précisément celui, nous l’avons vu, dans lequel il intègre sa philosophie du droit et sur lequel il fonde sa pensée des droits de l’homme. Déviant dans la politique, Maritain ne pouvait que déchoir, selon Villey, et au nom du Docteur commun, sur le point des droits de l’homme : « Il nous semble que saint Thomas… pouvait apporter à lui seul le remède à ces déviations. Il n’était donc point nécessaire de quitter sa ligne ni indispensable de céder une part de terrain aux idéologies modernes : l’historicisme, le démocratisme, le verbiage des "droits de l’homme". » Cet article de Michel Villey met en pleine lumière l’antagonisme de sa pensée avec celle de Jacques Maritain. Plus encore, il montre la critique qu’effectue Villey de ce qu’il considère la thèse classique du thomisme dénaturant la pensée réelle de saint Thomas. Mais la doctrine de Michel Villey n’est pas elle-même, exempte de critique. Nous pourrions ici citer par exemple les remarques critiques du professeur Schouppe : il montre qu’une autre définition du droit, compatible avec saint Thomas mais différente de celle de Villey, permet de fonder en raison les droits de l’homme. Reprenant la critique de Hervada, pour qui le droit n’est pas un rapport mais une chose, le professeur Schouppe définit le droit comme « une chose due dans le cadre d’une relation de justice », le critère de la juridicité étant la dette. Or il y a des biens qui sont requis par la nature humaine pour exister, qui constituent des droits naturels. On peut alors dire que le fondement des droits de l’homme est la dignité de la personne et que le titre en vertu de quoi le bien est attribué est la nature133 . On doit encore nommer Brian Tiernay, le grand critique de Villey au Etats-Unis, qui souligne comment la notion de droit subjectif était déjà présente chez les canonistes du XIIème siècle, ceux-là même chez qui saint Thomas puisera pour écrire la Somme 134 . A notre avis, le problème central de la justification de Maritain réside dans le passage de la morale au droit, dans la jonction des sphères anthropologiques et juridiques : comment passer de la loi naturelle et de la dignité de la personne humaine à 133 Cf. SCHOUPPE, Jean-Pierre, Réflexions sur la conception du droit de M. Villey : une alternative à son rejet des droits de l’homme, Persona y derecho, 25 (1990), pp. 159-166 134 cf. les pages essentielles de NIORT et VANNIER (dir.), Michel Villey et le droit naturel en question, pp. 113-130 32 de vrais droits de l’homme, voilà ce qu’il ne démontre pas de façon convaincante. Maritain est sans doute trop philosophe pour être un authentique juriste et il n’a pas vu les questions que soulève le droit. A l’inverse, Villey ne nous semble pas assez philosophe 135 et trop juriste : le problème central de sa pensée est la vision trop stricte du droit qu’il adopte, sans réelle démonstration qui induit une coupure entre la morale et le droit. Nous rejoignons ici complètement la critique relative du professeur Kalinowski qui a très bien expliqué ses propres divergences d’avec Villey 136 : il lui reproche sa concentration sur le juridique et, corrélativement, la séparation qu’il introduit entre le moral et le juridique ; il note aussi que le droit, chez Villey, c’est en fait et surtout le droit civil. On a vu que la distinction loi – droit était beaucoup moins forte dès qu’on aborde le droit procédural ou institutionnel. Mais surtout, il semble rejoindre Maritain quand il s’interroge : Ici un doute s’éveille dans mon esprit et une question naît. Et si le droit subjectif n’était point une fiction construite par une ontologie déviée, mais tout simplement la permission – permission qu’aucune métaphysique n’a déformée – à laquelle correspond les devoirs incombant à autrui, devoir dont le titulaire de la permission exige le cas échéant l’accomplissement. 137 En effet, on doit rappeler que pour Maritain, le droit ne cesse pas d’être objectif : les « choses dues à l’homme » s’enracinent peut être dans la nature humaine 138 , mais celle-ci est bien objectivement conçue et Maritain prend bien soin de dissocier sa philosophie de celle qui fait du sujet, de sa volonté et de sa liberté un absolu : Elle a compromis et dissipé ces droits, parce qu’elle a amené les hommes a les concevoir comme des droits proprement divins, donc infinis, échappant à toute mesure objective… et exprimant en définitive l’indépendance absolue du sujet humain et un soi-disant droit absolu, attaché à tout ce qui est en lui. 139 Certes, la formulation de Maritain prête à confusion car son vocabulaire paraît nettement subjectif et rejoint la ligne du droit comme faculté morale 140 . Mais il ne 135 Ainsi l’indique une remarque comme celle relative au manque de compréhension des fondements nécessaires du réalisme des substances secondes, La formation de la pensée juridique moderne, p. 227 136 KALINOWSKI, Georges, Aristote et Thomas d’Aquin vus par Michel Villey in Droit, Nature, Histoire. Michel Villey, philosophe du droit, pp. 57-64 137 KALINOWSKI, Georges, Aristote et Thomas d’Aquin vus par Michel Villey in Droit, Nature, Histoire. Michel Villey, philosophe du droit, p. 62 138 Les droits de l’homme, p. 69 139 Les droits de l’homme, p. 71 140 cf. Les notions premières de la philosophie morale, OC IX, p. 909 33 faudrait pas oublier que derrière ce langage apparemment moderne, c’est une doctrine du droit naturel classique qui se fait jour 141 . Si on veut établir un bilan en comparant le fond de la pensée des deux auteurs, on doit d’abord reconnaître des points d’oppositions insurpassables, qu’il nous faut lister : - pour Maritain, les droits de l’homme sont une question de philosophie politique et le but de leur étude est de défendre la personne humaine contre le totalitarisme et l’Etat ; pour Villey, les droits de l’homme sont une question de philosophie du droit et son analyse vie à défendre le concept de droit ; - Maritain est un philosophe personnaliste : il veut trouver des justifications rationnelles et procède généralement par déductions ; Villey est un juriste historien : sa méthode est toute inductive car c’est dans l’expérience et l’observation que se trouve le droit ; - Maritain cherche une synthèse entre la philosophie classique moderne, ainsi qu’avec le christianisme, alors que Villey demeure campé résolument dans le camp des Anciens ; - la connaissance du droit se fait, selon Maritain, par une connaturalité avec les inclinations essentielles de l’être humain ; pour Villey, par la dialectique et l’échange des opinions ; - le droit se dit au singulier et doit être tiré de la nature humaine pour Maritain alors qu’il est essentiellement pluraliste pour Villey, qui le tire de la nature des choses ; - la source de la doctrine maritanienne réside habituellement dans le Traité des Lois de la Somme de saint Thomas, reçu avec les interprétations des commentateurs postérieurs à Thomas ; Villey trouve sa théorie dans le Traité de la Justice et, se défiant radicalement des commentateurs thomistes, fait beaucoup plus référence à Aristote 142 ; - tandis que Villey s’attarde sur l’office du juge, Maritain parle principalement de l’œuvre du gouvernement. Quelques points méritent d’être soulignés plus précisément. Si l’on reprend la distinction aristotélicienne du juste général et du juste particulier si chère à Michel Villey, on peut se demander pourquoi il évacue immédiatement le juste générale (et donc la loi) du domaine du droit, tout de suite après avoir défini celui-ci comme étant ce 141 SCHALL, Jacques Maritain, the philosopher in society, p. 86 : « What Maritain proposes to do in his discussions of natural law and natural or human rights is to suggest a way to corrdinate modern rights talk, seen to be in fact the most popular and well-known way of describing what a human being is, with natural law principles... Very few people, however, understand that natural right means and must mean the objective duty that we have to, what is right (jus), to what is due to another. » 142 Questions de saint Thomas, pp. 95-96, 113-114, 124 ; La formation de la pensée juridique moderne, pp. 152-153 ; RIALS, Villey et les idoles, p. 30 ; il note expressément que Maritain a trop compté sur les commentateurs de saint Thomas : Le droit et les droits de l’homme, p. 126 34 qui est juste, l’objet de la justice. Il ne fait aucun doute que pour Aristote comme pour saint Thomas, le juste légal est bien authentiquement du juste 143 et, partant du droit. Les deux types de juste sont du droit puisque celui-ci est précisément le juste. En refusant le statut de droit (de juste) à la loi (c’est-à-dire au juste général), Villey adopte en fait une attitude individualiste et nominaliste : le juste est toujours un acte moral référencé à autrui mais celui-ci peut être autant individuel que collectif, puisque les êtres généraux sont réels. Si l’homme est naturellement social, il y a des relations entre les individus mais aussi des relations entre les individus et la totalité du corps social. Ces relations extériorisent un certain nombre de biens, de valeurs et les rendent membre d’un partage. On doit donc noter que Maritain ne parle pas des droits de l’individu, mais des droits de la personne humaine : il y a toujours intrinsèquement une altérité, car la personne est toujours située. Voilà pourquoi on peut parler de droit en terme de dû réclamé par une chose, que ce soit la nature humaine, la nature des choses ou des situations particulières. Dans tous les cas, si on est réaliste, il y a une altérité et le dû est toujours objectif car il n’est pas imposé mais découvert. Pour Villey, il n’est pas possible d’inférer du droit d’un seul terme, car le droit requiert une pluralité de personne. Voilà pourquoi les notions de droit et d’homme, au singulier, sont opposées 144 . Cela condamne radicalement à ses yeux la tentative de fonder les droits de l’homme sur un droit de nature, reposant sur l’essence générique de l’homme 145 . Cependant on doit avoir présent à l’esprit qu’il y a deux aspects dans la nature humaine : la morale proprement dite, intérieure au sujet, et celle au sens large, la justice, qui vise l’homme dans son existence naturellement communautaire. Après le nominalisme, l’étude de la nature humaine a été de plus en plus détachée de sa source ontologique réaliste. On a donc abandonné la nature sociale de l’homme pour le réduire à un individu. Ainsi, il nous semble que le problème n’est pas tant celui soulevé par Villey, d’un droit individuel au sens de droit tiré de la nature humaine, mais celui de la définition de la nature qu’on emploie. Cela change tout. La révolution nominaliste fut d’abord métaphysique avant d’être juridique : la modification du concept de nature 143 DARBELLAY, La réflexion des philosophes et des juristes sur le droit et la politique, pp. 9-11 Le droit et les droits de l’homme, pp. 21-22 ; Note critique sur les droits de l’homme, p. 698 145 Critica de los derechos del hombre, pp. 245-246 ; Note critique sur les droits de l’homme, p. 697 ; Le droit et les droits de l’homme, p. 134 et 154 144 35 bouleversa dans un second temps le droit en empêchant d’accéder à une compréhension intégrale de la nature humaine. Les rapports du droit et de la loi posent donc un vrai problème mais, si Maritain ne semble pas en avoir pris conscience, Villey a voulu réagir trop fortement. Tout le droit n’est pas la loi mais la loi est, au moins pour une part, du droit. Les deux notions sont distinctes mais non séparées et la distinction droit / morale repose sur d’autres critères. Villey, à trop vouloir distinguer, sépare et réduit le droit à quelque chose de strict sans démonstration. Un autre point réside dans la définition même du droit. Pour Maritain, l’ordre juridique est l’ordre moral (le debitum) auquel s’ajoute la contrainte sociale. Il y a donc un élément générique (la morale) et un élément spécificateur (le commandement), mais il n’y a pas d’objet vraiment nouveau quand on passe de la morale au droit. Villey a sans doute une vision plus proche de saint Thomas mais surtout il permet de comprendre que la modernité a séparé ces deux éléments pour ne conserver que la contrainte, comme elle a séparé les deux sources de l’ordre juridique pour ne conserver que le droit positif. Les deux auteurs se complètent car on peut tomber d’accord sur le fait que les droits de l’homme naissent quand disparaît toute référence normative objective, morale ou juridique. Cependant, malgré toutes ces oppositions, qui expliquent chacune pour une part le grand contraste de leur conclusion respective concernant l’existence des droits de l’homme, on peut aussi repérer un ensemble de points de convergence non négligeable : - on trouve à la racine de leur œuvre intellectuelle le même désir de rechercher la vérité, de rétablir les vérités et conclusions perdues et de restaurer les conditions de possibilité d’une authentique vie de l’esprit, de l’intellect ; il y a chez eux deux un combat incessant contre toutes les fausses philosophies et contre les erreurs de la philosophie moderne ; - les deux hommes sont donc, pour cela, des philosophes, qui veulent l’un et l’autre restituer à la métaphysique, à l’ontologie et au réalisme leur place légitime ; - les deux philosophes sont donc tout les deux d’accord pour rappeler l’objectivité du droit et pour lutter contre le subjectivisme, même s’il l’interprète différemment ; - les deux auteurs tombent aussi d’accord pour affirmer que le droit est à dire et non pas à faire. Son temps grammatical est l’indicatif, non l’impératif ; 36 - Villey, comme Maritain, use de la distinction individualité – personnalité et va jusqu’à affirmer que « saint Thomas a déjà perçu ce que nous appelons les droits de l’individu » 146 ; - les deux ont été largement déçus dans leur espérance, bien qu’ils ne se faisaient pas d’illusions et que Maritain connut sans doute une postérité officielle au travers du Magistère contemporain. On doit s’arrêter sur leur conception de l’histoire de la pensée. Les deux philosophes sont persuadés de la fécondité d’une méthode mettant en parallèle philosophie générale et pensée juridique. La synthèse apportée par Villey est sur ce point précieuse et durable. De nos jours, l’œuvre très complète et précise de André de Muralt reprend ses conclusions et démontrent la portée des thèses scotistes dans toute la philosophie moderne 147 . Or, malgré ce qu’il paraît au premier abord, Maritain est loin d’avoir négligé cet aspect et on trouve chez lui de nombreux éléments proches de la pensée de Villey. S’il en reste le plus souvent à une rupture datée de Descartes 148 , il n’ignore pas le nominalisme 149 . On peut toutefois se demander si, en général, il est remonté suffisamment loin dans le passé 150 . Il nous semble possible de décrire ainsi l’antagonisme radical de leurs pensées, si l’on tente de dégager leur mouvement le plus profond : tandis que Jacques Maritain critique les fausses philosophies des droits de l’homme 151 , et en propose donc une vraie fondée sur la loi naturelle, Michel Villey, quant à lui, critique la notion même de droit de l’homme et affirme qu’elle est impossible à soutenir dans un contexte thomiste pour un juriste. D’une certaine manière, le titre de leur principal ouvrage en la matière est révélateur : Maritain met en relation les droits de l’homme et la loi naturelle, son seul fondement possible ; Villey, en comparant le droit et les droits de l’homme, souligne avec force que les deux notions sont exclusives l’une de l’autre. 146 cf. La formation de la pensée juridique moderne, p. 174 ; Le droit et les droits de l’homme, pp. 111112 147 cf. de MURALT, André, L’unité de la philosophie politique. De Scot, Occam et Suarez au libéralisme contemporain, Vrin, Paris, coll. Bibliothèque d’histoire de la philosophie, 2002, 198 p., notamment pp. 154-156 148 « C’est à partir du XVIème siècle que s’est produit le renversement caractéristique du monde moderne » soit la révolution cartésienne, Science et sagesse, OC VI, p. 41 ; cf. Le songe de Descartes (1932), OC V, pp. 9-222 149 cf. Court traité de l’existence et de l’existent, OC IX, p. 15 ; Trois réformateurs, OC III, p. 462, 467 ; La loi naturelle et la loi non écrite, pp. 108-109 ; cf. ce que dit son ami JOURNET, Exigences chétiennes en politique , p. 355 150 FLOUCAT, Le Moyen-Age de Jacques Maritain, in Saint Thomas au XXème siècle, p. 277 151 Il aime à opposer le faux et le vrai humanisme, la fausse et la vrai philosophie… cf. Théonas, OC II, pp. 801-808 ; Du régime temporel et de la liberté, OC V, p. 393 37 On aperçoit alors mieux combien le conflit intellectuel mis en relief par la confrontation de Villey et de Maritain ne concerne seulement que deux points fondamentaux : la définition de la nature du droit et la définition du droit subjectif. Le cœur du débat est un problème de langage, de distinctions et précisions, et il est le même quels que soient les cadres philosophiques, même si celui thomiste impose de trouver une solution à ces deux points litigieux compatibles avec une métaphysique réaliste. Il nous semble qu’il est possible de maintenir ensemble les deux en purifiant certes fortement la notion de droit subjectif (comme l’invite la réflexion villeyienne) afin d’en restituer l’essence objective, et en n’adoptant pas une définition trop restrictive du droit qui ne s’impose pas (comme l’invite la théorie maritanienne) Cette question du droit subjectif et de sa compatibilité ou non avec le thomisme, ce qui donnerait un fondement aux droits de l’homme, est illustrée par les nombreuses querelles ayant eu lieu entre Michel Villey, Louis Lachance, Jean Dabin, Félicien Rousseau 152 … Mais c’est surtout l’école anglo-saxonne qui est féconde. Des rapprochements entre Maritain, Villey et Léo Strauss ou Alasdair MacIntyre ont été fait 153 . Mais surtout entre John Finnis, disciple de Maritain, et Ralph McInerny, disciple de Villey 154 . A cet égard, il nous semble que le débat Maritain – Villey met en lumière un aspect de la philosophie thomiste souvent laissé dans l’ombre alors même qu’il est au cœur du problème : les relations de la loi naturelle et du droit naturel. Maritain fonde les droits de l’homme sur la première, immuable et universelle, alors que Villey rejette les droits de l’homme au nom du second, variable. En conclusion, nous voudrions nous arrêter sur un point très spécifique : Michel Villey comme Jacques Maritain ont eu à composer avec la doctrine sociale de l’Eglise qui, avec Pie XII, introduisit très largement les droits de l’homme. La dédicace du livre de Villey à Jean-Paul II est très loin d’être anecdotique : ses ouvrages reviennent sans cesse sur la critique de la doctrine sociale de l’Eglise et les analyses des théologiens, qu’il accuse de ne rien connaître au droit, de méconnaître la juste autonomie de cette science et de confondre le droit et la morale. Or la doctrine sociale de l’Eglise, dans ses très nombreux développements sur les droits de l’homme, qui s’appuient d’ailleurs 152 cf. NIORT et VANNIER (dir.), Michel Villey et le droit naturel en question, p. 95, 128, 149, 158-159, 164-166 153 SIGMUND, Paul, L’influence de Jacques Maritain sur les Amériques in BRESSOLETTE et MOUGEL (dir.), Jacques Maritain face à la modernité, p. 218 ; RIALS, Introduction in La formation de la pensée juridique moderne, pp. 3-4 154 cf. NIORT et VANNIER (dir.), Michel Villey et le droit naturel en question, p. 106, 112 38 parfois sur saint Thomas, insiste sur les « exigences » propres de la personne humaine et qu’il faut lui reconnaître à peine de mépriser sa dignité. C’est cela qu’elle appelle ses droits. Il nous semble que le fond du problème est là : la philosophie, dans toutes ses parties (métaphysique, morale, politique) révèle que la personne humaine est porteuse, même et surtout au sein de la communauté dans laquelle elle vit, d’une dignité et de valeurs intangibles, qui doivent être reconnues dans l’ordre objectif du droit. Dans la réflexion engagée concernant les droits de l’homme, les juristes et les hommes politiques sont surtout préoccupés des mécanismes qui peuvent en garantir la défense et la protection. Les philosophes et les théologiens, quant à eux, sont plutôt en quête de fondement. 155 Maritain insiste sur la nécessaire consécration juridique des conséquences de la dignité de la personne humaine. Villey rappelle que le droit est instrument qui a ses lois propres qu’il faut respecter. C’est dans l’équilibre de ces deux exigences que la philosophie des droits de l’homme trouve sa raison d’être. 155 THILS, droits de l’homme et perspectives chrétiennes, p. 49 39 BIBLIOGRAPHIE Les ouvrages sont cités en bas de page de la manière suivante : le nom de l’auteur, le titre (parfois abrégé), la page. Les Œuvres complètes de Jacques Maritain sont citées ainsi : titre de l’ouvrage original, OC, numéro du volume, page. Pour certains ouvrages de Maritain, l’indication de pages seules renvoie non aux Œuvres Complètes mais aux autres éditions mentionnées dans la bibliographie. JACQUES MARITAIN De J. Maritain Ouvrages - Les droits de l’homme, DDB, Paris, coll. Les îles, 1989, 139 p. - Christianisme et démocratie, DDB, Paris, coll. Les îles, 1989, 121 p. (réédition : Christianisme et démocratie suivi de Les droits de l’homme, DDB, Paris, 2005, 233 p.) - La loi naturelle et la loi non écrite, Editions universitaires, Fribourg, coll. 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Essai de synthèse thomiste, Revue Thomiste, 2 (1958), pp. 285-336 et 4 (1958), pp. 674-694 - VAN OVERBEKE, Paul, La loi naturelle et le droit naturel selon saint Thomas, Revue Thomiste, 1 (1957), pp. 53-78 et 3 (1957), pp. 450-495 46 TABLE DES MATIERES Introduction p. 4 Chapitre 1. Jacques Maritain : la dignité de la personne humaine p. 16 Section 1. Prolégomènes à une théorie des droits de l’homme p. 19 §1 – Le contexte d’élaboration de la théorie maritanienne 1) La participation de Maritain à la reconnaissance internationale des droits de l’homme a) L’ONU, l’UNESCO et la Déclaration universelle de 1948 b) Le rôle de Maritain à l’UNESCO 2) De la métaphysique au droit : le statut du savoir juridique a) La hiérarchie des sciences b) L’impossible séparation de l’être et du devoir-être p. 19 §2 – La consécration juridique possible des droits de l’homme 1) La prise en compte du pluralisme de la société a) La division des esprits dans la société moderne b) La société pluraliste 2) La possibilité d’un accord pratique dans une société pluraliste a) L’existence possible d’un accord pratique b) La portée de l’accord pratique p. 29 p. 30 p. 30 p. 32 p. 34 p. 34 p. 36 Section 2. La nature humaine et ses droits p. 39 §1 – Le personnalisme thomiste de Jacques Maritain 1) L’individu et la personne: une distinction essentielle a) Les causes de la réflexion maritanienne sur la personne b) L’individualité et la personnalité 2) La société des personnes humaines a) La société et le bien commun b) La société humaine: un tout de touts p. 39 p. 40 p. 41 p. 43 p. 44 p. 45 p. 47 §2 – La loi naturelle, fondement des droits de l’homme 1) La théorie maritanienne de la loi naturelle a) L’élément ontologique b) L’élément gnoséologique 2) Le droit et les droits de l’homme chez Jacques Maritain a) La définition de l’ordre juridique b) Les droits de l’homme p. 49 p. 51 p. 51 p. 53 p. 56 p. 56 p. 59 p. 20 p. 20 p. 21 p. 23 p. 24 p. 26 47 Chapitre 2. Michel Villey : le droit dans les choses, objet de la justice p. 63 Section 1. L’analyse villeyienne du langage du droit p. 67 §1 – Le problème du langage des droits de l’homme 1) Le langage des droits de l’homme a) Le bilan du langage des droits de l’homme b) Le discours villeyien sur les droits de l’homme 2) Les voies d’accès à l’authentique langage juridique a) Le réalisme de Michel Villey b) Le mouvement de la pensée juridique p. 67 p. 68 p. 69 p. 71 p. 74 p. 74 p. 77 §2 – Le concept de droit chez Michel Villey 1) La définition du droit d’Aristote a) Du droit à la justice b) Les attributs du droit 2) Le droit chez les Romains a) Le droit chez Cicéron b) Le droit dans le Digeste p. 80 p. 81 p. 81 p. 83 p. 86 p. 87 p. 88 Section 2. La genèse des droits de l’homme p. 91 §1 – Thomas d’Aquin : la synthétisation du droit objectif 1) Les rapports du droit et de la loi chez saint Thomas a) Le droit, la loi et la morale b) La sphère modeste du droit 2) Le droit naturel et les droits de l’homme a) Le droit naturel chez Aristote et saint Thomas b) La conception villeyienne du droit naturel p. 92 p. 93 p. 94 p. 96 p. 99 p. 99 p. 102 §2 – Le droit subjectif, fruit du nominalisme 1) La révolution nominaliste a) La naissance d’une pensée individualiste et volontariste b) Les conséquences juridiques du nominalisme 2) Les théories des droits de l’homme, héritières du nominalisme a) La Seconde Scolastique b) Les penseurs anglais du XVIIème siècle p. 106 p. 107 p. 107 p. 110 p. 113 p. 113 p. 115 Conclusion p. 118 Bibliographie p. 129 Table des matières p. 136 48 L’auteur du mémoire tient à remercier vivement : Monsieur le Professeur Jean Morange, Son directeur de mémoire - Frère Jean-Miguel Garrigues, o.p. - Père Marie-Bruno Bordes, o.c.d. - Monsieur l’Abbé Stéphane Loiseau pour leurs encouragements à étudier l’œuvre du Docteur Angélique, notamment dans sa partie politique et juridique - Monsieur le Professeur Renato Rabbi-Baldi Cabanillas - Monsieur le Professeur Jean-Pierre Schouppe - Monsieur Gilles Plante pour leur aide apportée à pénétrer la doctrine de Michel Villey - Mademoiselle Maria Grigoriou - Mademoiselle Vassiliki Kapsali pour leur traduction des textes en grec 49