de la nature y ont de tout temps attaché, et qui a jusqu'à présent empêché sa
divulgation à la masse des profanes. Et certes un grand nombre de disciples
initiés regarderont avec surprise et regret l'abandon de cette politique de
secret absolu, de tradition immémoriale, que représente la publication de cet
ouvrage. Ce sera pour eux une terrible profanation des grands mystères que
de voir livrées à une critique peut-être incompétente et irrespectueuse des
doctrines considérées jusqu'ici comme trop sacrées pour être mentionnées
ailleurs qu'en des occasions dignement solennelles. Mais du point de vue
européen, [5] il serait déraisonnable d'espérer que ce livre pût échapper à ce
maniement dénué de douceur qui attend toutes les idées nouvelles, et qui
dans le cas présent se doublera d'une inimitié particulière de la part des
convictions étroites ou de la bigoterie banale. Mais tout cela, bien que très
naturel pour un Européen comme moi, suscitera chez les anciens et plus
authentiques détenteurs de la doctrine un sérieux chagrin et une vive
répugnance. Ils en appelleront, pleins de tristesse, à la sagesse de la règle
immémoriale qui, selon l'antique symbole, interdisait de répandre les perles
devant les pourceaux.
Il est heureux, à mon avis, que la règle ait été levée en faveur de ceux
qui, bien que très loin d'être initiés, au sens occulte du terme, ont
probablement acquis, par la seule force de la culture moderne, la possibilité
d'apprécier cette concession.
Une partie des informations contenues dans ce volume fut tout d'abord
avancée par fragments dans le Theosophist, revue mensuelle publiée à
Madras par les chefs de la Société Théosophique. Comme presque tous ces
articles sont sortis de ma plume, je n'ai pas hésité à en incorporer des parties
dans cet ouvrage, quand cela m'a paru utile. Il y a ainsi un certain avantage
à montrer comment les fragments séparés de la mosaïque qui furent
présentés jadis au public, trouvent leur place naturelle dans le dessin
(approximativement) terminé.
La doctrine, ou système, que j'expose à grands [6] traits, a été si
jalousement gardée jusqu'ici que nulle recherche purement littéraire, même
la plus minutieuse, n'aurait pu découvrir dans l'Inde entière le moindre
rudiment de cette doctrine ici révélée. Elle est enfin donnée au monde par la
libre grâce de ceux qui en ont eu jusqu'à présent le dépôt ; rien n'aurait pu
leur en arracher une seule syllabe. Seules les explications que nous
fournissons ici peuvent permettre de critiquer ou même de comprendre leur
position vis-à-vis, soit de leurs révélations actuelles, soit de leur réticence
passée. Les conceptions de la nature que nous exposons sont absolument