D'autres traits doivent être indiqués. Ainsi le fait que si a priori la règle déontologique
ne s'applique qu'aux seuls professionnels, dans la mesure où nombre de ses
dispositions ne reflètent que les exigences d'un règlement intérieur, il contient
cependant des dispositions concernant l'ordre public, par exemple au sujet du
respect de la vie, du libre choix du praticien et que l'on retrouve, même à travers des
formulations ou des solutions autrement aménagées, dans le cadre du droit commun,
spécialement du droit civil. Les aventures du concept de dignité de la personne
humaine en sont une preuve parmi bien d'autres. Et il faut, à s'en tenir au plan
professionnel, constater que les devoirs exprimés échappent au principe de légalité
contrairement à ce que l'on constate en droit pénal au sujet du principe de la légalité
des délits et des peines. Ajoutons que la règle déontologique n'est pas une "règle de
substitution, d'exception ... mais une règle indépendante qui s'ajoute au droit
commun" (3). Entre la règle morale et la règle juridique, la règle déontologique appelle
des réflexions renouvelées (4). Sur le terrain, on connaît les difficultés inhérentes aux
cessions de clientèle. Des observations analogues peuvent être formulées à propos,
notamment, des "diligences normales" de certaines professions et qui ne sont pas
indifférentes à l'appréciation des responsabilités professionnelles par les juges. Au
total, ce qui ressort de cette rapide évocation, c'est, par l'effet des décisions des
tribunaux le passage naturel de ces obligations dans le domaine du droit de la
responsabilité civile.
Passé le cap des règles déontologiques et, si l'on peut dire, descendant d'un degré
du droit vers le fait (les pratiques) qui naturellement tend à s'organiser à la lumière de
l'expérience, on se trouve encore plus directement confronté aux problèmes de
responsabilité. La règle est maintenant ancienne et bien établie : ce qui est, le cas
échéant, reproché au médecin (lato sensu), c'est de ne pas avoir fourni au patient
des soins consciencieux, attentifs et surtout "conformes aux données acquises de la
science" (5). C'est d'ailleurs assez largement sur cette base que s'est édifiée la notion
d'"obligation de moyens" par opposition à l'obligation de résultat.
De multiples décisions des tribunaux ont précisé la règle jurisprudentielle qui,
implicitement, renvoyait initialement à un ensemble de règles de l'art, variant selon
les spécialités. L'objet de cette référence n'en a pas moins suscité des hésitations,
3. J.-P. Almeras et H. Peguignot, op. cit., p. 4.
4. V. not. D. Gutmann, " L'obligation déontologique, entre l'obligation morale et
l'obligation juridique ", Arch. phil. droit 2000 (à paraître).
5. Cass. civ. 20 mai 1936, DP 1936, 1, 88, concl. P. Matter, rapport L. Josserand, S.
1937, 1, 321, note A. Breton, Grands arrêts nº 93.
F. TERRE 4