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n°29 • juillet - août - septembre 2013
[ Exclusif ] [ Reportage ]
ou médecin. » Sa destinée, il l’a rêvée 
très jeune. Enfant, il se voyait chef 
d’orchestre. Quand il déroule les fils 
ténus de sa mémoire, à  cinq ans, il 
se souvient sur la télé familiale de sa 
madeleine de Proust, sous la forme 
d’un film. La musique dans son enfan-
tine arrière-cuisine musicale entonne le 
thème de West Side Story. Avec à l’écran, 
le spectacle de l’exubérante prestance 
de Leonard Bernstein dirigeant l’or-
chestre. Il est fasciné. « Je voulais vraiment 
faire le grand chef d’orchestre. » Ses parents 
tempèrent ses ardeurs. Ils lui suggèrent 
de commencer par apprendre un 
instrument. A six ans, dans sa ville de 
naissance à l’Académie de Courtrai, il 
commence par jouer du violon. C’est 
en dehors de l’enseignement de l’Aca-
démie, chez Annie Denecker devenue 
« sa grand-mère musicale » qu’il apprend 
le piano.  A onze ans, avec son argent 
de poche, il achète sa première parti-
tion, comme d’autres collectionnent 
des vignettes Panini ou achètent des 
B.D. Pour lui, une nécessité : l’achat 
de la Flûte enchantée, l’opéra de Mozart. 
L’œuvre reste une de ses préférées. 
Même s’il reconnaît que ce sont les 
œuvres de Beethoven qu’il joue le plus 
souvent.  « Il est vrai que c’est un art qui 
n’est plus tout à fait populaire, mais je crois 
qu’il faut tout faire pour qu’il le demeure. »
Watercolor
Ainsi, au Petit Palais à Paris, le 21 
novembre, avec Albane Carrère, 
mezzo, il interprétera les Nuits d’été 
de Berlioz suivies du Sieben Frühe, 
lieder d’Alan Berg, puis une œuvre 
de son compatriote Benoît Mernier, 
Verklärter Herbst. Dans la programma-
tion des concerts, oser est nécessaire, 
remplir les salles reste aussi important. 
«  Il est vrai que le fonds de commerce, c’est 
le grand répertoire classique, celui qui va 
jusqu’à la moitié du XXe. »
Des facéties enfantines, lorsqu’il 
dirigeait les opéras de Mozart devant 
sa glace, il est aujourd’hui sagement 
installé au clavier pour instiller à son 
public son amour de la musique de son 
temps. Ainsi, en 2011, un des jalons 
importants de sa carrière de concer-
tiste fut la création de Watercolor, une 
commande faite à son ami américain, 
Bryan Christian, jouée lors d’un récital 
au Palais des Beaux-Arts de Bruxelles 
(BOZAR). « J’aime bien le style méditatif 
de ses compositions. »
De son lointain apprentissage au violon, 
il jette un regard lucide et sans regret 
sur ses modestes aptitudes d’alors. 
D’autant que, aujourd’hui, il s’amuse 
de l’envie artistique des violonistes à 
jouer Chopin, mais surtout du résultat, 
de cette viscérale  incompatibilité musi-
cale de l’œuvre du compositeur avec le 
violon. « Toute l’œuvre de Chopin, pour 
moi, il n’y a pas de musique qui tombe plus 
en miettes quand elle est jouée sur un autre 
instrument que le piano. »
 
L’extrême concentration réclamée 
sur scène est pour Julien Libeer, sans 
doute, l’exigence la plus difficilement 
compréhensible pour le public. « Sans 
cette concentration absolue, cela part tout de 
suite en vrille. Si l’on ne reste pas connecté au 
côté organique du geste, on se déconnecte de la 
nécessaire balance entre le mental et le corps. 
Une relation qui fait disserter les philosophes 
depuis des millénaires. »
      
    
De notre envoyé spécial à Bruxelles
Alain THOMAS
© Photos : D-artagnan 
Julien Libeer ou la modernité tranquille
Julien Libeer, jeune pianiste belge, entre en phase de maturité sereine dans sa carrière 
de concertiste international. Portrait chez lui, à Bruxelles.